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Xynthia : revue de presse du 18 avril
Xynthia: premiers rachats de maisons "en juillet ou en août" en VendéeRENNES — Les premiers rachats à l'amiable de maisons dans les zones noires destinées à être rasées sont prévus "en juillet ou en août" en Vendée, annonce le préfet Jean-Jacques Brot dans une interview à paraître lundi dans le journal La Croix.
"Les services de France Domaine ont pris l'engagement de procéder (aux) évaluations très rapidement, de sorte que les premières acquisitions pourraient intervenir en juillet ou en août", a-t-il déclaré au quotidien.
M. Brot a confirmé que sur les 915 maisons concernées dans le département, le plus touché par la tempête du 28 février avec 29 morts, 215 demandes d'évaluation étaient en cours.
Vendredi, France Domaine avait indiqué que les premières évaluations pour les résidences principales seraient disponibles "fin mai début juin".
L'Etat privilégie un règlement à l'amiable dans les zones concernées. Les particuliers qui s'y refusent peuvent s'engager dans une contestation devant le juge administratif mais prennent "le grand risque", en cas d'échec, d'obtenir une indemnisation inférieure, a estimé M. Brot.
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Xynthia: Voynet critique l'"extrême rigueur" de l'Etat pour les zones noires(AFP) – Il y a 9 heures
PARIS — L'ex ministre de l'Environnement Dominique Voynet (Verts) critique "l'extrême rigueur" de la décision de l'Etat de détruire environ 1.500 maisons dans le périmètre des "zones noires" défini après la tempête Xynthia, dimanche dans un entretien au Parisien.
"Entre l'extrême laxisme d'hier et l'extrême rigueur d'aujourd'hui, il y a certainement une troisième voie, évitant de détruire des milliers de maisons", déclare l'élue de Seine-Saint-Denis, sénatrice-maire de Montreuil.
"Dans certains endroits, on peut construire un étage supplémentaire, dans d'autres installer des dispositifs d'alerte", suggère-t-elle.
"Quel est le meilleur choix compte tenu des moyens financiers dont on dispose?" interroge Mme Voynet, en rappelant le coût de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1... "Je ne suis pas convaincue que c'était +la+ priorité de santé publique pour laquelle il fallait dépenser 800 millions d'euros", dit-elle.
Concernant les "zones noires", très contestées par certains habitants de Vendée et Charente-Maritime, la numéro un des Verts Cécile Duflot avait salué samedi dans le JDD le "courage politique" du ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo.
"Il faut mettre en application des décisions qui auraient dû l'être, pour certaines, avant la construction des maisons. Si ces habitations font toujours courir un risque mortel, il faut avoir le courage de les détruire (...) en expliquant les critères retenus pour définir les zones noires", avait-elle affirmé, critiquant au passage les prises de position de Ségolène Royal (PS).
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SUD OUEST
18 avril 2010 06h00 | Par Pierre-Marie Lemaire Zones noires : le dessous des cartes
L'administration s'est appuyée sur quatre critères officiels pour délimiter les zones noires, jaunes, orange. Plus un, officieux : l'argent.
Aux Boucholeurs, comme ailleurs sur le littoral de Charente-Maritime, les sinistrés contestent le tracé jugé arbitraire des zones noires. Ici, lors d'une manifestation le 10 avril. photo xavier léoty
Le père Dubois est connu comme le loup blanc dans le village des Boucholeurs, au sud de La Rochelle. Voilà plus de soixante ans qu'il vit dans la même maison, à deux pas de la mer. Le 28 février, il a dormi sur ses deux oreilles, les pieds au sec. « Je n'ai pas eu un centimètre d'eau chez moi. Je n'ai rien eu à déclarer à l'assurance ! » Des tempêtes, ce marin pêcheur retraité en connut d'autres, et des plus sauvages. Mais si Xynthia est restée poliment à sa porte, aujourd'hui c'est l'État qui veut l'enfoncer : sa maison est en zone noire, c'est-à-dire menacée de destruction.
Depuis jeudi et la venue du ministre Jean-Louis Borloo à La Rochelle, on sait que les bulldozers ne raseront pas les Boucholeurs demain. Ceux qui veulent partir partiront, aux meilleures conditions, et les autres auront droit à une analyse de leur cas au coup par coup. Des procédures d'expropriation, il y en aura sûrement, mais plus tard et en respectant les formes légales. Le préfet, qui avait demandé aux maires des communes sinistrées de signer eux-mêmes des arrêtés de péril pour chasser les habitants des maisons condamnées, a essuyé un refus indigné et unanime. Tous rebelles !
Des milliers de maisonsSur le fond, cependant, rien n'a changé. Les zones noires sont maintenues telles quelles, avec leur périmètre « arbitraire » et leurs « incohérences », dénoncés par une majorité des sinistrés et des élus. Cinq semaines ont suffi à l'administration pour colorier sa carte des risques en jaune, orange ou noir, selon le degré de dangerosité. 1 510 habitations ont été marquées de noir, 915 en Vendée, 595 en Charente-Maritime. Avec les zones orange, sur lesquelles pèse toujours un point d'interrogation en attendant « des expertises complémentaires », ce sont des milliers d'habitations qui sont concernées sur le littoral.
Officiellement, le découpage a obéi aux règles de l'art. Il s'est appuyé sur quatre critères : la hauteur et la vitesse de l'eau constatée pour chaque zone lors de la tempête ; la proximité d'un endiguement ; la topographie des lieux, surtout s'ils forment une cuvette ; enfin la possibilité de se protéger.
« L'étude a été conduite par des ingénieurs et techniciens de la Direction départementale des territoires et de la mer, renforcés par 14 experts nationaux, précise la préfecture. Elle a été complétée par des visites de terrain et plusieurs échanges avec les maires. »
« Incompétents »Des experts ? Quels experts ? « Ici, on n'a vu personne », affirme Michel Le Bozec, président de l'association des sinistrés des Boucholeurs. « Si, moi j'ai vu trois personnes, une fois, une heure, se souvient Henri Lambert, maire de Nieul-sur-Mer. Des gens charmants mais totalement incompétents. Ils ont constaté que l'eau était passée et puis c'est tout. » « Il faut des années pour établir un plan de prévention des risques, renchérit son collègue de La Flotte-en-Ré, Léon Gendre. Et eux, il ne leur aurait fallu que quelques semaines ? Ce n'est pas sérieux. »
Les sinistrés restent persuadés que la cartographie a été bâclée dans l'urgence, dans quelque bureau de La Rochelle ou de Paris, par quelque technocrate pressé qui a rayé d'un coup de plume des centaines de maisons. Mais ce qui les choque le plus, c'est l'incohérence du résultat final, son iniquité aussi. Le cas du père Dubois n'est pas isolé. Les associations de victimes ont toutes leurs « aberrations », ces habitations épargnées coloriées en noir ou ces maisons voisines qui affichent des couleurs différentes.
Pourquoi pas l'île de Ré ?Aux quatre critères pris en compte, disent-ils, s'en ajoute un cinquième, tout aussi objectif mais plus difficilement avouable : l'argent. « Tout le monde n'a pas été traité de la même façon, s'énerve Jean-François Faget, maire de Charron, où une grand-mère et ses deux petits-enfants ont trouvé la mort le 28 février. Je connais un lotissement à Saint-Clément-des-Baleines [dans l'île de Ré] qui a été inondé et qui échappe à la zone noire. » Idem aux Portes-en-Ré, ajoute Léon Gendre, qui s'interroge, faussement naïf : « Les propriétaires des villas à 2 ou 3 millions d'euros bénéficieraient-ils d'un traitement de faveur ? »
La réponse est oui. Dans ce canton nord de l'île de Ré, prolongement balnéaire de l'axe Auteuil-Neuilly-Passy, la logique financière a prévalu.
« Le vrai critère, c'est combien ça coûte… » confirme un fin observateur des choses rétaises. « Du côté de La Patache ou de Trousse-Chemise, tout le monde sait que ça prend l'eau, mais ce sont des propriétés à plusieurs millions d'euros. Les exproprier plomberait vite fait le budget d'indemnisation. Pour une villa des Portes, vous rasez tout les Boucholeurs ! »
Le lobby du 16e (arrondissement) aurait-il fait le siège des ministères ? « Pas besoin. Cette donnée a été intégrée d'emblée. C'est pour la même raison, et aussi pour l'emploi, que la thalasso de Sainte-Marie-de-Ré, qui baignait dans près de 2 mètres d'eau, a été épargnée, de même que la zone artisanale de La Couarde ou l'hôtel-restaurant 4 étoiles Les Mouettes, à Aytré, seule tâche orange au milieu du noir. »
18 avril 2010 06h57 La perte et le chagrin
Comme tout le monde, j'entends depuis plusieurs semaines cet immense bavardage national au sujet de la tempête Xynthia en Charente-Maritime. Longtemps, ce bavardage fut principalement chiffré. C'est fou ce qu'on nous aura assommés de chiffres et d'évaluations ! Tant de victimes, tant de millions de mètres cubes d'eau de mer, tant de milliards pour réparer les dégâts, tant de maisons partiellement ou totalement détruites, tant de kilomètres de lignes électriques, etc. À chaque occasion, on nous proposait des modes d'évaluation complémentaires. Il y a évidemment les manques à gagner de l'industrie touristique, la facture probable à la charge des assureurs, le montant des aides de l'État, etc. Nos médias ont finalement ressemblé à un immense tableau de comptes, une leçon d'arithmétique.
Lisant, et écoutant tout cela, je me demandais s'il n'y avait pas, quelque part, un malentendu. Ce dernier vient d'apparaître en pleine lumière avec les protestations des habitants dont les maisons sont promises à la démolition. La peine des hommes, on le comprend mieux maintenant, ne se réduit pas à des chiffres, ni même à des raisonnements rationnels. Le regard des habitants de Charron, de Fouras ou de La Faute-sur-Mer n'en finit pas de s'attarder sur ces coins de dunes ou de marais submergés. Ils comprennent que ce qu'ils risquent de perdre, ce n'est pas seulement un « bien immobilier ». À côté de l'idée de perte, il faut prendre en compte ce que faute de mieux on appellera le « chagrin ». On devine ici et là des larmes difficilement contenues. On note des silences qui dissimulent d'inexprimables désespérances. On voit même, cela arrive, de vraies larmes perler dans les yeux des personnes âgées.
Or tout cela, savez-vous, n'a rien à voir avec les chiffres. Ce n'est pas une « perte » quantifiable que pleurent en silence ces hommes et ces femmes que l'on décide d'exiler loin de « chez eux ». C'est le deuil d'un paysage familier ; c'est la privation subite de quelques points de repère ; c'est une blessure de l'âme dont aucun expert ne saurait évaluer l'intensité. Ainsi, pensent-ils, voilà détruit ce que nous pensions immobile ! Ainsi, voilà pulvérisés des horizons modestes, des refuges symboliques, qui nous consolaient des sauvageries du monde ! Écoutant s'exprimer ce chagrin et cette colère, je pense assez bizarrement à ces beaux vers d'Aragon : Odeurs de myrtilles/Dans les grands paniers/Que demeure-t-il/De nous au grenier ?
Tous ces gens ont bien compris que, au nom de la sécurité et de la « précaution », c'est du grenier de l'âme qu'on a décidé de les expulser à la va-vite. La plupart d'entre eux sont des retraités. Or, passé un certain âge, on ne reconstruit pas si facilement son paysage intérieur.
Tout se déroule comme si, passé les premières urgences et les solidarités instinctives, c'est aujourd'hui qu'ils prennent la vraie mesure de leurs blessures. Elles les touchent aux tréfonds d'eux-mêmes. Elles les précipitent dans une tristesse légitimement coléreuse.
Partir ? Aller ailleurs ? Elles les plongent dans une deuxième peine aussi douloureuse que la première. Certes, on tente de les raisonner et de les consoler en faisant valoir qu'ils bénéficieront de dédommagements généreux. Mais ce n'est plus vraiment aux « pertes » sonnantes et trébuchantes qu'ils songent. C'est à ces dévastations immatérielles, qu'ils ont du mal à accepter.
Ne connaissant pas tous ces dossiers par le menu, je suis incapable de dire si l'évacuation des « zones noires » est justifiée. Je ne sais pas non plus si d'autres solutions de sauvegarde étaient possibles.
Je sais simplement que ces chagrins-là méritent - méritaient - d'être pris en compte avec la plus grande attention. Il faudrait être sûr de ce que l'on fait et veiller - avec une générosité minimale - à la cohérence de ces décisions qui ont eu l'air de tomber du ciel.
Sommes-nous bien sûr que cela a été le cas ?
jean-claude guillebauD
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