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C'est à la descente de l'avion à Montréal que je découvris une drôle de phrase sur les plaques numéralogiques : "Je me souviens" précédée d'une fleur de lys.

Je crus d'abord à une fantaisie d'automobiliste avant d'apprendre qu'il s'agissait en fait de la devise nationale.
La fleur de lys, OK, je connais. Clovis, Roi des Francs, l'a choisie comme emblême en 507, et elle devait à jamais symboliser la royauté française. Connaissant l'attachement de nos cousins du Nouveau Monde à leurs origines, il n'y avait là rien d'étonnant à ce qu'il conservent ce symbole. La signification de la devise devait par contre s'avérer beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît.
La devise du Québec figure officiellement au bas des armoieries (depuis 1939), mais on la trouve pour la première fois sur la façade du Parlement du Québec

Eugène-Etienne Taché (1836-1912), l'architecte chargé de la construction du Palais Législatif de Québec, place les armoieries de la province au-dessus de l'entrée principale. Le 9 février 1883, date de la signature du contrat relatif à la constuction du Palais Législatif, donne un caractère officiel à la devise "je me souviens".
Mais que signifie-t-elle ? Ernest Gagnon (1834-1915), sous-ministre des Terres de la Couronne, l'aurait inspirée à Eugène-Etienne Taché. Les Québécois doivent se souvenir du passé et de ses leçons, glorieuses ou malheureuses., cette devise illustrant "la raison d'être du Canada de Champlain et de Maisonneuve comme province distincte dans la confédération".
Conrad Laforte, ethnologue, y voit son origine dans le poème '"Paroles sur la dune" tiré des contemplations de Victor Hugo :
J'entendais près de moi rire les jeunes hommes
Et les graves vieillards dire : je me souviens
Patrie ! ô concorde entre les citoyens
ou dans la chanson "un canadien errant" (composée en 1842 par Antoine Gérin-Lajoie en souvenir des patriotes bannis) :
Va, dis à mes amis
Que je me souviens d'eux
dit l'exilé au "courant fugitif".
Hélène Pâquet, petite-fille de l'architecte, prétend quant à elle par une lettre adressée (en 1978) au journal Montreal Star, que "je me souviens" ne serait que le premier vers d'un tercet :
Je me souviens
Que né sous le lys
Je croîs sous la rose