• Ionesco au Jardin de Pomone : la Leçon


    Théâtre au Jardin de Pomone : "La Leçon"

    Dans le cadre de "Peintres des Villes, Peintres des Champs" le Jardin de Pomone   a servi de cadre à une représentation de "La Leçon", une pièce de théâtre d'Eugène Ionesco.

    Il fallait d'abord trouver le lieu ! Nous avions comme indication Saint-Denis-du-Pin, au nord de Saint-Jean-d'Angély ; mais c'était dans le hameau de La Fayolle, à l'ouest... Bref, une fois arrrivés, nous avons découvert une très jolie propriété, dont le décor naturel a été un atout supplémentaire à l'excellente interprétation des acteurs émanant de la troupe "Comédie de l'Eperon".

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    Les portes, les fenêtres, le feuillage du logis se sont brillamment intégrés à la scénographie ; et les acteurs ont superbement acté !

    La petite jeune fille, à gauche, a ardemment envie d'apprendre en vue d'obtenir son "doctorat total". Le bon professeur, à droite, donne des cours particuliers chez lui pour transmettre son savoir et gagner sa vie.

    L'élève
    Le professeur

    La leçon commence très bien : l'élève a son cartable, ses cahiers ; le professeur a ses livres de référence et sa science accumulée, pensée et mise en forme sur le long terme. Cependant les choses vont se gâter au fur et à mesure de la séance : le maître patient va s'impatienter, tenir des propos qui basculent dans le bizarre et, pour finir, avoir une attitude plutôt agressive, sans qu'il s'en rende vraiment compte !

    La bonne, Marie, essaiera de lui faire entendre raison pour éviter la séquence fatale de la philologie. Ah la philologie ! Un morceau de bravoure pour les comédiens et les philologues !

    Essayez d'aller voir la pièce sans en lire le raccourci et les exégèses de façon à lui donner le sens que vous sentez. On est ici dans le théâtre de l'absurde, alors il est facile de déraper sur les intentions de l'auteur que l'on peut applaudir !

    AlCaribou


    Un extrait :

    LE PROFESSEUR - Toute langue, Mademoiselle, sachez-le, souvenez-vous-en jusqu'à l'heure de votre mort...

    L'ELEVE - Oh ! Oui, Monsieur, jusqu'à l'heure de ma mort... Oui, Monsieur...

    LE PROFESSEUR - ...et ceci est encore un principe fondamental, toute langue n'est en somme qu'un langage, ce qui implique nécessairement qu'elle se compose de sons, ou...

    L'ELEVE - Phonèmes...

    LE PROFESSEUR - J'allais vous le dire. N'étalez donc pas votre savoir. Ecoutez, plutôt.

    L'ELEVE - Bien, Monsieur. Oui, Monsieur.

    LE PROFESSEUR - Les sons, Mademoiselle, doivent être saisis au vol par les ailes pour qu'ils ne tombent pas dans les oreilles des sourds. Par conséquent, lorsque vous vous décidez d'articuler, il est recommandé, dans la mesure du possible, de lever très haut le cou et le menton, de vous élever sur la pointe des pieds, tenez, ainsi, vous voyez...

    L'ELEVE - Oui, Monsieur.

    LE PROFESSEUR - Taisez-vous. Restez assise, n'interrompez pas... Et d'émettre les sons très haut et de toute la force de vos poumons associée à celle de vos cordes vocales. Comme ceci : regardez : "Papillon", "Euréka", "Trafalgar", "papi, papa". De cette façon, les sons remplis d'un air chaud plus léger que l'air environnant voltigeront, voltigeront sans plus risquer de tomber dans les oreilles des sourds qui sont les véritables gouffres, les tombeaux des sonorités. Si vous émettez plusieurs sons à une vitesse accélérée, ceux-ci s'agripperont les uns aux autres automatiquement, constituant ainsi des syllabes, des mots, à la rigueur des phrases, c'est-à-dire des groupements plus ou moins importants, des assemblages purement irrationnels de sons, dénués de tout sens, mais justement pour cela capables de se maintenir sans danger à une altitude élevée dans les airs. Seuls, tombent les mots chargés de signification, alourdis par leur sens, qui finissent toujours par succomber, s'!
    écrouler...

    L'ELEVE - ... dans les oreilles des sourds.

    LE PROFESSEUR - C'est ça, mais n'interrompez pas... et dans la pire confusion...Ou par crever comme des ballons. Ainsi donc, Mademoiselle...(L'Elève a soudain l'air de souffrir). Qu'avez-vous donc ?

    L'ELEVE - J'ai mal aux dents, Monsieur.

    LE PROFESSEUR - Ça n'a pas d'importance. Nous n'allons pas nous arrêter pour si peu de chose. Continuons...

    L'ELEVE, qui aura l'air de souffrir de plus en plus. - Oui, Monsieur.

    LE PROFESSEUR - J'attire au passage votre attention sur les consonnes qui changent de nature en liaisons. Les f deviennent en ce cas des v, les d des t, les g des k et vice versa, comme dans les exemples que je vous signale : "trois heures, les enfants, le coq au vin, l'âge nouveau, voici la nuit".

    L'ELEVE - J'ai mal aux dents.

    LE PROFESSEUR - Continuons.

    L'ELEVE - Oui.

     

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