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La fête de la morue à Bègles invite la Gaspésie
La fête de la morue à Bègles invite la Gaspésie
Mais nous les avons préférées à l'affiche officielle qui nous évoque plutôt la décadence de la morue !
Dans cette commune sur la Garonne, jouxtant Bordeaux au sud, cette fête existe depuis maintenant quinze ans. Plus que sur la pêche, elle est axée sur la gastronomie (enfin... les recettes à base de morue et le vin qui va avec... et il n'est même pas sûr que tous les membres de la Confrérie de la Morue soient montés sur un bateau !)
Dès le 15ème siècle, les armateurs et négociants bordelais, qui s'étaient déjà lancés dans beaucoup d'autres expéditions, se sont intéressés au poisson salé (le père de Michel de Montaigne, par exemple). A partir du 16ème siècle il y eut aussi la morue du côté de Terre-Neuve et Saint-Pierre et Miquelon. La morue était salée sur les bateaux et débarquée le plus près possible pour y être séchée. Ensuite elle était transportée jusqu'aux grands ports, notamment Bordeaux qui, au cours des 16ème et 17ème siècles, devint le "premier port européen de débarquement de la morue séchée". Comme d'habitude, les Anglais n'ont pas favorisé nos affaires de pêche (mais pour le vin de Bordeaux c'est autre chose !) Au 18ème siècle, entre le traité d'Utrecht, en 1713 et le traité de Versailles en 1783, les Anglais ont mis la main sur l'Acadie et se sont occupés de la morue à Terre-Neuve. Après 1783, la France récupère Saint-Pierre et Miquelon, et le droit de pêche à Terre-Neuve. Autrement dit, le 18ème siécle n'était pas le meilleur siècle pour la pêche française dans ces eaux lointaines. (Heureusement il y avait l'Islande). En revanche les 19ème et 20ème siècles ont été fructueux.
Les bateaux avaient changé. Plus gros, ils permettaient de transporter plus loin la morue salée à bord, pour la faire sécher ailleurs. Au 19ème siècle, les morues "vertes" (simplement salées à bord) arrivaient au "Port de la Lune" à Bordeaux, puis elles étaient chargées sur des gabarres pour les emmener se faire sécher sur les galets des bords de la Garonne, au niveau de Bègles. Les sécheries existent-elles encore ? Lisez l'article de l'Express sur "Les Boyer : les derniers des morutiers".
Cette moderne confrérie de la morue, donc, intronise de nouveaux membres à l'occasion de cette fête béglaise. Pour avoir droit au tablier et au capulet (le chapeau), il faut être parrainé par un membre de la confrérie et... boire goulûment une fiole d'huile de foie de morue ! Après quoi, le Grand Maître adoube l'impétrant en lui touchant l'épaule avec un filet de morue salée, séchée et bien roide. (Chacun et chacune boit bravement ; il n'y a pas trop de grimaces.)
La cérémonie commence avec Jacqueline Rabic, déjà Grand Maître de la confrérie de la lamproie. Pierre Provost, défendant la cause de Paspébiac, et président national de Québec-France se marre, mais son tour vient juste après ! (En début d'après-midi, il avait donné une conférence sur les habitudes de pêche à la morue des Gaspésiens et leurs répercussions sur la communauté. Lire aussi l'article de Sud-Ouest : "Tabernacle, voilà le Québec !")
Voici venu le tour de Wilfrid-Guy Licari, ex ambassadeur dans divers pays, actuel délégué général du Québec à Paris ( = l'équivalent d'un ambassadeur du Québec si cette province était un état...) Bref, notre Wilfrid-Guy a bravement bu sa potion, plus facile à boire que d'avaler des couleuvres dans le monde diplomatique...
Ensuite c'est Fernand Alain, l'homme à la moustache, un des promoteurs du site historique de Paspébiac et conteur sous le nom d'Abel Maldemay (une référence à son grand-père originaire de Lorraine.)
La délégation de Paspébiac a été emmenée par son maire, Gino LeBrasseur, directeur de l'usine Unipêche MDM de Paspébiac, également président du crabe des neiges de Paspébiac, président de l'opération nez-rouges... Il porte bien le capulet !
On termine avec Alain Rousset, président du conseil régional d'Aquitaine, qui biberonne sans problème apparent après le discours de Noël Mamère, maire de Bégles, depuis longtemps membre de la confrérie.
Il est frappé sur les épaules, comme un chevalier, par le filet de morue séchée, tenu dans la main droite du Grand-Maître de la confrérie, Herman Mostermans, sous l'oeil de Noël Mamère, le parrain. Et on chante !
Ah "La Morue" ou "La Petite Mary" ! => un extrait de la chanson (1930) de Mary Travers, dite "la Bolduc", considérée comme la première chansonnière québécoise. Elle était de la Gaspésie, comme la Mary de la chanson ! (Ecoutez, en prime, cette chanson interprétée par la Bolduc elle-même et lisez les paroles !)
Moé je m'appelle la petite Mary
Je suis née dans l'fond de la Gaspésie
C'est du poisson, je vous dis que j'en ai mangé
Et qu'il m'en a resté des arêtes dans le gosier
D'la morue, des turluttes, pis du hareng
Des beaux petits gaux, du flétan, des manigaux
S'il y en a parmi vous qui aimez ça
Descendez à Gaspé, vous allez n'en manger
Il y a bien longtemps que je suis partie de d'là
Jamais de la vie je pourrai oublier ça
Il y avait un garçon là que j'aimais bien
J'vais vous le nommer, c'est Germain Lefoin
Refrain
Il était bien grand, il mesurait sept pieds
Il avait la tête comme une brosse à plancher
Ça, c'était du monde, parlez-moé donc de ça
Je l'faisais danser pour une chique de tabac
Refrain
Je vous dis que j'ai eu peur en partant de d'là
Quand j'ai pris les chars pour Matapédia
Qui est-ce qui vient s'assir à côté de moé
C'était un petit nègre qui bégayait
Refrain
Bon-bon, bon-bon bonjour ma jeune fille
Cherchez, cherchez, cherchez-vous un petit mari?
Voilà t-y pas la peur qui m'a pris
J'ai sapré le camp à travers du châssis
Refrain
J'avais pas mangé tout le long du chemin
La peur que j'avais eue m'avait ôté la faim
Rendue à Montréal, j'entre dans un café chinois
J'étais pas plus avancée, je comprenais pas rien
Refrain
Chin, chin et chin, ma cagou pis macaouine
Je lui fais signe en lui montrant la cuisine
Voilà le Chinois qui comprend que j'avais faim
M'emporte de la soupe aux pois, du beurre et pis du pain
RefrainEn se promenant dans le "village" de la morue, on trouve de nombreux stands (ou "kiosques" diraient les Québécois) où l'on peut manger de la morue sous toutes ses formes et boire toutes sortes de brevages (plutôt du vin...)"Le menu du Québécois" pris en photo avec ses acras et ses piquillos ne me semble pas être fondamentalement québécois ... Pour le vin, il y en a au Québec, et il peut être très bon ; par exemple la production du Domaine de l'Ile Ronde, sur le Saint-Laurent, en face de Saint-Sulpice.
Morue verte = nettoyée + salée ; ensuite il faut en faire quelque chose.
Morue noire = collectif d'artistes ; ensuite il faut aussi en faire quelque chose et ça ne rapporte pas grand-chose !Voir taille réelle Le caribou, le chasseur de caribous, l'exposition sur la morue...
Nous avons découvert que Paspébiac avait son kiosque à Bègles, longtemps après que Jacques Cartier eut découvert le site de Paspébiac, qui allait devenir un banc de pêche réputé.
Expo photos du site historique du banc de pêche de Paspébiac. (Mais allez plutôt voir nos photos dans notre article Du maquereau à la morue ou le banc de pêche de Paspébiac en Gaspésie )L'art de la sculpture sur glace
L'art de la sculpture sur récup...
Nous n'avons pas pu écouter les groupes musicaux québécois, tels que la Bande à Firmin et Quimorucru, cependant nous avons participé aux agapes sous chapiteau grâce à un certain membre de la Confrérie... Alors, de la morue, nous en avons mangé, et nous avons chanté en choeur avec les tabliers bleus et pulls rayés.
Certains déchiffraient, d'autres étaient benèzes !
L'an prochain : la morue et le hareng de la mer du Nord.
Pour finir, une petite séquence vidéo de souvenirs de la cérémonie.
AlCaribou
Tags : morue, bègles, bordeaux, paspébiac, gaspésie