• LE ZOO SAUVAGE DE SAINT-FELICIEN

    Jour 12 du circuit

    Nous quittons déjà le Lac Saint-Jean, malheureusement sans l’avoir vraiment vu (même problème que pour le Lac Ontario). Nous allons passer la journée dans un parc zoologique pas comme les autres.

    Le Centre de Conservation de la Biodiversité Boréale (CCBB) Inc., anciennement La Société zoologique de Saint-Félicien Inc. et communément appelé Zoo sauvage de Saint-Félicien, est une entreprise à but non lucratif fondée en 1960… (Pour lire la suite, cliquer sur le lien qui suit. Le site est particulièremnt bien fait et permet de visionner des animaux en direct ou en différé par le biais de petits films émouvants autant qu'intéressants : http://www.borealie.org/page_ete.php?id=287 )

    Il est du style des zooramas : les animaux y sont dans des enclos tellement vastes que cela donne au visiteur l’impression qu’ils sont en liberté. La faune que nous y verrons est essentiellement du nord américain, dans sa partie boréale, mais le zoo sauvage accueille également des espèces exotiques telles que le macaque japonais, le tigre de l’Amour et le chameau de Bactriane provenant de la Mongolie.

    Qu’est-ce que la Boréalie?

     La Boréalie englobe les terres où la température moyenne du mois le plus froid est inférieure à -3°C. Elle correspond à la partie nord du globe où le sol gèle plus de trois mois par année.

    La Boréalie s’étend du Canada, en passant par l’Alaska et le nord de la Russie, jusqu’à certaines zones nordiques des pays d’Europe et d’Asie, en particulier le Japon.

    Nous visiterons la partie sauvage du zoo dans un train-cage. Ce sera l’occasion de voir les animaux qui se sont faits timides lors de nos sorties précédentes et donc d’un safari-photo. Alors, exceptionnellement, cet article sera essentiellement photographique.

    Les ours noirs semblent plus en liberté que ceux que nous avons vus avec Okwari. Ceux-ci au moins n’ont pas de collier !

    Le cerf de Virginie,  ou chevreuil du Canada, ou cariacou, ou cerf à queue blanche, est un animal fin et élégant, dont la douceur innocente ne peut laisser indifférent.  Cette espèce était très peu présente au Québec avant l'arrivée des Européens. Suite au déboisement intensif des forêts à la fin du dix-neuvième siècle, le Cerf de Virginie a commencé à peupler les forêts en regénération. C'est à l'île d'Anticosti, où l'espèce a été introduite en 1896, que les Cerfs de Virginie sont en plus grand nombre au Québec.


    Les bernaches du Canada, ou outardes, se laissent approcher, et il n'est pas rare d'en rencontrer dans les parcs des villes. Certains s'en plaignent, mais nous sommes toujours ravis de les croiser, même s'il n'est pas souhaitable de les voir s'installer dans les zones urbaines et près des humains. On en a recensé plus de 400 sur les plages d'Ottawa en 2008 dont le sol est recouvert d'excréments.


    Notre train-cage traversera une reconstitution de ferme du XIXème siècle où nous serons accueillis par une saynète, histoire de donner visage humain à ce lieu pendant quelques minutes.

    Le caribou croit qu'il va surprendre sa cariboute qui de son côté fait semblant de ne pas le voir arriver....
    Le caribou traverse la rivière pour aller voir ce qu'il se passe de l'autre côté...
    Les caribous... L'un des symboles de notre blog. Ils sont là, bien sûr, et Alcaribou salue ses cousins...

    Nous croisons l'orignal, ce grand cervidé de la taille d'un cheval...

    Et un autre cervidé que nous n'identifions pas...

    Les boeufs musqués sont imposants mais  bien pacifiques...

    Des petits chiens de prairie, toujours en alerte.... mais qui prennent le temps de se faire quelques becs...

    Un tipi....


    La deuxième partie de la visite sera plus traditionnelle. Nous y verrons des animaux dans des enclos comme dans la plupart des zoos.

    Le grizzli est calme, mais n'oublions pas ses griffes et sa force, car c'est un des animaux les plus puissants de notre petite terre.

     

    Ce gros chat est un couguar. Extrêmement rare, le couguar a pratiquement disparu de l'Est du Canada. Les populations de l'Ouest du Canada sont protégées, mais non en péril.

     

     
    Le tigre de l'Amour, ou tigre de Sibérie est un animal boréal mais pas canadien. Il vit essentiellement en Chine et en Corée. Il ne reste plus que 500 individus à l'état sauvage et l'espèce est menacée.
    Chasca, un de ces beaux tigres n'a malheureusement pas survécu à la castration. Il semble qu'il ait mal réagi à l'anesthésie.

     

    L'ours blanc, grand mangeur de phoques mais aussi de bien d'autres animaux polaires, voit son territoire fondre au fil des années du fait du réchauffement climatique.

    Un attendrissant film de l'ourse et de ses deux (tout) petits peut être visionné sur le site du zoo sauvage.

     
    Le mouflon canadien nous donne un aperçu de ses qualités de grimpeur. Herbivore sans défense, il est la proie des couguars et de coyotes.

     

    Le renard roux   se nourrit surtout de petits mammifères, d'oiseaux, de grenouilles, d'insectes, de petits fruits et de charognes. Les lynx, le coyote, le carcajou, le loup gris et l'ours noir sont ses prédateurs.
      
    Le porc-­épic est l'un des mammifères les plus connus d'Amérique du Nord. Ses épines servaient à décorer les vêtements des Amérindiens. Sa célébrité vient surtout de son armure de piquants qui tient ses ennemis à distance respectueuse. On pense que le porc-­épic a plus de 30 000 piquants; la perte de plusieurs centaines d'entre eux, qui peut survenir en un seul combat, ne le désarme donc pas pour autant. Au fur et à mesure de ces pertes, de nouveaux piquants prennent la relève. Le porc-­épic se classe deuxième pour sa taille dans la famille des rongeurs, juste après le castor.
     

    La légende des indiens Snake

    Il y a très longtemps existait un serpent très différent des autres serpents. Il avait en effet de grandes pattes. Aussi les autres serpents le méprisaient et finirent par le chasser de leur village en lui disant ”Vas rejoindre les autres monstrueuses créatures qui ont des pattes comme toi.” Le pauvre serpent du partir. Il marcha pendant des jours et des jours. Il faisait très froid et le pauvre serpent à pattes ne trouvait plus de nourriture. épuisé et les pieds gelés, il se laissa tomber sur le bord d'une rivière pour y mourir. Le chevreuil Esekotoye qui se cachait par là aperçut le pauvre serpent. Il eut pitié de lui et l'invita à se réchauffer dans son tipi. Il lui donna à manger et soigna ses pauvres pieds meurtris. Le chevreuil expliqua alors au serpent qu'il y avait ailleurs des créatures avec des grandes pattes comme lui. Il devrait quand même se méfier d'elles car elles essayeraient peut-être de le tuer. Le chevreuil montra aussi au serpent comment fabriquer des mocassins pour protéger ses pieds du froid. Le jours suivant, le serpent quitta la chaleur du tipi pour continuer sa route. Il marcha longtemps et ce ne fut que lorsque la nuit tomba qu'il s'arrêta pour préparer son campement. Il était en train de rassembler des branches pour construire un abri quand il vit Kaiskap, le porc-épic. Celui-ci avait froid et lui demanda de l'aide. Le serpent ne possédait pas grand-chose mais qu'il partagea malgré tout le peu qu'il avait avec le pauvre porc-épic. Ils s'installèrent pour la nuit dans l'abri de branches. Le porc-épic voulu remercier son hôte: “ tu as de bien beaux mocassins, mais il faudrait les assortir à ta peau. Mon frère, prend un peu de mes piquants pour les décorer. Cela te portera chance.”

    ls travaillèrent ensemble pour broder les piquants du porc-épic sur les mocassins du serpent. Le lendemain chacun reprit son chemin. Comme le lui avait prédit le chevreuil, le serpent dut se battre contre des ennemis. Il sortit cependant victorieux de ces rencontres. Il rencontra alors un chef indien. Le serpent qui ne possédait que ses mocassins comme seule richesse il lui en fit cadeau. Il fut alors invité par le chef à séjourner parmi les siens. Dès lors, il fut bien traité et eut une vie heureuse. Ors ce chef avait une fille. Le serpent en tomba follement amoureux. Il aurait alors tant voulu être humain lui-aussi car il aurait alors pu épouser la jeune fille. Mais il savait que c'était sans espoir et que seul les Dieux pouvaient l'aider. Il jeûna et pria mais sans résultat et finit même par en tomber malade. Ors il y avait dans cette tribu un sorcier très puissant. Mo'kiya était très vieux et très sage, il connaissait également les esprits. On pouvait d'ailleurs souvent voir et entendre les esprits autour de son tipi. Mo'kiya eut pitié du serpent.Il quitta le village et escalada la montagne pour aller à la rencontre de Nato'Se le soleil. Nato'Se l'écouta avec attention parce que le sorcier était respecté.

    Transformer le serpent en homme n'était vraiment pas quelque chose de difficile à faire. Alors il dit à Mo'kiya: “Retourne dans ton village, tu feras un feu et tu y jetteras des poignées d'herbe douce. Quand la fumée en deviendra épaisse, tu déposeras le corps du serpent dans le brasier.” Mo'kiya retourna dans son village et suivit les conseils de Nato'Se. Il fit un grand feu au milieu de son tipi et quand la fumée s'éleva épaisse et tournoyante, il y déposa le serpent. Le sorcier murmura des prières, son chant se fit plus fort et plus fort encore et soudain la fumée se dissipa laissant apparaître un jeune homme. Le serpent, maintenant devenu un beau jeune homme fut accueilli avec des chants et des cris de joie par la tribu. Le Chef lui donna sa fille en mariage car il était fier d'avoir un gendre tant apprécié des Dieux. Le serpent et son épouse eurent des enfants et c'est ainsi qu'est née la tribu des “Snake” Pe-sik-na-ta-pe (Shoshone).

    C'est le seul grand oiseau gris d'Amérique du Nord en dehors du Grand Héro

    Les couples de grues se livrent à des appels à l'unisson. Elles se tiennent l'une contre l'autre, se livrant à un duo synchronisé complexe. La femelle lance deux appels à chaque appel unique du mâle.

    Le grand héron est un oiseau de marais, de prés, de rives de cours d'eau et de littoral, qui peut atteindre 1,20 m. On  peut le voir du Canada jusqu'au nord de l'Amérique du Sud, en passant par les Caraïbes. Il dresse sa silhouette figée, d'une hauteur d'environ 1,20 m.

     
    Le cygne trompette doit son nom à son cri et il ne détonnerait pas dans une fanfare !
     
    Il pleuvait... un peu, et les animaux à deux pattes essayaient (en vain) de se protéger dans leurs sacs-poubelles !
     
     
    Le raton-laveur, qu'on appelle chat-sauvage au Québec, reste lui aussi à l'abri. Il est vrai qu'il est nocturne, et que le va-et-vient des visiteurs du zoo doit perturber sa nuit... le jour.


     
     
    Bec crochu, grandes ailes, serres puissantes : le grand-duc d'Amérique dort les yeux ouverts en attendant le crépuscule.
     

    Le pygargue à tête blanche vit en Amérique du Nord. Malgré son nom anglais de Bald Eagle (« aigle chauve ») il n'est pas chauve, et sa dénomination populaire d'« aigle à tête blanche », ce n'est pas un aigle : il s'en distingue par son régime alimentaire, essentiellement composé de poissons, mais aussi par son bec massif et par le fait que ses pattes ne sont pas recouvertes de plumes jusqu'aux serres, l'un des caractères propres aux vrais aigles.


     

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    La moufette : c'est la mal-aimée de l'Amérique du nord. On l'appelle aussi sconse ou skons. Elle est souvent confondue avec son lointain cousin le putois. Elle n'est pas agressive de nature, et son seul moyen de défense quand elle se sent en danger est d'asperger son agresseur d'un liquide épouvantablement nauséabont qu'elle sécrète par ses glandes annales. On dit que si vous avez été aspergé par une moufette, vous n'avez plus qu'à jeter vos vêtements (ou votre appareil-photo) et vous laver dans un bain de jus de tomate. ou d'utiliser le remède suivant, mis au point par Paul Krebaum, un chimiste de l’Illinois : 

    • Un litre d’eau oxygénée
    • 1/4 de tasse de bicarbonate de soude ;
    • Une cuillère à café (5 ml) de savon liquide.

    Inutile d'essayer de prendre un moyen de transport (même si vous avez un avion à prendre) ou d'aller travailler.

    Pourtant, cette pauvre moufette peut être un animal de compagnie charmant et câlin.... à condition de l'apprivoiser et de procéder à une ablation de ses glandes annales.

    Une moufette célèbre a été baptisée "Fleur" par Bambi !


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    Et puis voici des animaux qui ne se plaignent pas de la pluie ni de l'eau, puisqu'ils y sont dans leur élément : les phoques. Nous n'avions pas réussi à les voir de près en Gaspésie. Nous pouvons cette fois-ci les observer de près.... en nous mouillant autant qu'eux !

    Nous arrêterons là notre visite de ce zoo "différent". Nous devons poursuivre notre route. Si vous passez par Saint-Félicien, allez y. Même si vous n'aimez pas les zoos. Et n'oubliez pas qu'il est géré par une association à but non lucratif.

    Flonigogne


  • En pleine nature le long de la rivière à Mars

    A la rencontre du chasseur, du coureur des bois,
    de sa femme amérindienne et de l’ours noir,
    avec Okwari Aventures

    Jour 11 du circuit

    Après la soirée tonitruante puis le matin calme à Chicoutimi, nous redescendons  vers la Baie des Ha! Ha!

    Pourquoi ce nom de Ha! Ha! Cela me fait penser au « ha-ha » qui en anglais désigne un obstacle (un mur, une palissade) installé dans un fossé pour faire obstacle, certes, mais ne pas obstruer la belle perspective sur le jardin à partir des fenêtres du château (ha! ha! ça surprend l’ennemi !) Le mot viendrait d’une expression française identique qui désignait tout obstacle inopiné sur un chemin. On pouvait penser que des Français qui remontaient le Saint-Laurent s’étaient fourvoyés au fond de la Baie avant de s’apercevoir qu’il fallait tourner à droite pour poursuivre la remontée du Saguenay. Mais l’écriture de l’expression, à l’anglaise, qui ne met pas d’espace avant le point d’interrogation, plus le fait que la première référence à ce nom est liée à un explorateur anglais, Edward Harrisson, démontrerait que ce sont les Anglais qui se seraient fourvoyés les premiers ! Il y a aussi une expression anglaise, très semblable, « haw-haw » avec le même sens mais où « haw » serait l’équivalent de « hedge » = une haie… (Lire aussi l’article de Jean-François Cliche dans le journal Le Soleil qui donne l’hypothèse Harrisson).

    Une autre version est que le nom indien de l’endroit était quasi imprononçable par les colons de l’Ancien Monde qui n’aurait retenu que la voyelle « a »…

    Autrement il y a aussi la légende de la mère amérindienne qui naviguait en canot et dont le bébé, tombé à l’eau, aurait été sauvé par une baleine. La baleine, que la maman ne savait comment remercier, aurait simplement dit « Ha ! Ha ! » (Je n’ai pas pu vérifier l’histoire…)


    Alors… nous arrivons avec notre car au Centre Plein-Air Bec-Scie où nous sommes pris en charge par Okwari Aventures sous la forme d'une jeune guide qui va commencer par nous présenter l'ours noir !

    Nous voyons une maman ourse noire et son rejeton, empaillés ; mais aussi des photos d'ours sur un écran, accompagnées des commentaires de la guide. Je retiens surtout que l’ours noir peut-être noir, brun ou blanc ! (et qu’il ne faut pas confondre l’ours blanc qui devrait être noir avec l’ours polaire qui est vraiment blanc !)

    On nous équipe de moustiquaires (et de bottes pour celles et ceux qui étaient chaussés comme pour aller au bal…)

    Nous laissons notre car, notre chauffeur et notre guide qui vont pouvoir souffler un peu et s’occuper d’autres choses. (Cela les aura soulagés des « chiâleux » de notre groupe !)

    Nous traversons à pied le pont en bois qui enjambe la rivière à Mars et nous embarquons dans un bus scolaire jaune (comme les Américains mais c’est marqué «écoliers» et non pas « school bus »…) Surprise ! Je ne pensais pas qu’un bus scolaire soit utilisé comme un 4x4 ! Il faut croire que la fabrication traditionnelle était bien solide ! On s’accroche bien aux sièges et on se dirige vers le sentier du canyon.

    On débarque, on marche, on se dirige vers le barrage, souvent en empruntant des passerelles de bois accrochées au flanc du canyon. C'est ben joli !


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    Retour au bus. On embarque un chasseur de caribou... (Grrrr...)

    On se dirige vers un autre endroit où le chasseur nous explique la chasse au caribou. Il faut être plusieurs. Il faut ruser pour faire venir la bête ; en s’enduisant de pipi de femelle par exemple… Mais le chasseur ne tire pas toujours !

    Retour au bus puis direction la cabane en bois rond, au bord d'un lac, où nous déjeunons confortablement à l'intérieur grâce aux boîtes à pique-nique.

    Puis début du sentier d’interprétation. Nous découvrons Bébert, le coureur des bois, qui nous attend avec son chapeau, sa pétoire et sa pipe.

    Nous le suivons jusqu’à son campement où il rejoint sa « blonde », Faucon Agile, l’Amérindienne. (« Faucon »  parce qu’elle est née au printemps ; « agile » parce qu’elle est agile…)

    Faucon Agile (Chikowé) nous explique l'herboristerie et nous fait goûter des plantes (et des pancakes…) Elle nous parle des symboles ; des croyances comme la queue de chat sauvage qui éloigne les mauvais esprits. Elle nous explique les franges de son vêtement pour chasser les bibittes ; les clochettes au pied pour faire fuir les ours.

    Bébert nous explique comment il est arrivé là et ce qu’il est venu y faire : la traite des fourrures avec les Indiens ; et comment il s’est retrouvé en ménage avec une Indienne, la sœur de son copain Indien.

    Et puis il va nous montrer comment tirer au fusil ! Premier essai et deuxième essai...

    Troisième essai !
    C'est bon (si le gibier est toujours là !)

    Le coup de fusil ! Puis on repart avec le chasseur de caribou.

    On rencontre un crapaud. Le chasseur nous montre comment faire un feu avec une planchette de bois et un bâton pointu que l’on fait tourner rapidement sur sa pointe dans le trou.
    Et comment faire une cabane avec les branches et les feuillages de la forêt.
     

    Nous faisons ensuite un tour en canot rabaska sur la rivière à Mars. Ce fut court mais paisible… et facile en redescendant le courant ! Personne n’est tombé à l’eau ; mais ça ne craignait pas trop car le fond était près du bout des pagaies.

    Canot bien stable, cependant pour qui remontait le courant il fallait faire travailler les bras !

    Joli dessin mais les Indiens montagnais n'étaient pas emplumés comme dans les westerns !

     

    C’est maintenant l’heure d’aller voir, en vrai, les ours noirs à partir de miradors installés au-dessus d’une zone où de la nourriture est judicieusement  distribuée pour attirer les bêtes… Nous observons tranquillement. Les gros bidons bleus et les gros colliers ne font pas très « sauvages » mais ces ours sont malgré tout en liberté, alors si cela peut leur faire plaisir de venir  à la cantine !

    Puisque les ours sont des gourmands, il y a sans doute un rapport avec cette légende :

    La naissance des ours

    C’est d’un four à pain de l’île Dupas, près de Sorel, que naquirent les ours :

    « Une fois, il y avait un garçon et une femme qui avaient deux petits enfants, une fille et un garçon, qui étaient ‘malcommodes’ ; à tous moments ils se rendaient coupables de tours pendables. Il ne se passait jamais une journée sans que les brebis aillent manger les radis du jardin, que le sucre soit mélangé au sel, qu’une voiture perde une de ses roues, ou que les animaux changent de place dans l’étable. Les coupables [de nos jours on dirait ‘les présumés innocents’…] s’en amusaient follement. Pour les punir, un jour qu’ils grimpaient aux arbres et se chicanaient, leur mère, après avoir trempé sa cuite de pain, les enferma dans le four à pain érigé dans le fond de la cour, leur disant qu’ils étaient aussi déplaisants que des petits ours.

    La femme s’en alla ensuite démêler ses pois pour faire la soupe, puis, au baissant de la marée, elle se rendit sur la rive aider son mari à vider les coffres de pêche à l’anguille. Après souper, comme il restait de la soupe, elle dit à son mari : « Mon Dieu, si nos petits enfants étaient ici, ils mangeraient bien cette soupe-là. » Elle se rappela alors qu’ils étaient tooujours enfermés dans le four et courut vivement en ouvrir la porte. Mais, qui est-ce qui en sortit ? un couple de petits ours, une femelle blanche et un mâle noir, qui se mirent à grogner et qui s’enfuirent à toutes jambes vers la forêt.

    Et depuis ce jour-là, les ours se sont répandus sur la terre. »

    (In « Légendes de l’Amérique française » Jean-Claude Dupont, Ed. J.-C. Dupont 1985)

     

    Retour à Bec-Scie et à notre car de l'autre côté du pont de la rivière à Mars. Pourquoi ce nom ? Parce que le premier colon à s'y aventurer s'appelait Mars... Retenez qu'il y a des saumons !

    Nous allons souper et dormir au bord du lac Saint-Jean. Mais le lac était de l’autre côté de la route et il était bien tard pour voir quelque chose... Heureusement la journée avait, à nouveau, été bien remplie !

    AlCaribou


  • CHICOUTIMI

    vue satellite par la Google map


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    Jours 10 et 11 du circuit.

    Et voilà. Nous avons un peu vu les baleines. Nous remontons le fjord Saguenay, salé, puis la Rivière Saguenay, d’eau douce, jusqu’à Chicoutimi.

    En langue montagnaise eshko-timiou signifie « jusqu'où c'est profond ».

    Chicoutimi est l’un des trois arrondissements urbains de la ville de Saguenay, entre Jonquière et La Baie. 

    En fait, la « nouvelle ville » de Saguenay, créée en 2001 par Décret du Gouvernement du Québec regroupe sept anciennes villes : Chicoutimi, Jonquière, La Baie, Laterrière, Shipshaw, Lac Kénogami et une partie du canton de Tremblay.

    Peuplé il y a 5000 ans d’Iroquois, le territoire était fréquenté par des Montagnais nomades au moment de l’arrivée des européens. Au-delà, la Rivière Saguenay n’est plus navigable. En l’an 1661, on pouvait lire dans La Relation du Père Gabriel Bruillet et Claude Dablond : «Chicoutimi, lieu remarquable pour être le terme de la belle navigation et le commencement des portages ». D’abord poste de traite et mission d’évangélisation sous le patronage Saint-François-Xavier, puis ville industrielle avec la pulperie (fabrication de pulpe de bois), c’est aujourd’hui ne ville à vocation commerciale et administrative. En 1996, la ville subit une terrible inondation lors du déluge du Saguenay.

    Plein yeux sur Chicoutimi

    Chicoutimi

    Nous sommes logés dans un hôtel grand comme une ville (5 tours, des salles de bal, une discothèque, des magasins, des restaurants, un casino…).

    Nous sommes en plein festival international des rythmes du Monde. Les amateurs de musique bruyante doivent apprécier, mais ce fut pour nous une épreuve que d’avoir notre repas en plein cœur de cette manifestation. Au risque de passer pour rabat-joie, nous nous insurgeons une fois de plus contre ces manifestations de plus en plus sonores, avec tous les risques encourus par les jeunes oreilles exposées aux agressions des sonorisations poussées au maximum. Un jeune du groupe se plaindra d’ailleurs de maux d’oreilles au réveil suivant. Espérons que cela lui servira d’avertissement !

    (Echelle du bruit).

    Le lendemain matin sera, heureusement, beaucoup plus calme. Nous découvrons une agréable promenade sur la rive du Saguenay. Une mini ferme pour amuser les enfants (et leurs parents) et un joli marché comme on en  trouve au Québec.


     

    De drôles de bêtes nageant dans un bassin nous rappelle que les baleines sont tout près.

    Une longue journée nous attend dans le parc d’Okwari. Ce sera le thème de notre prochain article.

    Flonigogne


  • La croisière aux baleines

    Jour 10 du circuit

    Ce Zodiac nous évoque août 2007, sur le port surchauffé de Saint-Siméon, nous regardions partir les bateaux de toutes tailles qui allaient tenter de voir les baleines. « On n’en verra peut-être pas… » Alors nous n’avons pas embarqué… Depuis,  nous savons que les observations peuvent être plus ou moins bonnes mais que, des baleines, on en voit !

    La baleine est une grosse bête ! Mais les bateaux n'ont pas besoin d'être gros...

     

    On vérifie le compte et on est partis !

    On regarde et on aperçoit quelques taches blanches au ras de l'eau, comme des morceaux de savon, ou de glace, ou de blanc d'œufs durs, ou de mousse à raser : ce sont des dos de belugas !

    Nous avions déjà aperçu des bélugas en empruntant le traversier saint-Siméon / Rivière-du-Loup. Nous les voyons juste d'un peu moins loin cette fois-ci !

     Le béluga est un cétacé, mais ce n'est pas une baleine parce qu'il n'a pas de "baleines", c'est-à-dire de fanons pour filtrer le krill, ces minuscules créatures dont les baleines raffolent.

    Taille : de 3 mètres à 4,50 mètres. Il mange des mollusques, des vers, des poissons divers...
    Son nom vient d'un mot russe qui veut dire "blanc". Son nom scientifique est delphinapterus leucas qui associe la couleur blanche à des nageoires de dauphins. (Cela renseigne donc aussi sur la famille.)

    On n'en verra pas davantage, mais... l'émotion de la première rencontre !

    Allons plus loin...

    ...avec la flotille.

    Cette construction un peu bizarre, au confluent dangereux du Saint-Laurent et du Saguenay est qualifiée de pilier du Haut-fond Prince et date de 1964. Pourquoi "Prince" parce que certain prince anglais y aurait bêtement échoué son bateau... (Chut... le prince de Galles, futur Edouard VII...)

    Il y eut bien sûr des gardiens pour le phare qui est maintenant automatisé depuis 1987. Avant, il y avait eu un bateau-phare

    Les vraies baleines, où sont-elles ?

    Heureusement la persévérance va payer ! Le commentateur nous prévient : "Baleines à 10 heures !"


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    Nous aurons la chance d'apercevoir des dos et des nageoires de rorquals : des rorquals communs et des petits rorquals. Et même une queue qui plonge mais... trop tard pour la photo !

    Les rorquals sont les baleines que l'on voit le plus communément au large de Tadoussac, de vraies baleines attirées par le krill qui pullule à cet endroit où il y a un mélange d'eau douce et d'eau salée. Le rorqual commun mesure de 21 à 25 mètres, pèse de 40 à 50 tonnes ; le petit rorqual ne mesure que 8 mètres de long et ne pèse que de 6 à 8 tonnes mais il aime bien circuler en bandes : c'est ce que nous avons vu.

    Glou-glou !

    Tu pourrais mieux montrer ta bobine !

    Ce fut une belle sortie en "mer" et on recommencera pour espérer voir et photographier davantage ! Il vaut mieux y aller le matin de bonne heure, paraît-il, mais, ce qui est le plus important, c'est de sortir avec la marée montante parce que c'est à ce moment-là que les baleines courent se nourrir !

    Photo: Shrimp krill



    Le krill = des crevettes de 5 à 6 centimètres de long. Evolution de la baleine.

    La prochaine fois on en verra peut-être un peu plus comme sur cette vidéo empruntée :

     

    Retour au port avec une belle vue sur les toits rouges de l'hôtel et la chapelle des Indiens.

    Puisqu'on parle des Indiens, voici une petite légende concernant les Abénakis :

    La famille transformée en baleines

    Jadis, une grenouille géante terrorisait le pays et desséchait tous les cours d'eau, n'en conservant pour elle que quelques-uns où coulait une eau claire. personne n'avait réussi à la faire mourir. Finalement, le grand chef débarrassa le pays de la grenouille qui empêchait les Abénakis de se désaltérer en jetant un arbre sur elle. Aussitôt, de chacune des branches de l'arbre surgit une rivière.

    Durant cette disette d'eau, une tribu entière s'était mise en marche, de nuit, pour trouver un cours d'eau douce. Ils partirent si vite qu'ils en oublièrent au village un père et ses deux filles. Lorsque ceux-ci s'éveillèrent,ils s'aperçurent qu'ils avaient été abandonnés par la tribu ; ils se mirent alors à suivre les traces des leurs pour tâcher de les rattraper. Malheureusement, les pistes les emmenèrent à la mer où l'eau était salée. Arrivés à cet endroit, exténués, ils réalisèrent qu'ils n'avaient plus les forces nécessaires pour aller plus loin.

    C'est alors qu'ils descendirent, l'un dernière l'autre, dans ces eaux, et qu'ils en émergèrent ensuite, transformés en baleines.

    Il ne manque pas de gens pour affirmer que depuis, on les a vus, souvent, en bordure de la mer, lançant de forts jets d'eau sur le rivage. Mais elles ne viennent plus se chauffer au soleil sur les galets ; mon grand-père prétend qu'elles craignent de s'accrocher par le ventre sur d'anciens crochets à marsouins.


    In "Légendes Amérindiennes" par Jean-Claude Dupont, (c) Editions J.-C. Dupont, Québec, Canada, 1992

    AlCaribou


  • TADOUSSAC

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    Jour 10 du circuit

    Nous voici donc pour quelques heures à Tadoussac, à l’entrée du Saguenay, seul fjord du Saint-Laurent, que nous avons traversé le matin.

    Le nom de Tadoussac semble venir du montagnais « Totouskak » qui signifie « mamelles », deux collines rondes étant situées à l'ouest du village.

    Le fjord du Saguenay est une ancienne vallée glaciaire envahie par les eaux marines après la fonte des derniers glaciers. Il fait une centaine de kilomètres de long et de 1 à 3,5 km de large, et relie le Lac Saint-Jean au fleuve Saint-Laurent. Il occupe une profonde entaille dans les Laurentides, bordée par des falaises escarpées. Les eaux froides et salées du Saint-Laurent pénètrent sous les couches plus chaudes et douces qui arrivent du Lac Saint-Jean.

    En 1885, l'abbé Joseph-Clovis-Kemner Laflamme, professeur de géologie à Québec, comparait le fjord du Saguenay à ceux de la Norvège et de la Colombie-Britannique

    Aucun pont ne sera jamais construit sur le Saguenay, mais les falaises sont coiffées en cet endroit de lignes à hautes tensions, concession obligatoire pour alimenter la région en électricité.
     

    On dit que Jacques Cartier a été saisi par la beauté de l’entrée du Saguenay et s’y est attardé.

    Tadoussac est reconnu comme étant le plus vieux village du Québec.

    Une réplique de son poste de traite abrite le musée historique de la ville.

     

    Chauvin : un patronyme au seuil de notre histoire

    En 1600, Pierre Chauvin, Sieur de Tonnetuit, calviniste, armateur normand qui sera nommé lieutenant général de la Nouvelle-France, s’y installera et créera le premier poste officiel de traite. Tadoussac deviendra ainsi le premier établissement français au Canada. Sur les seize hommes qui l’accompagnaient, cinq seulement survécurent au premier hiver. Lui-même mourra brutalement, en France, en 1603, au moment où il allait entreprendre une nouvelle expédition. Il était accompagné par Pierre Dugua de Mons, gentilhomme huguenot originaire de la région de Royan, et par un riche marchand de Saint-Malo, François Dupont-Gravé. Mais il n’est pas le père du chauvinisme (c’est un certain Nicolas Chauvin, soldat de la Grande Armée de Napoléon)

     

    En 1603, Samuel Champlain fait jeter l'ancre de son voilier, le Don-de-Dieu, à Tadoussac. C’est la première fois qu’il pose le pied en Nouvelle-France.


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    Il débarque à Tadoussac avec Dupont-Gravé et Pierre Dugua-de-Mons. À peine débarqué sur la rive, il dresse la carte du Saint-Laurent et jette les assises du grand commerce de la fourrure avec les Indiens.

    Il songe à établir sa colonie à Tadoussac, avant d’opter pour Québec, aux hivers moins rudes. 

     Il ne reste rien du Tadoussac de 1600. Par contre, là se trouve la plus ancienne église en bois du Canada. Elle fut construite en 1747 par les missionnaires jésuites qui y célèbrent leur première messe en 1750 au cours leur mission d’évangélisation des indiens montagnais. C’est pourquoi on l’appelle la Chapelle des Indiens. C’est une jolie et coquette chapelle blanche et rouge.  

     

    La chapelle de Tadoussac 

    Photo à 360° de la chapelle des Indiens

    Autour de la chapelle, le cimetière, livre d’histoire à ciel ouvert, nous rappelle l’importance de la mortalité infantile : de nombreuses pierres tombales portent des noms d’enfants, parfois plusieurs enfants de la même famille, morts en bas âge.

    En 1866, la compagnie Tadoussac and Sea Beathing Co. construit à Tadoussac le premier Grand Hôtel au toit rouge qui devait faire sa réputation de lieu de villégiature, dans le but de relancer l'industrie touristique liée aux croisières organisées de la région qui jouxte le Saguenay et la Côte-Nord. Pendant plus d'un siècle, Tadoussac est un des hauts lieux du tourisme en Amérique du Nord. C’est encore actuellement le plus grand hôtel du village.

    Le film "Hôtel New Hampshire" d'après le roman de John Irving, l’a rendu célèbre.

     
     

    Il reste encore quelques maisons anciennes dans le village actuel qui accueille en juin un célèbre festival de chanson francophone

     Notre ami Michel McLean  y a participé, et son frère, Rosaire, y tenait un bistrot, le Gibart

    Tadoussac sait aussi rendre hommage à ses marins

     


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    Et aux baleines qui reviennent ici depuis que les baleines sont baleines et que le Saguenay est le Saguenay !

     

    Quelques symboles nous rappellent que nous sommes en terre amérindienne

     

     

     

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    Nous sommes ici dans un site maritime exceptionnel, et les plaisanciers y jettent leur ancre en été. Nous y avons vu quelques jolis bateaux.

    Notre repas sera pris dans un sympathique restaurant traditionnel que nous recommandons. Les propriétaires ont eu la bonne idée d’éditer un petit livre de recettes des plats qu’ils proposent à leur clientèle. On y trouve la recette du potage de poisson, des célèbres fèves au lard, de la tarte au vinaigre et quelques autres encore.

    (ces recettes seront prochainement rajoutées dans la rubrique "recettes")

       

    Sur ce, nous nous dirigeons vers le bateau qui nous mènera vers un rendez-vous que nous avons pris il y a deux ans avec les baleines.


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     Ce sera l’objet de notre prochain article.

     

    Flonigogne

    Une légende pour terminer :

    Le sorcier du Saguenay

    Plusieurs centaines d'années avant la découverte du Canada par Jacques Cartier, ce pays était habité par différentes nations et tribus d'Amérindiens (que les Européens appellent Indiens à cause de Christophe Colomb qui appela ainsi les habitants de cette terre qu'il croyait être les Indes). Une de ces tribus s'était établie sur les bords du Saint-Laurent, à un endroit où ce fleuve est d'une immense largeur, aux environs de la place qui s'appelle aujourd'hui Tadoussac. Ces Amérindiens étaient des Montagnais, nation bonne et pacifique, vivant de pêche et de chasse.

    Pour prendre le poisson, ils confectionnaient de solides filets, tressant à cette fin de longues herbes marines que leurs doigts habiles savaient rendre solides et durables.

    Les grandes forêts leur fournissaient le gibier qu'ils tuaient avec leurs flèches ou qu'ils prenaient dans des pièges ingénieux de leur propre invention. Leurs wigwams étaient placés ensemble, par groupes, pour se donner une protection mutuelle contre les loups. Ces groupes de Wigwams formaient autant de petits villages, peu éloignés les uns des autres.

    Les loups n'étaient pas le seul danger qu'avaient à craindre les Montagnais : ils avaient pour ennemis une nation appelée « les Géants ». Ces hommes étaient des colosses! Quelques-uns avaient huit pieds de hauteur (2,4 m). Ils avaient des figures sournoises, cruelles, et de longues dents pointues.

    On devinait qu'ils étaient cannibales... Cette nation était établie une quarantaine de milles plus loin.

    Aux moments les plus inattendus, ils remontaient le fleuve en bandes, dans leurs canots d'écorce, atterrissaient à peu de distance des établissements montagnais, fonçaient à l'improviste sur ces paisibles Amérindiens, en tuaient un grand nombre et retournaient avec des prisonniers dont on n'avait plus jamais de nouvelles.

    À l'époque où se passe cette histoire, il y avait chez les Montagnais une jeune fille appelée Sagnah. C'était une orpheline. Son père avait été fait prisonnier par les terribles Géants et n'était jamais revenu et sa mère en était morte de chagrin.

    Sagnah était une favorite dans sa tribu ; chacun aimait la choyer et la gâter. C'était une belle et brave enfant, intelligente, pleine de vivacité, parfois un peu trop espiègle, mais d'une grande bonté de coeur.

    Elle aimait à jouer avec les autres enfants de la tribu et pouvait nager, grimper et danser aussi bien qu'eux tous ; mais son grand charme était sa belle voix. Son chant ravissait les Amérindiens. Ils s'assemblaient parfois sur la grève autour d'un grand feu, faisaient chanter Sagnah et ses notes pures vibraient, claires et harmonieuses, dans l'air du soir.

    Lorsque Sagnah eut seize ans, on la fiança à un jeune chef de sa tribu et le mariage devait avoir lieu quelques jours plus tard... mais, tout à coup, dans la nuit, les Géants arrivèrent et firent un affreux carnage!

    Une terrible bataille s'engagea et après bien des pertes de vies de part et d'autre, les Géants se virent forcés de prendre la fuite, mais ils emmenaient avec eux plusieurs prisonniers et parmi ceux-ci, la pauvre petite Sagnah !

    Pendant la bataille, la jeune fille s'était blottie au fond d'un wigwam, un tomahawk dans la main, bien résolue à se défendre, mais deux Géants foncèrent dans la cabane, la désarmèrent et l'emportèrent comme si elle eût été un petit enfant...

    Impuissante à se défendre, Sagnah ne perdit cependant pas courage. Sa principale inquiétude était son fiancé, le jeune chef qu'elle devait épouser dans si peu de jours... Était-il, lui aussi, prisonnier?

    Au premier arrêt, on la mit par terre et on lui lia les bras et les jambes. Les autres prisonniers, solidement ligotés, n'étaient pas très éloignés, et elle pouvait les distinguer parfaitement : son fiancé n'était pas parmi eux.

    « Alors, se dit-elle, il va vouloir venir à mon secours et il se fera sûrement tuer. Ah! Si je pouvais lui envoyer un message! »

    À ce moment, sur un arbre, tout près d'elle, un pic, cramponné à l'écorce, frappait le tronc de son bec noir et agitait un peu les ailes, comme pour attirer l'attention.

    • Petit oiseau, lui dit-elle, que ne peux-tu voler vers mon fiancé !

    À sa grande surprise, l'oiseau se rapprocha et lui dit :

    • Donne-moi ton message!
    • Comment ? Tu parles, toi ? s'écria Sagnah.
    • Oui. Hâte-toi !
    • Vole vers mon fiancé, le jeune chef. Dis-lui de ne pas chercher à me suivre. Ma seule chance de m'évader sera la ruse ! Dis-lui d'être aux aguets et d'attendre... Vole, petit oiseau, vole!

    L'oiseau s'envola à tire-d'aile, et Sagnah se sentit un peu plus d'espoir au coeur.

    « Cet oiseau doit appartenir à quelque fée ou à quelque sorcier ! » se dit-elle.

    Au bout de quelque temps, les ennemis reprirent leur route. Elle fut ramassée comme un paquet, jetée sur l'épaule d'un des gros Géants et emmenée vers les canots qu'ils allaient reprendre pour retourner dans leur pays. Elle ne résista pas, ferma les yeux et feignit d'être endormie ou sans connaissance...

    Après de longues heures, ils arrivèrent enfin au camp des Géants. Les femmes et les enfants de la tribu les reçurent avec des cris de joie. Armés de branches et de bâtons, ils se ruaient vers les prisonniers pour les frapper.

    • Qu'on ne touche pas à celle-ci ! cria la Géant qui avait amené Sagnah.

    C'était (elle l'apprit plus tard) un des chefs de la tribu, un des quatre frères qui gouvernaient la nation.

    • Amenez-la, continua-t-il, dans un wigwam spécial. Je la réserve pour la grande fête qui aura lieu pour célébrer notre visite chez les Montagnais. Quant aux autres prisonniers, je vous les donnerai bientôt pour les faire cuire et les manger... dans huit ou dix jours au plus.

    Sagnah frémit... Ainsi, c'était là le sort affreux qu'avait eu son père ! Et c'était celui qu'on lui réservait ? Non ! Cent fois non ! Il fallait, à tout prix, empêcher cette fin atroce ! Sachant qu'elle avait quelque temps de répit, elle résolut de déjouer par la ruse les plans de ses terribles geôliers.

    Épuisée, Sagnah, s'endormit. Après un long et lourd sommeil, elle se réveilla au fond d'un wigwam. Deux vieilles amérindiennes étaient là, en gardiennes, auprès d'elle.

    • Bonjour! dit Sagnah, avec son plus charmant sourire.
    • Où donc te crois-tu, petite sotte, pour avoir ce sourire sur les lèvres ?
    • Je n'en sais rien, mais je crois que c'est peut-être le camp de quelque Géant. Un grand combat a eu lieu entre ma tribu et les Géants, et ces derniers m'ont prise et amenée ici.
    • Et que penses-tu qu'ils veulent faire de toi ?
    • Je ne sais pas, répondit, Sagnah, toujours souriante, mais j'espère bien qu'on va me donner à manger... j'ai une faim terrible !
    • Manger ? Sans doute, tu vas manger, encore manger, et encore et encore manger !
    • Pourquoi tant manger ? demanda Sagnah en riant.
    • Parce que tu es trop mince, trop maigre ! dit la vieille avec un ricanement.

    Au bout de quelque temps, on lui apporta de la nourriture.

    • Je vous en prie ! dit-elle, déliez-moi les mains afin que je puisse manger, et les pieds aussi, de grâce ! Je ne chercherai sûrement pas à me sauver entourée, comme je suis, de Géants !

    À ce moment, le chef entra et les gardiennes lui demandèrent si elles pouvaient délier la prisonnière, et il consentit en grommelant.

    Sagnah, voyant que la nourriture n'était sûrement pas de la chair humaine, prit un bon repas, car elle avait vraiment faim. Puis, elle tressa ses longs cheveux noirs et défroissa sa tunique de cuir. Regardant les amérindiennes, elle leur dit :

    • Suis-je bien ainsi ?
    • Bien ? Tu as l'air d'une sotte fille des Montagnais, se préparant à servir de dîner à notre grand chef !
    • Non ! dit Sagnah, sans cesser de sourire, je suis sûre qu'il ne voudrait pas me manger, du moins pas tout de suite !

    Et, sans paraître du tout inquiète, elle se mit à causer et à rire avec les deux vieilles gardiennes, si bien qu'elles devinrent presque de bonne humeur !

    Au bout de quelque temps, elle leur dit :

    • Aimez-vous les chansons ? J'en sais de belles que j'ai apprises chez nous.

    Et, de sa voix claire et pure, elle se mit à chanter des refrains de son pays.
    À ce moment, le chef entra de nouveau, mais elle ne parut pas le voir et continua son chant. La chanson finie, elle se retourna et regarda le Géant.

    • Ah ! Tu étais là ? dit-elle, as-tu aimé ma chanson ?
    • Comment t'appelles-tu ? dit celui-ci, sans répondre à sa question.
    • Sagnah, répondit-elle, et toi ?
    • Apprends, jeune fille, s'écria-t-il d'une voix tonnante, que je suis Patitachekao, chef, avec mes trois frères, de la tribu des Géants! Mon nom, Patitachekao, signifie « Tue et mange », et j'ai l'habitude de faire honneur à mon nom !
    • Comme c'est terrible ! Es-tu toujours fâché comme ça ?
    • Attention ! Si tu me manques de respect, je te ferai fouetter !
    • Oh ! Ne fais pas cela, dit Sagnah, encore souriante, (mais en réalité tremblante de frayeur), si tu me fais battre, je ne pourrai plus manger... et je vais maigrir !

    Personne encore n'avait osé parler de la sorte au chef des Géants et il se demanda si cette jeune fille ne serait pas une sorcière, déguisée en Montagnaise. Il fit venir ses trois frères, Géants à l'air aussi féroce et cruel que lui-même, et fit causer Sagnah devant eux. Cachant sa terreur, elle sourit bravement à ces méchants chefs et, à leur demande, chanta une de ses plus belles chansons.

    Les quatre Géants sortirent du wigwam et tinrent conseil : si cette jeune fille était une sorcière, il fallait la brûler et non pas la manger, et si elle n'était pas une sorcière, pourquoi ne pas la garder et la soigner et ne la manger que dans quelques mois ?

    Sagnah entendit leur conversation et elle résolut de prouver qu'elle n'était pas une sorcière. On la consulta sur différents sujets, on la questionna... Sagnah répondait comme une enfant et posait elle-même des questions qui semblaient si naïves, que les Géants se dirent : « Elle ne comprend pas suffisamment pour avoir peur, c'est pourquoi elle rit et chante. Ce n'est sûrement pas une sorcière ! »

    Les deux vieilles restaient ses gardiennes. Elles lui apportaient sa nourriture et écoutaient son babil et son chant. Un jour, le chef Patitachekao entra, encore plus maussade et grondeur que d'habitude. En passant près d'une des vieilles, il lui donna un coup de pied sur la jambe et la frappa à la figure avec une branche qu'il tenait à la main. Le coup de pied fut si fort que la jambe fut presque cassée, et se tenant le front d'où le sang coulait, la vieille sortit en boitant.

    • Chante ! ordonna le chef à Sagnah.

    Elle commença tout de suite à chanter. Quand elle eut fini, il lui dit :

    • Veux-tu avoir la vie sauve ?
    • Oh oui ! dit Sagnah, vas-tu me laisser retourner dans mon pays ?
    • Non ! dit le Géant, mais je puis t'épouser et te faire devenir membre de la tribu.
    • Je suis déjà fiancée à un chef de ma propre nation. Si tu es chef toi-même, tu ne voudrais pas me faire manquer à ma parole ?
    • Tous les chefs ont été tués à notre dernière attaque, dit-il, ton fiancé a dû être de ce nombre !

    Sagnah se doutait bien que ceci n'était pas la vérité, mais elle feignit de croire ce qu'il disait et lui répondit :

    • Veux-tu me donner trois jours pour m'habituer à cette pensée de devenir une des vôtres, et chaque jour me laisser faire une promenade en dehors du wigwam ;  le troisième jour, si tu m'entends chanter, tu sauras que je suis prête à devenir ta femme !

    Le chef y consentit et sortit du wigwam fort satisfait.

    L'amérindienne qui avait reçu le coup de pied revint en boitant à la cabane, paraissant très souffrante. Le bâton du chef lui avait cruellement blessé la tête, et elle avait l'air bien affaiblie. Sagnah lui banda la jambe et lui mit de l'eau fraîche sur la tête, essayant de la soulager. Puis elle s'assit auprès d'elle et se mit à chanter.

    Au bout de quelque temps, l'autre amérindienne sortit du wigwam. Alors la blessée dit à Sagnah :

    • Écoute ! Je vais mourir, les coups du chef m'ont tuée ! Je ne verrai pas le jour !  Parce que tu as été compatissante et bonne pour moi, et que tu es si vaillante, si courageuse, je vais te donner deux présents : prends ce morceau de cuir et cette tige creuse. Le carré de cuir te rendra invisible, si tu le places sur la tête, et avec la tige creuse, tu peux appeler le bon sorcier de la grande forêt qui a juré d'exercer une terrible vengeance sur toute nation qui mange de la chair humaine. Mais pour les punir, il faut que le bon sorcier les prenne en flagrant délit.
    • Où puis-je trouver le bon sorcier ?
    • Il viendra à n'importe quel endroit en dehors du camp si tu souffles dans la tige creuse. Ne lui dis rien... Laisse croire que tu vas épouser le chef et partager leur festin, dit la femme d'une voix faible.

    Elle se retourna et ne parla plus. Au matin, elle était morte. Ce jour-là, Sagnah partit pour sa première promenade en dehors du wigwam. Après avoir marché un peu, elle mit le morceau de cuir sur la tête et s'aperçut bientôt que personne ne pouvait la voir. Alors elle se mêla aux Géants et ainsi, elle apprit que les prisonnières avaient été tuées et qu'on se préparait à en faire un festin pour célébrer le mariage du chef Patitachekao avec la fille des Montagnais.

    Le lendemain, elle sortit de nouveau et, se rendant invisible, elle suivit le chef jusqu'à l'endroit où il se rendait pour conférer avec ses trois frères. Elle découvrit qu'ils avaient décidé de faire une autre attaque sur les villages aussitôt après les noces. Les frères étaient aussi féroces et cruels que Patitachekao; cependant l'un d'entre eux dit :

    • Que ferons-nous si le sorcier de la grande forêt a connaissance de nos festins ?
    • Personne ne lui dira et il ne peut entrer dans le camp sans ce tomahawk magique que j'ai à ma ceinture !
    • Qu'en feras-tu pendant la noce ?
    • Je ne puis, pour le mariage, le garder sur moi, cela me porterait malheur, mais je vais le cacher sous la peau d'ours qui est dans mon wigwam, de bonne heure demain matin. Je le reprendrai après le festin et jamais le sorcier ne pourra l'avoir !
    • C'est bien, dirent-ils, le mariage à midi et le festin ensuite !

    Sagnah courut à son wigwam et eut tout juste le temps de redevenir visible, lorsque le chef parut :

    • Ta réponse, Sagnah ? dit-il.
    • Nous ne sommes qu'au deuxième jour et tu m'as donné trois jours ! dit Sagnah.
    • C'est vrai, répondit le Géant, mais je compte te trouver demain prête et consentante pour le festin de la noce !

    Sagnah eut un frisson de terreur, mais sourit bravement et répondit :

    • Je crois que tu m'entendras chanter un peu avant midi demain...

    Et le Géant partit content.

    Le lendemain, au petit jour, Sagnah se rendit invisible et partit vers le wigwam du chef pour voir ce qu'il faisait. Il n'y était pas, alors elle entra, souleva la peau d'ours, trouva le tomahawk et le cacha sous sa tunique avec la tige creuse. Puis elle se sauva aussi vite que possible jusqu'en dehors du camp des Géants. Là elle redevint visible, le carré de cuir ne lui donnant le don d'invisibilité que dans les limites du camp. Elle prit la tige creuse et souffla dedans... la tige rendit un son rauque et sifflant... Tout à coup, une ouverture apparut dans les branches... un bruissement de feuilles se fit entendre... et le bon sorcier parut !

    Il paraissait vieux comme le monde; ses cheveux et sa longue barbe étaient d'une blancheur de neige; sa figure annonçait la force et la volonté; ses yeux étaient profonds et perçants.

    • Qui me réclame ? demanda-t-il.

    Sagnah se présenta au bon sorcier et lui raconta sa terrible histoire et son enlèvement à la veille de son mariage. Elle lui décrivit les invasions répétées de Géants dans les domaines des Montagnais, les prisonniers enlevés pour être ensuite tués et mangés, et lui parla du mariage et du festin atroce qui devaient avoir lieu le jour même. Le bon sorcier, courroucé mais triste, répondit :

    • Les misérables ! Pour les punir, il faudrait que je puisse les prendre sur le fait et hélas ! Je ne puis entrer dans leur camp !
    • Tu le peux, dit Sagnah, avec cette arme magique ! Prends-la et, de grâce, agis au plus vite ! Dis-moi, vais-je être obligée d'épouser ce monstre ?
    • Quand doit avoir lieu le festin ? demanda-t-il.
    • La noce doit se faire à midi et le festin ensuite !
    • Lorsque tu donneras ta réponse, tantôt, tu diras : « Le festin se fera, la noce suivra. » Il ne faut pas te laisser persuader autrement et, sois sans crainte, je te sauverai... et je punirai les coupables ! ajouta-t-il avec colère.

    Sagnah s'enfuit vers le camp se rendant invisible, elle ne craignait pas d'être poursuivie. Elle atteignit son wigwam, se rendit de nouveau visible et se prépara pour la noce.

    Lorsqu'elle fut prête, elle se mit près de l'entrée et, pensant à son lointain fiancé, elle se mit à chanter un beau refrain d'amour. Patitachekao arriva avec ses trois frères, anxieux de connaître sa réponse :

    • Sagnah, que dis-tu ce matin ?
    • Le festin se fera, la noce suivra, dit Sagnah.
    • Non, la noce se fera d'abord! dit le chef.
    • Pourquoi ne pas commencer par le festin ? dit Sagnah en souriant. Nous serions ensuite si joyeux et si bien disposés, et de bonne humeur pour la noce!

    Ils consentirent tous les quatre et à midi, on vint chercher Sagnah; tout était prêt... Les Géants étaient assemblés en dehors, pour le festin. De grandes chaudières d'eau bouillante avaient été préparées pour recevoir les morceaux de jambes et de bras des malheureux prisonniers. Les futurs mariés furent placés aux sièges d'honneur et les trois frères étaient auprès d'eux.

    Lorsque l'horrible cuisson fut terminée et que l'on commença à servir les mets, Sagnah eut un frisson de peur : « Si le sorcier ne venait pas ?... Qu'arriverait-il ? » Tout à coup, une clameur épouvantable retentit, la terre trembla et, au milieu de la stupeur générale, le sorcier apparut ! Dans chacune de ses mains il tenait une énorme masse de pierre. D'une voix semblable au roulement du tonnerre, il leur jeta ces terribles paroles :

    • Misérables mangeurs de chair humaine! Bien souvent je vous ai avertis ! Vous alliez encore faire un de vos horribles festins ! Écoutez-moi ! Mon pouvoir vous empêche de bouger, mais vous pouvez m'entendre... Jamais plus vous ne commettrez ce crime atroce! Ma malédiction va vous atteindre et ce sera pour toujours ! Votre tribu va être anéantie, vos wigwams détruits, la terre même où vous avez vécu va disparaître !

    Les Géants semblaient pétrifiés... tremblants de rage, ils étaient incapables de bouger et de crier.

    • Sagnah, continua le sorcier, hâte-toi de fuir ce camp maudit ! Cours, fuis ! En dehors de ces limites de malheur, tu trouveras du secours !

    Sagnah, s'enfuit, sans oser se retourner, et, en peu de temps, elle parvint à sortir du camp. Là, à sa grande joie, elle trouva son fiancé avec une troupe de guerriers. Il avait reçu, par un pic enchanté, un message du bon sorcier, après en avoir reçu un de Sagnah, de la même manière, quelque temps auparavant. La nuit suivante, une grande tempête se déchaîna et un terrible tremblement de terre ébranla cette partie du pays.

    Dans les villages des Montagnais, aucun dommage ne fut causé par la tempête, mais une quarantaine de milles plus loin, de grands changements avaient eu lieu. Le sorcier avait poursuivi de sa malédiction la perfide et cruelle nation des Géants. Là où Patitachekao avait vécu se dressait un rocher géant; là où était le wigwam de ses trois frères se dressait un autre rocher géant, à triple sommet et, au pied de ces rochers gigantesques, roulaient les masses fougueuses d'une rivière en colère, dont les flots semblaient recouvrir un abîme sans fond...

    La tribu des Géants, leurs wigwams, leurs villages n'existaient plus... tout avait disparu sous la malédiction du sorcier de la grande forêt.

    Environ un an plus tard, Sagnah et son mari se rendirent un jour dans cette partie du pays pour voir les transformations qu'avait opérées le tremblement de terre. Ils remontèrent en canot la nouvelle rivière et, comme ils passaient près du premier gros rocher se dressant comme un colosse en sentinelle dans la rivière, son fiancé dit :

    • Regarde, Sagnah !

    Et le rocher répéta :

    • Regarde, Sagnah !
    • Le chef des Géants ! murmura Sagnah à mi-voix.

    Puis, lorsqu'ils virent l'autre rocher avec le triple sommet, Sagnah dit :

    • Les trois frères !

    Et le rocher répéta :

    • Les trois frères!

    Leur canot glissait rapidement sur les eaux sombres de la rivière inconnue, et ils revinrent en sûreté dans leur village.

    • Il faudra appeler cette rivière « Sagnah », en souvenir de ta terrible aventure, dit le jeune chef.

    Ils vécurent heureux pendant bien des années. Leurs enfants apprirent l'histoire du rapt de leur mère par le chef d'une tribu maudite, et ils appelaient toujours la rivière qui provenait de cette époque, la rivière « Sagnah », comme leur père le leur avait appris.

    Plus tard, les colons français et les chasseurs appelaient cette rivière Sagnah ou Sagnay et, finalement, elle devint Saguenay, comme nous la nommons aujourd'hui. Mais, aucun de ces voyageurs ne savait que les deux énormes rochers, s'élevant à une hauteur de deux mille pieds au-dessus de la masse des eaux, étaient les chefs de la cruelle nation cannibale que le sorcier avait transformés en Géants de pierre.

    Même de nos jours, ils demeurent immuables et gardent à jamais les flots sombres du Saguenay, mais nous leur avons donné d'autres noms : nous les appelons le « cap Éternité » et le « cap Trinité ».





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