À ne pas savoir sur quel pied danser, on finit par se les prendre dans le tapis. Hier, dans un entretien au Parisien, le secrétaire d’État au Logement, Benoît Apparu, a officialisé la marche arrière de l’État concernant les zones noires en Charente-Maritime et en Vendée. Évoquant des « erreurs de communication », des incompréhensions, il reconnaît qu’« aucune maison ne sera rasée sous la contrainte ». Un revirement de taille, quand, au lendemain de la tempête Xynthia, pas moins de 1 500 maisons devaient être détruites dans les régions concernées. « Nous ne laisserons pas se réinstaller des gens dans des maisons situées dans des lieux où il y a des risques mortels », avait tonné Nicolas Sarkozy, le 16 mars dernier, à La Rochelle. Mais depuis les angles s’étaient peu à peu arrondis. Premier à laisser planer le doute, François Fillon, à la mi-avril, avait déclaré : « Dans les prochains mois, des enquêtes publiques seront menées pour les cas d’expropriation. C’est à ce moment-là que, s’il y a des modifications à faire, elles seront faites. » Benoist Apparu tente toutefois de justifier ce rétropédalage : « Au lendemain du drame, des élus locaux nous demandaient des réponses rapides. Nous avons donc présenté un premier zonage, mais il ne peut en aucun cas être considéré comme des zones de destruction massive. Cela peut donner le sentiment d’un changement de pied, mais c’était pour clarifier les choses. »
Des clarifications qui n’ont pas convaincu tout le monde, y compris à droite. Ainsi, Dominique de Villepin a déploré hier « la valse-hésitation de l’État » dans ce dossier. L’ancien premier ministre rappelle que « la parole de l’État doit être crédible, elle ne doit pas être négociable et doit défendre l’intérêt général ». Jean-Louis Léonard, le député maire UMP de Châtelaillon (Charente), est plus virulent encore. « L’État continue dans son aberration. Il n’y a absolument rien de nouveau sauf que maintenant même les ministres n’hésitent pas à reconnaître que les expertises étaient bidon. » Et de conclure : « On s’enferme dans un système où, bien entendu, on ne va pas raser des maisons d’office, mais malgré tout on va engager des procédures d’expertise et on va racheter à l’amiable des maisons à prix d’or pour forcer les gens à vendre. »
Les victimes de Xynthia quant à elles restent sceptiques face à ces déclarations. « Nous restons extrêmement vigilants. Ce n’est pas une déclaration dans un journal qui vaut une assurance sur la politique qui sera suivie », explique Xavier Machuron-Mandard, président de l’Association des victimes des inondations du Sud-Vendée. Qui poursuit : « Il n’y a rien de véritablement nouveau. Les zones existent encore. On est dans l’annonce, dans la communication. On ne règle pas une affaire aussi difficile par voie de presse. D’autant que dans ce dossier nous sommes constamment soumis à des oscillations de communication. »
Au lendemain de la tempête, les services de l’État avaient identifié 1 510 logements voués à la destruction. À ce jour, 919 maisons ont été expertisés, dont 412 en Charente-Maritime, où 94 propositions de rachat ont été faites, pour 28 finalisées. En Vendée, les experts ont visité 507 logements. Il y a 152 propositions de rachat et 38 acceptées. Une enveloppe de 450 millions d’euros est prévue par l’État pour indemniser les propriétaires.
LA ROCHELLE, Charente-Maritime (AP) — Le ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire a annoncé vendredi le déblocage à partir de la semaine prochaine des premières aides financières à la filière agricole frappée en février par le passage de la tempête Xynthia en Vendée et en Charente-Maritime.
Un premier volet va prendre en compte les problèmes de cotisations et d'intérêts d'emprunt, qui devrait se monter à environ 5 à 6.000 euros par exploitation, a-t-il indiqué lors d'un point-presse à La Rochelle. Le ministre a par ailleurs annoncé qu'un deuxième volet d'aides, d'environ 30 millions d'euros, couvrant les calamités agricoles pourrait être débloqué fin juin. "Nous devrions avoir le feu vert de la Commission européenne avant la fin du mois", a assuré M. Le Maire.
Présent à la réunion à La Rochelle, Luc Servant, président de la Chambre d'agriculture de Charente-Maritime, s'est dit satisfait. M. Le Maire "a reconnu que le dispositif avait pris du retard car il fallait une validation de la Commission européenne, mais nous allons pouvoir demander aux agriculteurs de monter leurs dossiers afin de connaître le plus rapidement possible le montant des indemnités qui leur seront accordées, ce qui leur permettra de redémarrer".
M. Servant a par ailleurs indiqué à l'Associated Press que, selon les évaluations réalisées depuis fin février, "les dégâts sur les exploitations sont de 45 millions d'euros pour les 20.000 hectares touchés en Charente-Maritime et 70 millions d'euros si l'on compte la Vendée". AP
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Xynthia. Recours des sinistrés vendéens contre les zones noires
L'Association des victimes des inondations du Sud Vendée (Avif) a décidé, jeudi soir, de contester, en référé, les zones noires vouées à la destruction définies par la préfecture à la suite de la tempête Xynthia.
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Le zonage annoncé le 8 avril par la préfecture de Vendée «est illégal car dénué de tout fondement factuel», a précisé l'avocat de l'association, qui représente quelque 480 foyers, Me Hervé Cassara. «Nous ne contestons pas la dangerosité de certaines zones. Nous dénonçons la façon dont les choses ont été faites, à la va-vite, sans fondement légal. Nous demandons à ce que la procédure s'effectue selon les règles de droit», a-t-il ajouté. Le recours sera introduit «lundi ou plus probablement mardi», a précisé l'avocat, qui a indiqué espérer une décision du tribunal dans les quatre semaines. Selon l'Avif et son conseil, la remise en cause du zonage ne compromet pas les procédures de rachat d'habitations à l'amiable engagée dans ces zones par le gouvernement. Une enveloppe de 450 M€ est prévue à cet effet.
Premières aides pour les agriculteurs
Par ailleurs, Bruno Le Maire a indiqué, hier, à La Rochelle, que les agriculteurs dont les terres sont sinistrées recevront les premières aides à partir de la semaine prochaine. Ce premier volet devrait s'élever à environ 5.000 à 6.000 € par exploitation. Un deuxième volet d'aides, dans un dispositif européen, de quelque 30 millions d'euros, pourrait, quant à lui, être débloqué d'ici la fin du mois, a-t-il précisé.
Samedi 5 juin 2010
ZONES NOIRES - Une association de victimes conteste la méthode du gouvernement
Par Pauline de Saint Remy
La commune de l'Aiguillon-sur-Mer trois jours après le drame
Elle passe à l'acte. L'Association des victimes des inondations du Sud Vendée (Avif) a officiellement décidé de contester en référé les zones noires vouées à la destruction, définies par la préfecture de Vendée à la suite du passage de la tempête Xynthia, qui a fait 53 morts dans la nuit du 28 au 29 février. Le référé sera déposé mardi au tribunal administratif de Nantes. Plus que le périmètre des zones noires lui-même, l'Avif dénonce avant tout la méthode employée par le gouvernement. "Le zonage est une invention juridique, explique Hervé Cassara, avocat de l'association. Il ne repose sur aucune disposition juridique qui viendrait d'un code urbain ou d'un code de l'environnement."
Cette procédure judiciaire est déclenchée alors que les déclarations du gouvernement semblent confuses. Jeudi, dans les colonnes du Parisien , le secrétaire d'État au Logement, Benoist Apparu, déclarait qu'aucune maison ne serait "rasée dans la contrainte", rappelant au passage que les négociations à l'amiable pour le rachat des maisons de certains propriétaires avaient déjà commencé. Mais dès vendredi, il était cité par Le Figaro : "La phase de rachat amiable étant bien engagée, nous entrons dans une nouvelle étape, celle de la contrainte. Notre objectif est de faire en sorte que toutes les personnes vivant dans des endroits dangereux partent."
La ligne adoptée par le gouvernement paraît peu lisible. "On nous a promis de ne contraindre personne, mais les zones noires existent toujours sous la même forme, explique l'avocat de l'Avif. Autrement dit, rien n'a changé du point de vue juridique. Ce qui veut dire que sans ce recours, les zonages pourraient devenir définitifs. Les propriétaires ne seront donc absolument pas protégés."
Une communication balbutiante
Les propos contrastés de Benoist Apparu interviennent après la valse-hésitation du mois d'avril. François Fillon déclarait le 13 avril : "Les critères qui ont été mis en oeuvre par l'État pour définir les zones (...) sont des critères objectifs, basés sur des observations concrètes, précises, et ils n'appellent pas de remise en cause", alors que quelques jours plus tôt, le secrétaire d'État aux Transports et président du conseil général de Charente-Maritime, Dominique Bussereau, déclarait qu'il pourrait "y avoir des accommodements". Jean-Louis Borloo disait, lui, le 15 avril : "Il y a eu un malentendu, les zones évoquées, ce sont des zones de solidarité, des zones de rachat, ce ne sont pas des zones de destruction massive..."
Pour Renaud Pinois, de l'association vendéenne, l'explication de ces déclarations confuses et contradictoires est simple : "Ils ont fait très vite, sans consulter personne" tranche-t-il. Preuve, aux yeux de l'Avif, des "incohérences" du gouvernement, lorsque l'association avait exigé les documents qui ont servi à élaborer les zones noires, on leur a envoyé "une note de 8 pages datée du 14 mai alors que le zonage a été établi début avril. Pas d'expertise, pas d'étude préalable", avance Hervé Cassara. Et d'ajouter : "Nous, on ne conteste pas les zones dangereuses, mais il y a eu des erreurs dans les deux sens. Certaines maisons ont été inondées jusqu'à 1,60 m et ne sont pas considérées en zone noire." Avec leur recours, les membres de l'Avif n'ont donc qu'un objectif : "Nous exigeons que le zonage soit suspendu et refait, que tout soit remis à plat."