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Xynthia : revue de presse du 14 avril
Oléron : Boyardville définitivement condamné ?
Par Marie-Agnès CORDIER et Christian BELINGARD
Mardi soir à Boyardville
FrancetvEn visite sur Oléron, le Préfet de Charente-Mme copieusement hué par les habitantsAccueilli dans un silence glacial à son arrivée à Oléron, le Préfet de Charente-Maritime a été chahuté lors d'une réunion très houleuse à St-Georges et est reparti sous les huées
Vidéo
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Xynthia : délégation de sénateurs sur place
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Xynthia : Préfet hué à Boyardville
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F. Fillon reste ferme sur les zones noires
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Conseil général 17 : zonage ou parcellisation ?
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Village des Boucholeurs : sit-in
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Rencontre préfet habitants à Charron
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Les premiers zonages publiés
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Le maire de la Rochelle favorable au zonage
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Entretien avec le préfet Masse (17)
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Le préfet met en place une cellule psychologique
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Borloo interpellé par le député Léonard
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Une habitante d'Aytré ne veut pas quitter sa maiso
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Zones rouges : association de sauvegarde
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Charente-Mme : 10 communes en zone rouge
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Zones rouges littorales : attente et discussions
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Chte-Mme : point de la marée à 18h
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Ile de Ré : surveillance nocturne des digues
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Gdes marées : nouvelle cellule de crise
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Aytré : association familles sinistrées
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Xynthia : un mois après
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Charente-Mme : avant les grandes marées
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Manifestation devant la Préfecture à La Rochelle
Mercredi 14 avril 2010 : l'émotion et la colère ne faiblissent pas devant la cartographie des "zones noires" telle que définies par les pouvoirs publics. Mercredi après-midi, 200 à 300 personnes venues du village des Boucholeurs à Châtelaillon sont venus manifester une fois encore leur total refus de ce qu'ils considèrent comme un brutal diktat pris sans concertation.
Mercredi après-midi, devant la Préfecture de Charente-Mme à La Rochelle
Voir aussi l'interview de Ségolène Royal dans le JT 19h-20h du 14 avril
Visite d'une mission sénatoriale
Mercredi 14 avril 2010 : la mission commune d'information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia a effectué mercredi une "visite de terrain" dans certaines zones sinistrées de Charente-Maritime, à Charron et aux Boucholeurs. Les neuf Sénateurs ont posé de nombreuses questions aux habitants et aux élus. "Nous sommes là pour faire en sorte de comprendre ce qui s'est passé. Nous écoutons les habitants et je crois qu'ils sont heureux que nous soyons à leur écoute", a commenté Bruno Retailleau, sénateur (NI) de Vendée.
Pendant la visite de terrain des Sénateurs
Boyardville "devrait" disparaître : le Préfet hué
Mardi soir, 13 avril 2010 : ambiance très lourde mardi soir sur l'île d'Oléron où le Préfet était venu, à l'instar du Premier Ministre à Matignon, faire de la "pédagogie". Personne ne comprend qu'un petit village comme Boyardville soit condamné à disparaître, alors que dans l'île d'en face (île de Ré), les mêmes causes n'auraient pas eu les mêmes effets ? A Boyardville, qui existe depuis des siècles, pas de lotissements, pas de maisons récentes, mais un village calme qui a subi fin février "un coup de tabac" comme beaucoup d'autres. Les habitants, la plupart au bord des larmes, sont apparus à bout de nerfs et demandent pourquoi on voudrait les "protéger malgré eux". Le Préfet, arrivé dans un silence glacial, a dû repartir (solidement escorté) sous les huées unanimes.
"Pas de modification du périmètre des zones noires" (François Fillon)
Mardi 13 avril 2010 : François Fillon a longuement justifié mardi la décision de l'Etat de ne pas modifier le périmètre des "zones noires" fixant les habitations à détruire après la tempête Xynthia, tout en assurant aux sinistrés qui le conteste âprement qu'il avait entendu leur "traumatisme". En convoquant, à la demande expresse de Nicolas Sarkozy, une réunion de neuf de ses ministres à Matignon, le chef du gouvernement a voulu aussi mettre un terme à la cacophonie qui a prévalu sur le sujet le week-end dernier, marqué par des manifestations d'habitants en colère en Vendée et Charente-Maritime.
Contredisant - comme l'a fait avant lui le Président de la République - le secrétaire d'Etat aux Transports Dominique Bussereau lorsqu'il évoquait de possibles "modifications de telle ou telle zone", François Fillon a cependant assuré ne vouloir "faire de reproche à personne".
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Sur le fond il a réaffirmé qu'il ne reviendrait pas sur le découpage qui destine à la démolition 1.501 maisons dans ces deux départements, affirmant que les critères mis en œuvre pour définir les zones étaient "objectifs" et n'appellaient "pas de remise en cause dans la phase actuelle". "Dans l'immédiat, ce qui compte, c'est que tous ceux qui veulent" quitter les terrains concernés "puissent le faire", a dit le Premier ministre, rebaptisant au passage "zones de solidarité" ces très décriées "zones noires". "L'Etat aurait pu laisser les procédures normales courir", a-t-il justifié, mais alors les "habitants auraient été pendant des mois et des mois dans l'incertitude sur la question de savoir où ils allaient habiter, comment se reloger, s'ils devaient réparer ou non leurs maisons".
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Question indemnisation, François Fillon a réaffirmé que les maisons et les terrains dans les zones concernées seraient rachetés "au prix de marché avant la tempête", ce qui "est une situation sans précédent dans notre pays". Et dans les cas où les procédures amiables n'aboutiraient pas, "une mise à l'enquête publique des zones noires en vue d'une déclaration d'utilité publique serait engagée". "Dans ce cadre, les particuliers et les collectivités pourront faire valoir leurs avis sur les zonages auprès des commissaires enquêteurs et faire valoir leurs droits selon les procédures classiques", précise un communiqué de Matignon. Une telle enquête pourrait démarrer "à partir de l'été", a estimé le Premier Ministre. Pour répondre individuellement aux requêtes des propriétaires, le chef du Gouvernement a par ailleurs annoncé la création de "délégués à la solidarité", placés sous l'autorité des Préfets.
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Il a aussi fait savoir qu'il avait demandé aux fédérations d'assureurs de réduire de trois à un mois le délai permettant l'indemnisation, rappelant que "près de 500 experts étaient mobilisés sur le terrain".
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Enfin, à ceux qui s'étonnent que l'Etat ne concentre pas plutôt ses moyens sur le renforcement des digues, François Fillon a assuré que celles-ci ne pourraient pas "assurer la protection sur le long terme d'habitations qui sont à des niveaux trop bas par rapport au niveau de la mer". "Pour faire face à cette situation inédite nous avons mis en œuvre des moyens sans précédents", a insisté le Premier Ministre. Qui a enfin promis que "les membres du Gouvernement auront à cœur dans les prochains jours de se rendre sur le terrain pour écouter et pour soutenir les victimes de ce drame".
Comité interministériel à Matignon
Mardi 13 avril 2010 : Nicolas Sarkozy avait appelé lundi le Premier ministre à tenir "rapidement" cette réunion afin de "vérifier la mobilisation effective des services de l'Etat aux côtés des sinistrés et le respect" des principes qu'il avait lui-même arrêtés au lendemain de la catastrophe. Il a, par la même occasion (voir plus bas), réaffirmé sa volonté d'interdire la réinstallation des victimes de la tempête dans les zones où elles seraient exposées à un "risque mortel". Participent à la réunion, Jean-Louis Borloo (Environnement), Christine Lagarde (Economie), Brice Hortefeux (Intérieur), Dominique Bussereau (Transports), Bruno Le Maire (Agriculture), Luc Chatel (porte-parole), François Baroin (Budget), Chantal Jouanno (Environnement) et Benoist Apparu (Logement).
Zonage ou parcellisation ?
Lundi 12 avril 2010 : la réunion du Conseil général de Charente-Maritime a été l'occasion pour les élus départementaux de dire tout ce qu'ils ont sur le coeur depuis qu'ils connaissent le périmètre des zones noires. Ils remettent en cause l'utilisation des fonds publics délégués à des experts qui devaient plancher, depuis 1999, sur la consolidation des digues, consolidation qui n'a pas eu lieu. Pour eux, le choix de la parcellisation, au cas par cas, plutôt que le zonage à l'emporte-pièce, serait plus juste et moins traumatisant pour tous les sinistrés. Dominique Bussereau a dit qu'il allait présenter ses conclusions de terrain au chef du Gouvernement. Il est vrai que dans le cas présent, Dominique Bussereau, Président de la Charente-Mme est en totale contradiction avec Dominique Bussereau membre du Gouvernement.
La motion qui pourrait tout faire changer
Lundi 12 avril 2010, les élus du Conseil général de Charente-Maritime ont adopté une "motion" demandant une "estimation des moyens qui pourraient être mis en œuvre pour assurer la protection des habitats" avant de décider toute destruction. Cette "motion", adressée au Président de la République, a été adoptée à l'unanimité par les élus, toutes étiquettes politiques confondues, selon le service de presse du Conseil général, présidé par le secrétaire d'Etat aux Transports Dominique Bussereau
(UMP). Les élus souhaitent, dans ce texte, que "conformément à l'article L561-1 du code de l'environnement, l'ensemble des zonages actuellement élaborés, et notamment les secteurs classés en zone d'extrême danger à délocaliser, fassent l'objet d'une étude et d'une estimation des moyens qui pourraient être mis en œuvre pour assurer la protection des habitats avant de prendre la décision définitive de les détruire". Cette motion signée par les élus de Charente-Maritime "n'est pas un geste neutre", a commenté Dominique Bussereau, précisant qu'il "la ferai(t) porter à l'Elysée ce soir (lundi) et la remettrait en main propre au Premier ministre". Samedi, lors d'une conférence de presse, il avait estimé que des "aménagements" pouvaient encore être trouvés au sujet des "zones noires".
Le Président de la République persiste et signe
Nicolas Sarkozy a réaffirmé lundi sa volonté d'interdire la réinstallation des victimes de la tempête Xynthia dans les zones où elles seraient exposées à un "risque mortel", et a demandé au Premier Ministre de réunir "rapidement" les ministres concernés pour s'en assurer. Dans un communiqué, l'Elysée a rappelé que le chef de l'Etat avait décrété mi mars, lors d'un déplacement sur les côtes de Vendée et de Charente-Maritime, "qu'il ne serait pas possible d'autoriser des personnes à se réinstaller là où elles sont exposées à un risque mortel". A cette occasion, il avait souligné que "les pouvoirs publics ne laisseraient pas les conditions ayant conduit à ce désastre se réunir à nouveau", a insisté lundi la Présidence. En conséquence, Nicolas Sarkozy a demandé au chef de Gouvernement François Fillon de réunir "rapidement" les ministres concernés afin de "vérifier la mobilisation effective des services de l'Etat aux côtés des sinistrés et le respect de (ces) principes", a conclu l'Elysée.
Comprendre les critères choisis pour désigner les zones noires
Dimanche 11 avril : ils étaient nombreux, dimanche 11 avril au village des Boucholeurs à venir manifester leur colère face à des décisions préfectorales dont la logique leur échappe. Pour l'heure, personne ne comprend comment ont pu être définies les "zones noires" : ici des maisons inondées mais épargnées, là des maisons intactes mais condamnées. Regroupés en associations, les habitants concernés n'ont pas l'intention d'en rester là. Ils vont porter leurs cas devant la justice. De nombreux élus ont apporté dimanche, au village des Boucholeurs, leur soutien aux habitants.
Vers des recours en justice
Vendredi 9 avril 2010 : le maire de Charron, Jean-François Faget, exigeait vendredi une revision de la cartographie des zones noires et certaines associations de sinistrés ont l'intention de saisir les tribunaux administratifs pour contester les decisions de l'état. Les propriétaires des 1.510 maisons qui vont être rasées après la tempête Xynthia ont reçu cependant vendredi l'assurance du secrétaire d'Etat au Logement Benoist Apparu qu'ils seraient indemnisés "totalement", lors d'une interview sur France 2.
Plus de 300 habitants de cette commune, la plus durement touchée du département de Charente-Maritime où quelque 150 maisons devraient être détruites, étaient réunis dans la salle des fêtes jeudi soir et ont laissé éclaté colère et sanglots devant le préfet.
Ils ont annoncé, avec le soutien de leur maire, des recours. Hué plusieurs fois pendant la réunion, le préfet Henri Masse, qui a quitté la salle sous les cris de certains sinistrés, avait expliqué à l'assistance que cette "cartographie visait à protéger vos vies et vos biens" pour d'autres "événements encore plus graves" que Xynthia, et s'est dit "conscient" que la population de Charron vivait "un deuxième traumatisme". Vendredi soir les habitants d'Aytré à leur tour réunis avec le préfet pour les maisons construites rue de la plage.
Zones noires non négociables
Jeudi 8 avril 2010
De nouvelles expertises ont été menées jeudi aux Boucheleurs (Chatelaillon), Fouras, Nieul-sur-Mer et Loix en Ré, ainsi que l'avait laissé entendre Jean-Louis Borloo dés mercredi. Mais le préfet Henri Masse reste ferme quant à la destruction programmée de 595 habitations situées en zone noire. La première réunion avec les habitants concernés suffira-t-elle à calmer les esprits? A Charron, où 150 maisons devraient être rasées, le président de l'association " Reconstruire Charron" entend bien résister "becs et ongles". Il demande aux habitants de faire évaluer leurs biens par leur notaire et de se tenir prêts à engager des procédures avec les assurances et les services de l'Etat en cas de désaccord. "Il faut être bien indemnisé et que ça ne traîne pas" explique ce président d'association de sinistrés. C'est aussi le sentiment du député-maire de La Rochelle, Maxime Bono, qui parle d'une décision "sage" pour ce qui est de la décision de détruire l'habitat menacé en cas d'inondation ( voir ci-contre).
Le préfet de Charente-Maritime Henri Masse a indiqué jeudi à La Rochelle que les"zones noires", "présentant un danger de mort avéré" après le passage de la tempête Xynthia, n'étaient "pas négociables" et que leurs habitants devraient "quitter leurs maisons. Au total 1.393 habitations sinistrées lors de la tempête situées dans des zones "noires" seront rasées, dont 595 en Charente-Maritime, selon les chiffres communiqués mercredi par le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel. En Charente-Maritime, douze communes présentent des zones rendues inhabitables et quatre autres ont des zones dites "jaunes" où "la population peut continuerd'habiter mais avec des prescriptions claires", a déclaré le préfet à la presse. Enfin des "zones oranges" nécessitent une "expertise complémentaire pour être classées noires ou jaunes", a-t-il dit.
Rappel
2 avril 2010 : dans le village des Boucholeurs à Châtelaillon, on trouve que l'on va un peu trop vite en besogne. Une association de sauvegarde s'est créée. Jeudi soir (1er avril), elle a fait salle comble.
31 mars 2010 : les réunions se succèdent en Préfecture de Charente-Mme avec les maires des communes concernées, en particulier Charron, Aytré et Châtelaillon. Mais tout le monde ne comprend pas la définition de "zone rouge" de la même façon : pour certains maires, il n'est pas bon de se précipiter et il faut réfléchir au devenir de certains quartiers sans pour autant les raser complétement (c'est le cas du maire de Châtelaillon, concernant Les Boucholeurs). A Charron, le réflexe est inverse : il faut tout raser et vite. Reste au Préfet à mettre en œuvre les dispositifs d'indemnisation. Un arbitrage au plus haut niveau serait le bienvenu mais jusqu'à présent les réunions en ce sens n'ont pas apporté d'éclairage.
Cellule de crise réactivée
Quatre semaines après la grande marée qui accompagnait Xynthia, les grandes marées d'équinoxe de printemps ont pointé leur nez : le coefficient de marée était de 112 mardi 30 mars à l'heure de la haute mer, mais tout s'est bien passé.
Pour anticiper le phénomène, alors qu'à St-Laurent-de-La Prée la brèche ouverte sur une trentaine de mètres s'agrandit, la Sécurité civile était sur le pied de guerre, une cellule de veille est sur le terrain et dès lundi matin, la cellule de crise de la Préfecture de Charente-Mme avait été réactivée.
29 mars 2010 : en prévision des marées d'équinoxe dont le coefficient, dans la nuit de lundi à mardi, atteindra 112, la cellule de crise du servic départemental de secours a été réactivée. 560 hommes ont été appelés en renfort ainsi que des pompiers spécialisés. Le pleine mer est prévue pour la toute fin de nuit, mais les circonstances de vent ne sont pas du tout les mêmes qu'il y a un mois. Néanmoins, c'est la vigilance qui est le mot d'ordre. Mais les pompiers demandent aux habitants de rester civiques et de ne pas appeler pour des bricoles. L'importance des appels sera d'ailleurs hierarchisée.
Bilan, un mois après
29 mars 2010 : alors que l'on redoute la grande marée de la nuit prochaine, le bilan (toujours provisoire) est impressionnant : 12 morts en Charente-Mme, 4000 maisons détruites, 5000 voitures immergées, des professions sinistrées comme la conchyliculture, l'agriculture et le tourisme et une note salée pour les assureurs : 1 milliard 500 millions d' €. les sinistrés ont jusqu'au 31 mars pour faire le point avec leurs assureurs.
Association des familles sinistrées à Aytré
L'association des familles sinistrées d'Aytré en Charente-Mme se pose beaucoup de questions mais n'a pas de réponses à ces questions : la zone va-t-elle être classée "à riques", si oui, les familles vont-elles être exporpriées, comment seront-elles indemnisées ? Pour l'heure les familles ont bien du mal à se faire entendre, c'est la raison pour laquelle elles se sont regroupées en association. De cette manière, elles pourraient éventuellement se constituer partie civile s'il y avait procès en justice. Mercredi, le Conseil des Ministres devrait dire si la zone sinistrée d'Aytré doit être classée "zone à risque" ou non.
Après Xynthia, Oléron ne décolère pas
LEMONDE.FR | 14.04.10 | 19h48 • Mis à jour le 14.04.10 | 20h00"Après Xynthia, c'est la deuxième vague qui nous frappe maintenant", déplore Claude Autrusseau, un septuagénaire habitant de Boyardville, sur l'île d'Oléron. Dans ce village regroupant environ 400 maisons, l'incompréhension est totale après l'annonce du "zonage" de l'après tempête.
Alors que François Fillon a réaffirmé en conseil des ministres que les zones noires ne seraient pas négociables, les habitants du village qui a donné son nom au fort Boyard attendent du préfet de Charente-Maritime une réponse qui ne viendra pas. L'homme semble réduit au rôle de courroie de transmission d'une décision qui lui échappe et dont les habitants ne veulent pas. En visite, mardi 13 avril, il a réaffirmé qu'il faudrait détruire 150 maisons qui, selon leurs habitants, ne présentent aucun danger.
La vague qui a submergé le village dans la nuit du 28 février, la plupart d'entre eux l'ont regardée passer depuis ces mêmes maisons que l'on veut raser. Les pieds au sec, car la majorité des rez-de-chaussée inondés sont des garages. "Il ne fallait pas généraliser ces décisions à des zones entières", estime Patrick Moquay, maire de Saint-Pierre-d'Oléron, commune dont dépend une partie de Boyardville. Les habitants auraient voulu des prescriptions au cas par cas plutôt que l'établissement de cette fameuse zone noire, où tous les bâtiments sont condamnés. Certains ont l'impression d'être victimes d'un principe de précaution renforcé qui répond à la détresse, réelle, des autres sinistrés, mais qui n'était pas celle des Boyardais.
Et puis comme partout, il y a ce reproche envers l'Etat et le manque d'entretien des digues. Construit sous Vauban, le village connaît les risques de la mer : plusieurs maisons sont construites en contrebas des berges d'un chenal reliant Boyardville à l'océan. Mais lors de leur construction, il y a parfois plusieurs générations, le chenal était en meilleur état. Depuis, les berges se sont affaissées et le muret qui protégeait les maisons a été supprimé. Et voilà les maisons en zone inondable inondées.
"LÀ OÙ LA MER EST PASSÉE, ELLE REPASSERA"
Les causes du sinistre, Olivier Schmit, président de l'Association pour la sauvegarde du site de Boyardville, les a analysées dans tous les sens. Pour lui, elles n'auraient pas dû aboutir au zonage présenté par le préfet, pourtant appuyé par des experts et près de 80 relevés topographiques. "Il y a peut-être des maisons qui doivent être rasées. Si on nous démontre qu'elles sont bien dangereuses, on partira, mais tant que ce n'est pas démontré, il faut discuter de toutes les possibilités", juge-t-il.
"Si on applique la même logique à chaque tempête, à terme on raye de la carte tous les villages littoraux d'Oléron", fait remarquer le maire de Saint-Pierre. Côté Etat, on brandit la nécessité absolue de mettre les populations à l'abri : un nouvel arrivant pourrait toujours venir occuper un rez-de-chaussée, une personne dépendante serait toujours aussi vulnérable devant une nouvelle vague. Car il y a en aura sûrement une autre, avance le préfet : "Les tempêtes induites par le changement climatique sont amenées à se répéter et peuvent intervenir n'importe quand dans l'année (...) Là où la mer est passée, elle repassera", assène-t-il.
Mardi, au fur et à mesure de la rencontre, l'incompréhension fait place à la colère. Les habitants de Boyardville ont appris que les digues qui protègent l'île de Ré sont en plein travaux de réfection. "Pourquoi pas ici ?", s'interrogent-ils. "La faute aux grosses légumes", souffle l'un d'eux. A Boyardville on a la désagréable impression d'être laissé pour compte parce qu'on a pas les moyens financiers des autres îles. Certes, la proximité du fort Boyard accueille de nombreux touristes l'été. "Mais le reste de l'année, c'est juste un village de pêcheurs et de retraités de la pêche", assure Olivier Schmit.
Ce qui se joue ici comme dans bien des villages frappés par Xynthia puis par les "zones noires", c'est surtout le désarroi face à une mesure prise bien trop vite. Entre eux, certains s'en prennent à ce qu'ils appellent "la méthode Sarkozy". Plus pragmatique, Olivier Schmit note que les décisions ont été prises "beaucoup trop rapidement. Avant de racheter et raser toutes ces maisons, il faudrait s'assurer que les autres solutions ne coûtent pas moins cher", insiste-t-il.
Ici comme dans d'autres villages la semaine précédente, le préfet quitte la réunion d'information sous les huées et les jets d'œufs. La cellule d'achat des maisons est déjà en place pour les habitants qui souhaitent partir. Pour les autres, il faudra en passer par l'expropriation. Les habitants annoncent qu'ils continueront à se battre et à en dénoncer les fondements légaux. Et certains maires, dont Patrick Moquay, ont déjà annoncé qu'ils s'y opposeraient.
Antonin Sabot
Tags : xynthia, revue de presse
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