Nous souhaitons partager autour de l'Ancien et du Nouveau Monde, avec nos coups de cœur, au gré de nos rencontres et de l'actualité, dans le cadre - ouvert - de la francophonie.
<o:p>
</o:p>
<o:p> </o:p>
Une aventure picturale<o:p></o:p>
(ou une soirée avec Patrick Le Tuault)<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
<o:p> </o:p>
Bien peu de monde, ce lundi soir, pour échanger avec Patrick Le Tuault, qui expose actuellement à la chapelle des Bénédictines (Saint-Jean-d’Angély) ses œuvres autour de la croisière noire Citroën. L’artiste se dévoile sans fausse pudeur, et nous retrace son parcours :<o:p> </o:p>
« La peinture est un beau mensonge » nous dit-il. Il nous fait part de ses interrogations (« pourquoi créer une nouvelle image dans un monde qui en regorge déjà ? ») et de ses réflexions (« il faut se servir des lois de la peinture pour avoir la liberté de créer » ; « plus on va vers soi-même, plus on s’éloigne des poncifs »)
<o:p></o:p>
Après cinq ans passés à l’école des Arts Appliqués à Paris de 1965 à 1969 suivies d’une formation de cinq autres années à l’école des Beaux Arts, de 1969 à 1970. Il débute comme artiste abstrait, dans la mouvance de l'Abstraction lyrique ; il n’a rien gardé de cette époque, sinon quelques photos.<o:p> </o:p>
Il cesse de peindre (mais jamais de dessiner) pour s’orienter pendant quelques années vers la musique puis, vers 27/28 ans, vers les arts anciens. Il découvre à cette époque l’importance du toucher (il rencontre dans cette période une collectionneuse de porcelaines des XVIIème et XVIIIème siècles). Il se souvient de cette époque comme d’une période de crise identitaire douloureuse, dont il ne sortira que vers 40 ans.<o:p> </o:p>
A l’âge de 35 ans, il rencontre Chantale Jouet qu’il ne quittera plus, et grâce à qui il peut entièrement se consacrer à son art. Ils passent une quinzaine d’année à Pont-Aven où Chantale tient la Galerie du Bois d’Amour avec sa collaboratrice Corinne, véritable « conservatrice de musée ». Il fera plusieurs expositions à thème :
<o:p></o:p>
- « mes vols de nuit » inspirés par Antoine de Saint-Exupéry et que le hasard a fait naître au moment du centième anniversaire de la naissance de l’écrivain/pilote, exposition qui voyagera beaucoup pendant deux ans, en France, mais aussi au Canada, en Suisse, en Belgique et en Ecosse ;
<o:p></o:p>
- « les maîtres de jeux », inspirés par Philippe Cady, auteur du roman de science-fiction éponyme ;
<o:p></o:p>
- une série de « faux-semblants ». Cette exposition a semble-t-il dérouté le public jusqu’à ce qu’un amateur d’art s’y intéresse ;
<o:p></o:p>
- une série de toiles sur « les glaces polaires » qui eut un immense succès ;
<o:p></o:p>
- puis une sur les « rencontres intemporelles » dans lesquelles, par exemple, des personnages de Weermer partagent l’espace avec l’avion du film de Michael Curtis « Casablanca »
<o:p></o:p>
La liste n’est pas exhaustive… Après une série d’œuvres sur un thème, suit une autre sur un thème beaucoup plus large, comme pour respirer un air de liberté après une période de captivité.<o:p></o:p>
<o:p></o:p>
Et la croisière noire ? Après quinze ans passés à Pont-Aven, en Bretagne, Patrick Le Tuault et Chantal Jouet sont venus s’installer à Burie, près de Saint-Jean-d’Angély. Louis Audouin-Dubreuil, parti pour l’Afrique avec les autochenilles Citroën, était angérien. L’idée d’une exposition autour de cette aventure africaine était née, à la suite d’un concours de peinture organisé en 2005 pour le musée Citroën. Patrick Le Tuault ne connaît pas l’Afrique, en dehors du Maroc. Il s’est donc documenté, et a imaginé. Il s’est servi de la maquette de voiture en vitrine à l’office du tourisme, et actuellement exposée à la chapelle des Bénédictines.
<o:p> </o:p>
<o:p></o:p>
Patrick Le Tuault se désole de voir ce qu’est devenu l’art : les jeunes artistes qui viennent le voir se lamentent : « on n’apprend rien à l’école ». Il est conscient que « l’œil s’est modifié depuis une vingtaine d’année avec l’arrivée de l’informatique » ; il insiste sur l’importance du « milieu nous entourant qui nous permet de nous construire, mais qui peut devenir un poids quand on avance dans son chemin créateur, mais qu’il n’est pas nécessaire de faire la révolution tous les matins pour prouver qu’on est un artiste ». « On fabrique de grandes théories artistiques », nous dit-il, mais actuellement on est dans une déviance, une « folie furieuse ». Il rappelle qu’un bon violoniste est avant tout un musicien qui « a appris à jouer du violon, a fait ses gammes » avant de se lancer dans des interprétations personnelles. Il met en garde aussi face à ce qu’on fait dire aux artistes (Pablo Picasso n’a jamais, ni à l’âge de 19 ans, ni après sa période bleue, peint « à la façon de Raphaël » ; de même, Paul Gauguin n’a jamais dit, comme on le prétend, qu’il utilisait des couleurs pures mais qu’il « voulait retrouver le sauvage qui était en lui.) Il nous rappelle que les peintres, sous Napoléon III, formés aux portraits des membres de la classe bourgeoise, étaient très compétents sur le plan technique. Il déplore une totale déconstruction de l’apprentissage des jeunes artistes actuellement, et rappelle « qu’on ne crée rien dans le désordre, qu’on n’avance pas dans la destruction » ; la liberté vient après. Les jeunes sont de nos jours « sur-instruits » sur le plan théorique, alors que certains secteurs échappent totalement aux « théories sur papier ».<o:p> </o:p>
Comment Patrick Le Tuault fait-il naître ses œuvres ? Par association de taches de couleurs sur la toile, la couleur n’ayant d’existence pour lui que par rapport à une autre couleur (il fait d’ailleurs travailler ses élèves sur des nuances de gris ; gris-rose, gris-vert, gris-bleu…). Puis l’œuvre prend forme, parmi les autres, et évolue jusqu’au moment de l’exposition (ce qui peut prendre un an). Il plonge dans sa toile jusqu’à risquer de « passer de l’autre côté ». Il a besoin de construire à partir d’une sorte de chaos originel.<o:p> </o:p>
Patrick Le Tuault aura 60 ans dans un mois. Il lui est devenu vital de « passer son savoir ». Toutefois, il ne saurait envisager d’endosser la casquette d’enseignant. Il a opté pour une transmission par le biais de stages courts, de un ou deux jours, trois au maximum : « l’attirance des couleurs permet de générer des troubles profonds » ; il se sait « trop fragile psychiquement pour se consacrer à d’autres pendant trop de temps ». Il fait travailler ses stagiaires sur les coloris (« du rapport entre deux couleurs naît la vibration »), sur l’équilibre des masses. Quand il avait 20 ans, la mouvance était de penser que la peinture était morte. Maintenant, il est convaincu que « si l’on veut jouer dans la cour des grands, il faut y aller », Ainsi on avancera dans la quête de soi-même.<o:p></o:p>
Et après ? Dans l’immédiat, Patrick Le Tuault a surtout le projet de « ne rien faire ». Il a besoin de reprendre des forces après cette aventure africaine. Il souhaite toutefois que cette exposition tourne, voyage.<o:p></o:p>
Et puis, quoiqu’il en dise, Patrick Le Tuault a plein de projets dans la tête, et déjà pour le printemps.
<o:p></o:p>
A suivre….
<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>Flonigogne<o:p></o:p>