Question d'actualité au gouvernement n° 0465G de M. Michel Doublet (Charente-Maritime - UMP) - publiée dans le JO Sénat du 09/04/2010
M. Michel Doublet. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Le 28 février dernier, la tempête Xynthia a endeuillé la Charente-Maritime et la Vendée. Ma pensée, à laquelle j'associe Claude Belot, Daniel Laurent et nos amis de Vendée, va aux victimes et à leurs familles.
Aujourd'hui, nous devons faire front et reconstruire. Compte tenu du montant des dépenses qui vont être engagées par les collectivités locales, la mise en place d'une mesure exceptionnelle permettant de percevoir les sommes dues au titre du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, l'année même de la dépense serait particulièrement favorable aux collectivités. Que pensez-vous de cette suggestion, monsieur le ministre d'État ?
Quant à l'entretien des digues et des ouvrages de protection des côtes, indispensables au maintien de l'intégrité de nos territoires, la phase 1 des travaux d'extrême urgence a été réalisée en un temps record. Nous entrons à présent dans la phase 2, qui va exiger des moyens financiers importants, que les collectivités ne pourront supporter seules. Les associations syndicales de propriétaires seront dans l'incapacité financière d'en assumer le coût, d'autant qu'elles doivent intégrer des contraintes environnementales ou architecturales excessives et dispendieuses. Il conviendrait ici de revenir sur l'arrêté d'interdiction de travaux du 1er avril au 30 juin. Un taux dérogatoire de 90 % de subvention devrait de surcroît être accordé à ces propriétaires.
Par ailleurs, 8 millions d'euros de travaux de consolidation ont été réalisés sur réquisition de l'État. Monsieur le ministre d'État, confirmez-vous leur prise en charge intégrale ? Il faut y ajouter les 20 millions d'euros de travaux prévus pour 2010.
Le conseil général de la Charente-Maritime, dont le président siège au banc du Gouvernement, ne pouvant supporter une telle charge, nous attendons que l'État s'engage à financer les travaux correspondants à hauteur d'au moins 50 %, en plus des crédits européens.
Nous espérons également qu'il s'engagera à financer au moins 80 % des travaux du plan « digues », prévus sur dix ans et estimés à 200 millions d'euros.
Monsieur le ministre d'État, j'oserai une suggestion : ces sommes ne pourraient-elles pas être prélevées, en partie, sur le reliquat du plan de relance ?
Enfin, concernant les « zones noires »,…
M. Jean-Louis Carrère. C'est la gendarmerie !
M. Michel Doublet. … il est indispensable de revoir le zonage en collaboration étroite avec les élus locaux et les associations de sinistrés, car l'on constate que certaines zones sont vouées à la destruction alors qu'elles ne devraient pas l'être.
Monsieur le ministre d'État, nous devons avoir la certitude que l'État sera à nos côtés pour mener à bien ces projets indispensables pour l'avenir de nos territoires et des générations futures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Philippe Darniche et Jean Arthuis applaudissent également.)
Réponse du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat - publiée dans le JO Sénat du 09/04/2010 - page 2514
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur Doublet, nous avons eu l'occasion d'échanger sur ce sujet à la fois douloureux et complexe hier, lors de la réunion de la mission d'information présidée par M. Bruno Retailleau.
Premièrement, en réponse à la demande que vous avez présentée avec les sénateurs de Vendée et de Charente-Maritime, un dispositif exceptionnel de compensation de la TVA sera mis en place, conformément à l'arbitrage rendu par M. le Premier ministre en fin de matinée,…
M. Roland du Luart. Très bonne nouvelle !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. … afin que les communes concernées par l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle puissent engager immédiatement les travaux et disposer des avantages de trésorerie.
M. Jean-Pierre Chauveau. Très bien !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Ce dispositif étant exceptionnel, il ne s'appliquera bien entendu qu'aux travaux directement liés aux éléments consécutifs à la tempête. Vous avez donc entière satisfaction sur ce point, monsieur le sénateur.
Deuxièmement, je vous confirme, au nom du Premier ministre et du Gouvernement, que, en cas de réquisition, lorsque l'État donne des ordres, il assume ses responsabilités.
Troisièmement, et c'est la confirmation des propos tenus hier, la quote-part non locale – le terme « locale » couvre toutes les strates de collectivités – sera de 50 %, y compris les 10 % du Fonds européen de développement régional, le FEDER. Sous la responsabilité globale de l'État – par son budget et par l'intermédiaire du FEDER –, la prise en charge atteindra donc bien 50 %.
En ce qui concerne les fameuses zones noires, un accord général a été trouvé, à l'exception de quatre zones situées en Charente-Maritime qui vont faire l'objet d'une analyse plus détaillée.
Aux termes de cet accord, les personnes qui possèdent un patrimoine dans ces zones – résidence principale ou secondaire – se verront proposer par l'État, directement ou indirectement, une offre d'indemnisation financée par l'État. Cette offre correspondra à la valeur exacte du bien avant la catastrophe, sans tenir compte du risque de catastrophe auquel le bien était exposé et quels que soient le taux et le niveau d'indemnisation de l'assurance. (M. le ministre chargé des relations avec le Parlement apprécie.)
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas ce qu'ils disent !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Monsieur le sénateur, j'espérais plutôt que vous vous réjouiriez de cette procédure exceptionnelle, qui me paraît absolument décisive !
De manière générale, pour le classement en « zone noire », quatre communes bénéficieront d'un complément d'étude. Dans tous les cas, nos amis et compatriotes de Vendée et de Charente-Maritime ne subiront aucune perte en patrimoine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Philippe Darniche applaudit également.)
Question d'actualité au gouvernement n° 0468G de M. Michel Boutant (Charente - SOC) - publiée dans le JO Sénat du 09/04/2010
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Boutant. Ma question pourrait s'adresser à plusieurs ministres, qu'ils soient présents ou non aujourd'hui dans cet hémicycle.
Six semaines après le phénomène Xynthia, on ne peut s'empêcher de penser à ces 53 personnes mortes au cours de la nuit tragique du 27 au 28 février. À la suite de deux visites présidentielles et d'une kyrielle de visites ministérielles sur la côte charentaise ou vendéenne, le chef de l'État a annoncé le 16 mars 2010 à la Roche-sur-Yon de nombreuses mesures. Or il semble que la seule décision prise, celle qui marque les esprits en tout cas, soit de démolir près de 1 400 maisons situées en zone submersible et de proposer une indemnisation par l'État, sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, et de lancer un plan « digues ».
J'observe d'ailleurs à ce sujet que l'aide de l'État, qui devait couvrir 50 % des dépenses selon les annonces présidentielles du 16 mars, n'en couvre plus aujourd'hui que 40 %…
M. Jean-Louis Carrère. Exact !
M. Michel Boutant. Jusqu'où allons-nous descendre ? La construction de 150 kilomètres de digues, sur la base d'un million d'euros en moyenne par kilomètre, représente 150 millions d'euros. Même si ces travaux sont financés à hauteur de 40 % par l'État, il reste 90 millions d'euros à la charge des collectivités, alors que ces digues, pour l'essentiel, ne sont pas leur propriété.
Et il est fort à parier que les propriétaires concernés par la destruction ne retrouvent pas leurs billes, si vous me passez l'expression, car les compagnies d'assurance et l'État vont se renvoyer la balle.
À côté de ces questions extrêmement importantes de digues et de maisons, qu'en est-il, messieurs les ministres, des professionnels qui, outre leur maison d'habitation, ont également perdu leur outil de travail ? Je pense en particulier aux filières touristique, ostréicole, conchylicole et aquacole.
Qu'en est-il des biens non assurables des communes qui ont réalisé des investissements lourds pour viabiliser ces zones en passe d'être rendues à la nature, et pour lesquelles des emprunts ont été contractés, ces derniers n'étant désormais plus couverts par des recettes correspondantes ? Qu'en est-il de ces communes qui vont perdre une part considérable de leur patrimoine bâti, et donc de leur produit fiscal ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Eh oui ! C'est un problème important.
Réponse du Secrétariat d'État au logement et à l'urbanisme - publiée dans le JO Sénat du 09/04/2010 - page 2517
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le sénateur, le Président de la République l'a clairement affirmé le 16 mars dernier : « Dans les zones exposées au plus fort risque, nous n'avons pas le droit, collectivement, de laisser nos concitoyens se réinstaller comme si de rien n'était ».
M. Alain Gournac. Absolument !
M. René-Pierre Signé. On n'arrive plus à le croire !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Pour le Premier ministre, pour Jean-Louis Borloo, qui vient de le réaffirmer à l'instant, comme pour moi-même, le principe est très clair : entre le fonds « Barnier » et l'intervention des assureurs, chacun recevra une indemnité correspondant à la valeur de son bien avant la tempête.
M. René-Pierre Signé. Et le foncier ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le fonds « Barnier » sera mobilisé à cette fin, et nous avons déjà reçu des engagements de la part des assureurs.
Dans tous les cas, pour les sinistrés, le rachat sera établi sur la valeur des Domaines. Cette évaluation sera faite sans tenir compte des conséquences de la catastrophe, et nous nous préoccuperons bien évidemment du bâti, mais également du foncier, pour répondre à votre interpellation, monsieur Signé.
Quoi qu'il arrive, nous allons privilégier les acquisitions à l'amiable, parce que nous souhaitons répondre le plus rapidement possible à l'attente de nos concitoyens, et essayer de régler toutes les situations individuelles dans les trois mois à venir. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
Au-delà de l'aspect financier, parce que ce n'est pas la seule question qui compte, le Gouvernement et l'ensemble des services de l'État sont entièrement mobilisés pour aider chacun, dans le cadre de sa situation individuelle, à affronter ce traumatisme.
En Vendée, dès demain et samedi toute la journée, une permanence sera mise en place dans les mairies de la Faute-sur-mer et de l'Aiguillon-sur-mer pour donner les premiers renseignements aux ménages et approfondir leurs dossiers. Un accueil téléphonique est d'ailleurs prévu en ce sens pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas assez !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il en sera bien évidemment de même en Charente-Maritime, où un numéro dédié est d'ores et déjà mis en place pour ceux qui en expriment le besoin.
M. Claude Bérit-Débat. Et les professionnels ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Outre le relogement à court terme, le relogement à long terme, là encore individu par individu, famille par famille, sera pris en charge…
M. Roland Courteau. Et les professionnels ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … et accompagné par les services de l'État, par le biais d'une mission spécifique que nous avons déployée sur place.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est entièrement mobilisé et nous répondrons individuellement à chaque cas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Claude Bérit-Débat. Et les communes ?
M. Roland Courteau. Vous ne répondez pas aux questions !
L'arrêté du 4 mars 2009 fixant le taux de prélèvement du fonds de prévention des risques naturels majeurs est paru au Journal Officiel.
Le taux de prélèvement du fonds de prévention des risques naturels majeurs (qui sert notamment à financer certains Plan de Prévention des Risques Naturels et les expropriations exceptionnelles pour cause de risques naturels majeurs constituant des menaces sérieuses sur la vie humaine) sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles prévues à l'article L. 125-2 du code des assurances est fixé à 12 %.
L'arrêté du 12 août 2008 fixant le taux de prélèvement du fonds de prévention des risques naturels majeurs est abrogé.
Source: Assemblée Nationale
"Zones noires" : arrivée des experts des Domaines
Par Marie-Agnès CORDIER
Un expert à l'oeuvre sur le terrain
Francetv
Mandatés par l'Etat, des experts des Domaines arrivent en Charente-Mme pour des relevés topographiques
Le défilé se poursuit en Charente-Mme : après les hommes politiques, ce sont les experts qui débarquent, mardi 20 avril. Mandatés par l'Etat, ils ont pour mission d'effectuer des relevés qui permettront d'expertiser les maisons afin d'y voir plus clair entre celles qui doivent être détruites et celles qui peuvent être sauvées
Entrée en lice des experts des Domaines
Mardi 20 avril 2010 : les experts chargés de faire des relevés topographiques permettant ensuite d'estimer les maisons touchées peu ou prou par la tempête Xynthia sont arrivés en Charente-Mme. Au programme de la journée : le village des Boucholeurs à Châtelaillon le matin, puis Charron dans la journée. Ils sont allés à la rencontre de tous les sinistrés et rendrons leur rapport sur le bien ou mal fondé des zones noires dans quelques jours au Ministère des Finances.
Hydrologie du Marais Poitevin
Dans le Marais Poitevin, qui s'étend de Niort (79) à la baie de l'Aiguillon (85), des inondations similaires à celles provoquées par Xynthia se sont produites 5 fois en moins d'un siècle et demi ! Elles ont été décrites dans les mêmes termes par les ingénieurs et chroniqueurs de l'époque. Pourquoi la zone est-elle autant exposée aux caprices de la nature ? Un historien du Marais Poitevin, Yannis Suire, s'est penché sur la question. (Voir la vidéo).
Ecluse du Brault, en Vendée
Voyage éclair de Jean-Louis Borloo
Jeudi 15 avril 2010 : le Ministre de l'Ecologie était jeudi matin à La Rochelle pour rencontrer les maires des "zones noires". Pour lui, il y a un malentendu : les zones noires ne sont pas des zones de destruction massive mais des zones de solidarité. Nuance qui échappera peut-être aux habitants des communes en zone noire ! Par ailleurs, le député-maire UMP de Châtelaillon, Jean-Louis Léonard a rencontré le Président de la République
Jean-Louis Borloo accompagné du Préfet de Charente-Mme
Manifestation devant la Préfecture à La Rochelle
Mercredi 14 avril 2010 : l'émotion et la colère ne faiblissent pas devant la cartographie des "zones noires" telle que définies par les pouvoirs publics. Mercredi après-midi, 200 à 300 personnes venues du village des Boucholeurs à Châtelaillon sont venus manifester une fois encore leur total refus de ce qu'ils considèrent comme un brutal diktat pris sans concertation.
Mercredi après-midi, devant la Préfecture de Charente-Mme à La Rochelle
Voir aussi l'interview de Ségolène Royal dans le JT 19h-20h du 14 avril
Visite d'une mission sénatoriale
Mercredi 14 avril 2010 : la mission commune d'information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia a effectué mercredi une "visite de terrain" dans certaines zones sinistrées de Charente-Maritime, à Charron et aux Boucholeurs. Les neuf Sénateurs ont posé de nombreuses questions aux habitants et aux élus. "Nous sommes là pour faire en sorte de comprendre ce qui s'est passé. Nous écoutons les habitants et je crois qu'ils sont heureux que nous soyons à leur écoute", a commenté Bruno Retailleau, sénateur (NI) de Vendée.
Pendant la visite de terrain des Sénateurs
Boyardville "devrait" disparaître : le Préfet hué
Mardi soir, 13 avril 2010 : ambiance très lourde mardi soir sur l'île d'Oléron où le Préfet était venu, à l'instar du Premier Ministre à Matignon, faire de la "pédagogie". Accueilli dans un silence glacial à son arrivée à Oléron, le Préfet de Charente-Maritime a été chahuté lors d'une réunion très houleuse à St-Georges et est reparti sous les huées
Personne ne comprend qu'un petit village comme Boyardville soit condamné à disparaître, alors que dans l'île d'en face (île de Ré), les mêmes causes n'auraient pas eu les mêmes effets ? A Boyardville, qui existe depuis des siècles, pas de lotissements, pas de maisons récentes, mais un village calme qui a subi fin février "un coup de tabac" comme beaucoup d'autres. Les habitants, la plupart au bord des larmes, sont apparus à bout de nerfs et demandent pourquoi on voudrait les "protéger malgré eux". Le Préfet, arrivé dans un silence glacial, a dû repartir (solidement escorté) sous les huées unanimes.
"Pas de modification du périmètre des zones noires" (François Fillon)
Mardi 13 avril 2010 : François Fillon a longuement justifié mardi la décision de l'Etat de ne pas modifier le périmètre des "zones noires" fixant les habitations à détruire après la tempête Xynthia, tout en assurant aux sinistrés qui le conteste âprement qu'il avait entendu leur "traumatisme". En convoquant, à la demande expresse de Nicolas Sarkozy, une réunion de neuf de ses ministres à Matignon, le chef du gouvernement a voulu aussi mettre un terme à la cacophonie qui a prévalu sur le sujet le week-end dernier, marqué par des manifestations d'habitants en colère en Vendée et Charente-Maritime.
Contredisant - comme l'a fait avant lui le Président de la République - le secrétaire d'Etat aux Transports Dominique Bussereau lorsqu'il évoquait de possibles "modifications de telle ou telle zone", François Fillon a cependant assuré ne vouloir "faire de reproche à personne".
§§§§§
Sur le fond il a réaffirmé qu'il ne reviendrait pas sur le découpage qui destine à la démolition 1.501 maisons dans ces deux départements, affirmant que les critères mis en œuvre pour définir les zones étaient "objectifs" et n'appellaient "pas de remise en cause dans la phase actuelle". "Dans l'immédiat, ce qui compte, c'est que tous ceux qui veulent" quitter les terrains concernés "puissent le faire", a dit le Premier ministre, rebaptisant au passage "zones de solidarité" ces très décriées "zones noires". "L'Etat aurait pu laisser les procédures normales courir", a-t-il justifié, mais alors les "habitants auraient été pendant des mois et des mois dans l'incertitude sur la question de savoir où ils allaient habiter, comment se reloger, s'ils devaient réparer ou non leurs maisons".
§§§§§
Question indemnisation, François Fillon a réaffirmé que les maisons et les terrains dans les zones concernées seraient rachetés "au prix de marché avant la tempête", ce qui "est une situation sans précédent dans notre pays". Et dans les cas où les procédures amiables n'aboutiraient pas, "une mise à l'enquête publique des zones noires en vue d'une déclaration d'utilité publique serait engagée". "Dans ce cadre, les particuliers et les collectivités pourront faire valoir leurs avis sur les zonages auprès des commissaires enquêteurs et faire valoir leurs droits selon les procédures classiques", précise un communiqué de Matignon. Une telle enquête pourrait démarrer "à partir de l'été", a estimé le Premier Ministre. Pour répondre individuellement aux requêtes des propriétaires, le chef du Gouvernement a par ailleurs annoncé la création de "délégués à la solidarité", placés sous l'autorité des Préfets.
§§§§§
Il a aussi fait savoir qu'il avait demandé aux fédérations d'assureurs de réduire de trois à un mois le délai permettant l'indemnisation, rappelant que "près de 500 experts étaient mobilisés sur le terrain".
§§§§§
Enfin, à ceux qui s'étonnent que l'Etat ne concentre pas plutôt ses moyens sur le renforcement des digues, François Fillon a assuré que celles-ci ne pourraient pas "assurer la protection sur le long terme d'habitations qui sont à des niveaux trop bas par rapport au niveau de la mer". "Pour faire face à cette situation inédite nous avons mis en œuvre des moyens sans précédents", a insisté le Premier Ministre. Qui a enfin promis que "les membres du Gouvernement auront à cœur dans les prochains jours de se rendre sur le terrain pour écouter et pour soutenir les victimes de ce drame".
Comité interministériel à Matignon
Mardi 13 avril 2010 : Nicolas Sarkozy avait appelé lundi le Premier ministre à tenir "rapidement" cette réunion afin de "vérifier la mobilisation effective des services de l'Etat aux côtés des sinistrés et le respect" des principes qu'il avait lui-même arrêtés au lendemain de la catastrophe. Il a, par la même occasion (voir plus bas), réaffirmé sa volonté d'interdire la réinstallation des victimes de la tempête dans les zones où elles seraient exposées à un "risque mortel". Participent à la réunion, Jean-Louis Borloo (Environnement), Christine Lagarde (Economie), Brice Hortefeux (Intérieur), Dominique Bussereau (Transports), Bruno Le Maire (Agriculture), Luc Chatel (porte-parole), François Baroin (Budget), Chantal Jouanno (Environnement) et Benoist Apparu (Logement).
Zonage ou parcellisation ?
Lundi 12 avril 2010 : la réunion du Conseil général de Charente-Maritime a été l'occasion pour les élus départementaux de dire tout ce qu'ils ont sur le coeur depuis qu'ils connaissent le périmètre des zones noires. Ils remettent en cause l'utilisation des fonds publics délégués à des experts qui devaient plancher, depuis 1999, sur la consolidation des digues, consolidation qui n'a pas eu lieu. Pour eux, le choix de la parcellisation, au cas par cas, plutôt que le zonage à l'emporte-pièce, serait plus juste et moins traumatisant pour tous les sinistrés. Dominique Bussereau a dit qu'il allait présenter ses conclusions de terrain au chef du Gouvernement. Il est vrai que dans le cas présent, Dominique Bussereau, Président de la Charente-Mme est en totale contradiction avec Dominique Bussereau membre du Gouvernement.
La motion qui pourrait tout faire changer
Lundi 12 avril 2010, les élus du Conseil général de Charente-Maritime ont adopté une "motion" demandant une "estimation des moyens qui pourraient être mis en œuvre pour assurer la protection des habitats" avant de décider toute destruction. Cette "motion", adressée au Président de la République, a été adoptée à l'unanimité par les élus, toutes étiquettes politiques confondues, selon le service de presse du Conseil général, présidé par le secrétaire d'Etat aux Transports Dominique Bussereau
(UMP). Les élus souhaitent, dans ce texte, que "conformément à l'article L561-1 du code de l'environnement, l'ensemble des zonages actuellement élaborés, et notamment les secteurs classés en zone d'extrême danger à délocaliser, fassent l'objet d'une étude et d'une estimation des moyens qui pourraient être mis en œuvre pour assurer la protection des habitats avant de prendre la décision définitive de les détruire". Cette motion signée par les élus de Charente-Maritime "n'est pas un geste neutre", a commenté Dominique Bussereau, précisant qu'il "la ferai(t) porter à l'Elysée ce soir (lundi) et la remettrait en main propre au Premier ministre". Samedi, lors d'une conférence de presse, il avait estimé que des "aménagements" pouvaient encore être trouvés au sujet des "zones noires".
Le Président de la République persiste et signe
Nicolas Sarkozy a réaffirmé lundi sa volonté d'interdire la réinstallation des victimes de la tempête Xynthia dans les zones où elles seraient exposées à un "risque mortel", et a demandé au Premier Ministre de réunir "rapidement" les ministres concernés pour s'en assurer. Dans un communiqué, l'Elysée a rappelé que le chef de l'Etat avait décrété mi mars, lors d'un déplacement sur les côtes de Vendée et de Charente-Maritime, "qu'il ne serait pas possible d'autoriser des personnes à se réinstaller là où elles sont exposées à un risque mortel". A cette occasion, il avait souligné que "les pouvoirs publics ne laisseraient pas les conditions ayant conduit à ce désastre se réunir à nouveau", a insisté lundi la Présidence. En conséquence, Nicolas Sarkozy a demandé au chef de Gouvernement François Fillon de réunir "rapidement" les ministres concernés afin de "vérifier la mobilisation effective des services de l'Etat aux côtés des sinistrés et le respect de (ces) principes", a conclu l'Elysée.
Comprendre les critères choisis pour désigner les zones noires
Dimanche 11 avril : ils étaient nombreux, dimanche 11 avril au village des Boucholeurs à venir manifester leur colère face à des décisions préfectorales dont la logique leur échappe. Pour l'heure, personne ne comprend comment ont pu être définies les "zones noires" : ici des maisons inondées mais épargnées, là des maisons intactes mais condamnées. Regroupés en associations, les habitants concernés n'ont pas l'intention d'en rester là. Ils vont porter leurs cas devant la justice. De nombreux élus ont apporté dimanche, au village des Boucholeurs, leur soutien aux habitants.
Vers des recours en justice
Vendredi 9 avril 2010 : le maire de Charron, Jean-François Faget, exigeait vendredi une revision de la cartographie des zones noires et certaines associations de sinistrés ont l'intention de saisir les tribunaux administratifs pour contester les decisions de l'état. Les propriétaires des 1.510 maisons qui vont être rasées après la tempête Xynthia ont reçu cependant vendredi l'assurance du secrétaire d'Etat au Logement Benoist Apparu qu'ils seraient indemnisés "totalement", lors d'une interview sur France 2.
Plus de 300 habitants de cette commune, la plus durement touchée du département de Charente-Maritime où quelque 150 maisons devraient être détruites, étaient réunis dans la salle des fêtes jeudi soir et ont laissé éclaté colère et sanglots devant le préfet.
Ils ont annoncé, avec le soutien de leur maire, des recours. Hué plusieurs fois pendant la réunion, le préfet Henri Masse, qui a quitté la salle sous les cris de certains sinistrés, avait expliqué à l'assistance que cette "cartographie visait à protéger vos vies et vos biens" pour d'autres "événements encore plus graves" que Xynthia, et s'est dit "conscient" que la population de Charron vivait "un deuxième traumatisme". Vendredi soir les habitants d'Aytré à leur tour réunis avec le préfet pour les maisons construites rue de la plage.
Zones noires non négociables
Jeudi 8 avril 2010
De nouvelles expertises ont été menées jeudi aux Boucheleurs (Chatelaillon), Fouras, Nieul-sur-Mer et Loix en Ré, ainsi que l'avait laissé entendre Jean-Louis Borloo dés mercredi. Mais le préfet Henri Masse reste ferme quant à la destruction programmée de 595 habitations situées en zone noire. La première réunion avec les habitants concernés suffira-t-elle à calmer les esprits? A Charron, où 150 maisons devraient être rasées, le président de l'association " Reconstruire Charron" entend bien résister "becs et ongles". Il demande aux habitants de faire évaluer leurs biens par leur notaire et de se tenir prêts à engager des procédures avec les assurances et les services de l'Etat en cas de désaccord. "Il faut être bien indemnisé et que ça ne traîne pas" explique ce président d'association de sinistrés. C'est aussi le sentiment du député-maire de La Rochelle, Maxime Bono, qui parle d'une décision "sage" pour ce qui est de la décision de détruire l'habitat menacé en cas d'inondation ( voir ci-contre).
Le préfet de Charente-Maritime Henri Masse a indiqué jeudi à La Rochelle que les"zones noires", "présentant un danger de mort avéré" après le passage de la tempête Xynthia, n'étaient "pas négociables" et que leurs habitants devraient "quitter leurs maisons. Au total 1.393 habitations sinistrées lors de la tempête situées dans des zones "noires" seront rasées, dont 595 en Charente-Maritime, selon les chiffres communiqués mercredi par le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel. En Charente-Maritime, douze communes présentent des zones rendues inhabitables et quatre autres ont des zones dites "jaunes" où "la population peut continuerd'habiter mais avec des prescriptions claires", a déclaré le préfet à la presse. Enfin des "zones oranges" nécessitent une "expertise complémentaire pour être classées noires ou jaunes", a-t-il dit.
Rappel
2 avril 2010 : dans le village des Boucholeurs à Châtelaillon, on trouve que l'on va un peu trop vite en besogne. Une association de sauvegarde s'est créée. Jeudi soir (1er avril), elle a fait salle comble.
31 mars 2010 : les réunions se succèdent en Préfecture de Charente-Mme avec les maires des communes concernées, en particulier Charron, Aytré et Châtelaillon. Mais tout le monde ne comprend pas la définition de "zone rouge" de la même façon : pour certains maires, il n'est pas bon de se précipiter et il faut réfléchir au devenir de certains quartiers sans pour autant les raser complétement (c'est le cas du maire de Châtelaillon, concernant Les Boucholeurs). A Charron, le réflexe est inverse : il faut tout raser et vite. Reste au Préfet à mettre en œuvre les dispositifs d'indemnisation. Un arbitrage au plus haut niveau serait le bienvenu mais jusqu'à présent les réunions en ce sens n'ont pas apporté d'éclairage.
Cellule de crise réactivée
Quatre semaines après la grande marée qui accompagnait Xynthia, les grandes marées d'équinoxe de printemps ont pointé leur nez : le coefficient de marée était de 112 mardi 30 mars à l'heure de la haute mer, mais tout s'est bien passé.
Pour anticiper le phénomène, alors qu'à St-Laurent-de-La Prée la brèche ouverte sur une trentaine de mètres s'agrandit, la Sécurité civile était sur le pied de guerre, une cellule de veille est sur le terrain et dès lundi matin, la cellule de crise de la Préfecture de Charente-Mme avait été réactivée.
29 mars 2010 : en prévision des marées d'équinoxe dont le coefficient, dans la nuit de lundi à mardi, atteindra 112, la cellule de crise du servic départemental de secours a été réactivée. 560 hommes ont été appelés en renfort ainsi que des pompiers spécialisés. Le pleine mer est prévue pour la toute fin de nuit, mais les circonstances de vent ne sont pas du tout les mêmes qu'il y a un mois. Néanmoins, c'est la vigilance qui est le mot d'ordre. Mais les pompiers demandent aux habitants de rester civiques et de ne pas appeler pour des bricoles. L'importance des appels sera d'ailleurs hierarchisée.
Bilan, un mois après
29 mars 2010 : alors que l'on redoute la grande marée de la nuit prochaine, le bilan (toujours provisoire) est impressionnant : 12 morts en Charente-Mme, 4000 maisons détruites, 5000 voitures immergées, des professions sinistrées comme la conchyliculture, l'agriculture et le tourisme et une note salée pour les assureurs : 1 milliard 500 millions d' €. les sinistrés ont jusqu'au 31 mars pour faire le point avec leurs assureurs.
Association des familles sinistrées à Aytré
L'association des familles sinistrées d'Aytré en Charente-Mme se pose beaucoup de questions mais n'a pas de réponses à ces questions : la zone va-t-elle être classée "à riques", si oui, les familles vont-elles être exporpriées, comment seront-elles indemnisées ? Pour l'heure les familles ont bien du mal à se faire entendre, c'est la raison pour laquelle elles se sont regroupées en association. De cette manière, elles pourraient éventuellement se constituer partie civile s'il y avait procès en justice. Mercredi, le Conseil des Ministres devrait dire si la zone sinistrée d'Aytré doit être classée "zone à risque" ou non.
FRANÇOIS EWALD
Xynthia et le difficile gouvernement des risques
[ 20/04/10 ]
FRANÇOIS EWALD EST PROFESSEUR AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS.
La tempête Xinthia a fait 52 victimes, piégées la nuit, chez elles, là même où elles pouvaient se penser protégées. On comprend le traumatisme pour les élus locaux comme pour l'administration qui n'ont pas su prévenir la situation, avertir la population et prendre les mesures qui auraient pu permettre de sauver les vies. Face à un tel drame, qui met en cause la vision protectrice de l'Etat que le président de la République s'attache à promouvoir, les solutions ont dû être rapidement trouvées. L'arrêté de catastrophe naturelle, nécessaire pour permettre l'indemnisation des victimes, a été pris pratiquement instantanément. Et l'administration, sans désemparer, a voulu proposer aux sinistrés un nouveau plan d'occupation des sols qui condamnait plusieurs zones dites « noires » à la destruction. Les permis de construire qui n'auraient pas dû être accordés seraient comme retirés. On allait exproprier tout en indemnisant. Le risque aurait disparu.
Mais ça ne marche pas comme ça. Les événements naturels sont désormais perçus dans le cadre de la loi de 1982 qui met en oeuvre un principe de solidarité nationale face à des événements naturels anormaux. Il s'agit, en réalité, d'une loi d'aménagement du territoire, l'assurance étant en principe indexée sur des plans de prévention des risques, permettant leur bonne gestion. En réalité, deux visions peuvent l'inspirer : appartient-il à la solidarité nationale de faire que certains territoires exposés à certains risques soient pourtant occupés comme les autres ? Faut-il, au contraire, faire en sorte que la solidarité ne s'exerce que sur des territoires dont on aura pris la précaution de connaître les risques et leur récurrence ? Ce sont là deux visions de la solidarité : la première consiste à dire que, grâce à la loi de 1982, la France s'est organisée de telle manière que l'ensemble de son territoire soit traité avec une certaine égalité malgré la différence des risques naturels qui peuvent en affecter chacune des parties. La seconde dira que ne méritent la solidarité que ceux qui ont pris les mesures de prévention pour réduire les risques. Ce qui introduit un principe de différenciation au sein des territoires.
La première version correspond à une vision « progressiste ». L'histoire de l'aménagement du territoire a été de viabiliser des zones considérées longtemps comme insalubres. C'est l'histoire d'une conquête sur la nature, presque d'un défi comme dans le cas des polders hollandais. On conquiert parce qu'on sait se défendre et se protéger. La seconde trouve la première vision « prométhéenne » et trop risquée : les hommes ne doivent pas prétendre pouvoir soumettre les lois de nature, mais se soumettre à elles. On fait appel à la mémoire, à l'histoire. Conséquence : il faudra bientôt placer en zone « noire » tout territoire conquis sur la nature et exposé à un risque.
Mais ce débat est trop abstrait. Car nous ne sommes plus en 1982. Trente ans ont passé qui font apparaître le dispositif alors conçu comme aussi efficace que frustre. En 1982, d'abord, on ne disposait pas de la masse d'informations sur les risques que l'application de la loi a permis de rassembler. C'est une raison qui explique le choix d'une solidarité très large qui a été alors adopté. Surtout, les capacités de prévision de la météo ont progressé d'une manière telle que l'on vend désormais aux entreprises des services afin de leur permettre de gérer au mieux leurs activités en fonction des événements naturels prévisibles. Cela permet des conduites fines de protection au cas par cas, qui permettent de réduire les risques. On n'est plus dans le tout ou rien de la zone « noire ». Un tel cadre peut fournir les éléments d'une gestion différenciée des situations.
Le plus étrange dans la gestion des conséquences de Xynthia, c'est la brutalité avec laquelle l'Etat, manifestant un pouvoir sur les élus locaux, décrète souverainement sa volonté de réaménager le territoire selon ses propres critères de risque, selon une balance où le droit de propriété, un des droits en principe fondamentaux, doit céder devant un principe de gestion des risques où il s'agit de protéger la population contre elle-même dès lors qu'elle serait exposée à un risque vital prévisible. Mais, avec la tempête Xynthia, comme hier avec le virus H1N1, le gouvernement fait l'expérience qu'à l'âge de la démocratie participative, on ne peut pas priver les individus de la décision. Le principe en a d'ailleurs été constitutionnalisé avec la Charte de l'environnement : si l'article 5 (principe de précaution), renforce le pouvoir des « autorités publiques », l'article 7 pose le principe que le citoyen a le droit d'être informé et de « participer à l'élaboration des décisions publiques ».
|