Nous souhaitons partager autour de l'Ancien et du Nouveau Monde, avec nos coups de cœur, au gré de nos rencontres et de l'actualité, dans le cadre - ouvert - de la francophonie.
Marennes, l'Acadie
et les cultures francophones
Jeudi 16 septembre :
Les « autorités civiles et militaires » et les autres se sont donné rendez-vous sur la place des halles. Il y en avait du monde ! Mickaël Vallet, maire de Marennes, le député Didier Quentin, des élus de toutes sortes, le président du comité de jumelage avec Caraquet, Alain Gardrat, des administrateurs d'autres associations, des représentants de la gendarmerie locale, et puis Antoine Landry, maire de Caraquet, la ville acadienne jumelle.
La foule, qui était encore en vrac quelques minutes auparavant, s'est rassemblée au sifflet et au son du tambour pour écouter l'annonce du garde-champêtre de circonstance en la personne de Bilout, (conteur oléronnais bien connu par ailleurs).
La ville de Marennes a ainsi lancé ainsi son premier « Festival International des Cultures Francophones ». C’est une bonne idée de mettre la langue française et la culture dans la même bourriche. La culture ? En fait non : les cultures. La différence est de taille. Avec l’expression « cultures francophones » il faut entendre "culture" dans la définition proposée par Marcel Mauss en 1923 : « Ensemble des formes acquises de comportements dans les sociétés humaines ». C’est donc plutôt la façon de vivre que la connaissance et la langue. Ceci est explicité dans le paragraphe « Langue et culture » sur le site de l’Institut Marcel Mauss :
« Un nouveau champ se dessine aujourd’hui à la croisée de l’anthropologie et de la linguistique, celui de l'anthropologie linguistique (et son complément la sociolinguistique). On y envisage la langue comme ressource culturelle et sociale, on y étudie la parole en tant qu'elle est située dans une réalité ethnographique donnée. Plutôt que de se centrer sur les seules propriétés formelles du langage, les recherches proposent de se centrer sur la diversité des langues et des pratiques langagières et communicatives ethnographiquement situées. »
La déambulation jusqu’à la « Place de la Francophonie », nouvellement baptisée, a permis de repérer quelques façades pittoresques. Cette place était décorée, pour l'occasion, de drapeaux acadiens. [L'Acadie, de sa découverte au Grand Dérangement ; Les Acadiens - Partie II ; A écouter : l'Acadie]
Le garde-champêtre présente, avec un esprit facétieux, les deux maires qui prendront à leur tour la parole. Allocution du jeune maire de Marennes qui rappelle les liens avec Caraquet. [Il y a des huîtres à Marennes ; il y a aussi des huîtres sur les bords du Golfe du Saint-Laurent !] Contre-allocution du maire de Caraquet qui en étonne plus d'un quand il parle du budget culture de sa ville d'environ 4 200 habitants. Celle-ci accueille plusieurs festivals par an : Caraquet a des atouts qui autorisent les investissements.
- A partir de la gauche, M. Bernard Dorin, ambassadeur de France ; Mme Laura Faxas, ambassadrice de la République Dominicaine en France ; M. Didier Quentin, maire de Royan et député de la Charente-Maritime ; au pupitre Mickaël Vallet ; Bilout au tambour ; entre les deux, Antoine Landry (et les deux autres ?) -
Vendredi 17 septembre :
Cette riche journée a commencé, au "Café de la Paix", par un petit déjeuner offert aux participants.
Mickaël Vallet présente le journée et Thierry Sauzeau (maître de conférence en histoire moderne à l’université de Poitiers) préside la première table ronde.
C'est le sujet de la première table ronde dont va parler Jacques Peret, historien, directeur du groupe d'études et de recherches historiques du Centre-Ouest atlantique.
1. Partir
Nombre :
Origines et motivations :
2. Revenir
Les retours de la réussite :
Les retours de l'échec :
3. Errances atlantiques
Il y a donc un sens multiple dans ces migrations atlantiques et une construction particulière de la francophonie
Le Poitou est pauvre. La déportation de 1755 se déroule sur 8 années.
Pourquoi vouloir aller en Louisiane ? C'est dans l'espoir de retrouver de l'indépendance ! Seulement 10 % se retrouve sur la ligne acadienne (en Poitou).
90 % repartent.
Il y a une communauté de mémoire. La généalogie, c'est important. Puis les échanges. Il y a un phénomène d'identité subjective. En 1982 création de l'institut acadien. Le 400ème anniversaire de la fondation de l'Acadie, en 2004, a vu beaucoup d'actions.
En Acadie même il y a deux associations : la SNA (Société Nationale de l'Acadie) et la SANB (Société de l'Acadie du Nouveau Brunswick)
En France : les Amitiés acadiennes sont actives, notamment au festival interceltique de Lorient. En 2011 il y aura un grand festival entre Nantes et Poitiers, "un espace identitaire acadien en France".
A Moncton en 2009, se sont réunies 50 000 personnes pour le Congrès Mondial Acadien (qui a lieu tous les cinq ans). Il y a toujours une très forte mobilisation de la population. pour ces congrès. Les retrouvailles familiales fonctionnent bien. Par exemple les "Leblanc" avaient rassemblé 5000 personnes. L'Acadie de la diaspora retrouve l'Acadie du centre. Ces retrouvailles sont-elles ancrées dans un mythe ?
Il y a une différence entre la politique québécoise et le fait acadien ; et il y a un problème de renouvellement dans les associations. Alors il est envisagé un office franco-acadien pour la jeunesse.
Questions :
Deuxième table ronde. Présidence des débats : Sylvain Cottin de Sud-Ouest et Arnaud Develde de Demoiselle FM.
La République Dominicaine et la République d’Haïti
Avec Laura Faxas, ambassadrice de la République Dominicaine en France.
Ce pays est candidat à rejoindre la francophonie. Pourquoi ?
La même grande île [Hispaniola] est partagée entre Saint-Domingue et Haïti où l’on parle français. La République Dominicaine est proche des Antilles françaises et de la Guyane française. Création de l’Alliance française à Saint-Domingue en 1914. Depuis 1997 le français est obligatoire dans les écoles primaires. On pourrait renforcer la coopération avec la France ; et il y a des valeurs au-delà de l’argent…
Il est vrai que la République Dominicaine s’était séparée d’Haïti [en 1844]. En Haïti l’état est faible, cependant une communication bilatérale est relancée entre ces deux pays. (La République Dominicaine est intervenue rapidement après le séisme qui a ravagé la République haïtienne.) Il y a le projet du nouveau président de la République Dominicaine, Leonel Fernandez, de construire [avec quel argent ?] un campus universitaire en 2012 dans le nord d’Haïti. (« Seule l’éducation pourra éradiquer la pauvreté et donc réduire l’émigration qui empoisonne encore les relations bilatérales » avait-il déclaré.)
La situation du français en Haïti et ailleurs
Avec Bernard Dorin, ancien ambassadeur de France à Haïti, président des Amitiés acadiennes.
Malgré son étiquette francophone, en Haïti 10 % de la population seulement peut s’exprimer en français ; 90 % ne le comprennent pas et s’expriment en créole.
Comment le créole s’est-il formé ?
Exemple des plantations haïtiennes de cannes à sucre. Les esclaves noirs venaient de l’Angola, du Sénégal. On les achetait par lots (un mélange de valides, de vieux, de femmes). Comment communiquaient-ils avec les autres ? Les hommes, qui travaillaient surtout à l’extérieur et dormaient dans des dortoirs, tentaient leur chance avec le wolof, langue parlée au Sénégal. Mais ce n’était pas valable pour tous car il y avait de nombreuses autres langues parlées dans ces mêmes régions de l’ouest africain. Les femmes qui, elles, travaillaient plutôt dans l’habitation principales et y dormaient, entendaient la langue des maîtres qui était le français. C’est par les femmes que s’est créé le créole.
Les ethnies noires ne sachant pas communiquer entre elles, c’est la langue française qui a servi de langue de communication mais c’est la syntaxe des langues africaines qui est dans leur tête. Par exemple, en créole, « le mur » c’est « mila », sachant que le « u » français devient « i », que le « r » ne se prononce pas et que le déterminant se met après le nom.
Le créole s’écrit en phonétique, malheureusement pas en étymologique, ce qui le rend difficile à transposer. Exemple :
« Caki miol selavi » c’est en français « Chat qui miaule, c’est la vie »
Evolution du français dans le monde ?
Il y a une progression du nombre de francophones dans l’Afrique sub-saharienne. (Du faut que la démographie africaine est galopante : en moins de 30 ans on est passé de 600 millions à un milliard d’individus…) Mais il y a une diminution pour les classes cultivées des pays non francophones ; et une créolisation du français en Afrique. (Le créole est une rupture.) En revanche le français est la deuxième langue de travail à l’ONU après l’anglais.
Questions :
Troisième table ronde : présentation par Bernard Cassen, professeur émerite de l’université de Paris 8, ancien directeur général du Monde Diplomatique et secrétaire général de Mémoire des Luttes.
Avec Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France (ministère de la culture et de la communication)
La francophonie des peuples ?
Un monde avec uniquement l’anglais serait un enfer. Ce serait un monde d’une extrême solitude. On ne dit jamais la même chose d’une langue à une autre. Il faut cultiver sa langue pour parler avec ses ancêtres (Cf. la fable du vieil iroquois…)
Ce n’est pas une vision angélique : les langues sont prises dans des rapports de force. Et on est tenté d’apprendre la langue du plus fort. Mais on ne pourra pas toujours parler avec ses ancêtres car la langue évolue.
Une idée de la fonction de la langue ?
Les langues ne sont pas uniquement des codes. Elles disent des choses sur le monde que les autres langues ne disent pas.
Coexistence pacifique des langues dans le monde ?
§ « Si le français n’est plus la langue d’un pouvoir, il pourrait être une langue de contre-pouvoir » et ainsi une « résistance à l’uniformité du monde. » (Lionel Jospin au 10e congrès international de la FIPF, en 2000)
§ Au travers de la défense du français nous défendons toutes les langues
Comprendre la langue de l’autre avant de la parler soi-même.
Avec Pierre Janin, chargé de mission à la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France.
L’anglais est une langue remarquable qui a beaucoup emprunté au français. Le français peut utiliser la force du faible : comme au judo on s’appuie sur la force de l’adversaire.
Un gène bilingue au Canada ?
Peut-être pas car le Canada génère de 20 à 25% du flot de toutes les traductions mondiales. [Mais c’est l’Europe qui est le plus grand consommateur de traductions.] Au Canada il y a une industrie de la traduction. Ce pays a instauré un modèle. Les francophones canadiens sont devenus bilingues mais les anglophones canadiens n’ont pas forcément suivi le même chemin...
— En anglais on ne sait pas quand on ne comprend pas, au contraire d’autres langues comme l’allemand ! (Bernard Cassen)
— Beaucoup de chercheurs ne sont pas à l’aise dans une autre langue que la leur (Xavier North)
Questions :
Conclusion :
"Le terme de francophonie apparut pour la première fois en 1880. C’est le géographe français Onésime Reclus (1837-1916) qui l’a employé pour désigner les espaces géographiques où la langue française était parlée. Il s’agit de l'ouvrage France, Algérie et colonies. On entend aujourd’hui par francophonie (avec une minuscule initiale) l’ensemble des PEUPLES ou des groupes de locuteurs qui utilisent partiellement ou entièrement la langue française dans leur vie quotidienne ou leurs communications. Le terme Francophonie (avec une capitale initiale) désigne plutôt l’ensemble des GOUVERNEMENTS, pays ou instances officielles qui ont en commun l’usage du français dans leurs travaux ou leurs échanges. Donc, on parle de deux réalités différentes selon qu’on écrit francophonie (peuples ou locuteurs) ou Francophonie (gouvernements ou pays). Dans ce dernier cas, la Francophonie est associée à l'Organisation internationale de la Francophonie."
Le fait de parler la même langue ne garantit rien sur l'entente entre les peuples. Les guerres civiles et les guerres de religions sont là pour donner le mauvais exemple au sein d'un même peuple ; alors quand il y a plusieurs peuples ! On va certes se comprendre, mais, quant à s'entendre, c'est une autre histoire. A quoi donc peut servir de parler une même langue ?
A quoi peut donc servir de parler plusieurs langues ?
A quoi peut donc servir le militantisme francophone ?
Samedi 18 septembre :
de 14 heures à 16 heures 30 à la médiathèque de Marennes, rue Champlain
(également le dimanche 19 de 10h à 12h30 à Hiers-Brouage, salle du jeu de paume)
Le principe est le suivant : "Je comprends la langue des autres, sans être en mesure de la parler. C'est pourquoi, quand j'échange avec eux, je leur parle ma langue et je comprends la leur." Cela peut fonctionner avec des langues apparentées, tout en possédant bien sa propre langue maternelle.
Ces ateliers portent sur les langues romanes, lesquelles partagent les mêmes origines que le français. On s'entraîne d'abord avec l'écrit. Il nous est proposé un texte en portugais ou espagnol ou catalan ou italien ou occitan ou roumain. On arrive plus ou moins vite à comprendre la formation du vocabulaire et la construction des phrases pour pouvoir donner un sens au texte en français. (On peut bien sûr se tromper ! Mais il faut persévérer.)
Les ateliers étaient animés par Françoise Ploquin et Pierre Janin, de l'Association pour la Promotion et l'Intercompréhension (APIC)
AlCaribou