• Quels les toponymes liés aux mégalithes ?

    QUELS SONT LES TOPONYMES LIES AUX MEGALITHES ?

    De très nombreux toponymes sont dus à la présence d’anciens mégalithes aujourd’hui disparus mais la plupart d’entre eux passent inaperçus aux yeux du commun des mortels. Je vais essayer de répertorier ici la plupart de ces toponymes :

    Loup : Ce toponyme est très courant. On le trouve avant tout dans les deux toponymes fréquents  Chante loup (ou Canteloup ou Canteleu et même Chanteloube) et La fosse aux loups.

    On constate que Chanteloup est tout d’abord toujours situé au sommet d’une colline et qu’ensuite il est lié à la présence d’un cromlech. On en a un bel exemple à l’entrée de Cognac où les restes d’un ancien cromlech sont encore visibles. On peut expliquer l’étymologie du nom par le mot gaulois cantos qui désigne un cercle et lou qui semble être le nom d’une pierre levée en préceltique. Canteloup signifierait donc simplement cercle de pierres. Comme toujours la racine cante incompréhensible en français est devenue chante. Au passage je me permets de proposer une étymologie aux mots dérivés d’enchanter (enchanteur, enchantement, incantation et l’espagnol incanto) liés à ce fameux « cercle magique » utilisé dans les pratiques de magie.

    Il faut néanmoins noter que chanteloup ne se retrouve pas lié aux cromlechs situés en plaine. Il y a quelques années un chercheur avait proposé une supposée racine cante signifiant colline. Effectivement ces toponymes sont situés en haut d’une colline mais la racine gauloise cantos s’adapte aussi parfaitement à un cromlech. Alors il y a là encore un mystère à élucider…

    A l’inverse les Fosses au loup sont apparemment toujours situées dans une dépression. On en a encore un exemple à Saint-Jean d’Angély ainsi qu’à Aulnay de Saintonge où effectivement il est situé dans la partie la plus basse de toute la commune. On n’y trouve jamais de mégalithes reliques et j’en conclue qu’on devait soit y trouver des mégalithes de petite taille, faciles à récupérer pour différents usages, soit qu’ils étaient effectivement placés au fond d’une fosse aujourd’hui comblée. Mais fosse signifie peut-être simplement la zone la plus basse de l’endroit ? Fosse au loup a évolué parfois en Fosse à l’eau.

    Cette racine lou semble une évolution logique de lu tout comme cante est devenu chante car tout mot incompréhensible a été remplacé par un mot commun compris de tous. On sait que le dieu des mégalithiques était le soleil, c'est-à-dire la lumière et on retrouve cette racine dans le lux latin et dans tous les dérivés comportant cette racine lu (lumière, lueur, luciole, allumer, élucider, illuminer etc.…).

    A côté de chanteloup et de fosse aux loups on trouve un autre toponyme assez commun : gratteloup. Il y a un gratteloup près de Saint-Jean d’Angély. Ce toponyme ainsi que son pendant grattemoine rappelle l’emplacement d’un menhir aujourd’hui le plus souvent disparu contre lequel les femmes en mal d’enfant venaient se frotter le bas-ventre. La croyance populaire prêtait à ces menhirs la vertu d’engrosser une femme qui simulait un accouplement avec lui. Je suppose que la célèbre expression patoise saintongeaise fi de lou serait l’héritière de cette tradition qui a sans doute perduré jusqu’au haut moyen-âge. Je précise qu’en saintongeais le loup se prononce louc, avec un c final et non pas lou.

    Par ailleurs on peut trouver des toponymes très divers avec cette racine lou : le chemin du loup à Echarbot (canton d’Aulnay), les grattis du loup à Rouillac, le pas du loup à Sainte-Radegonde, le clône du loup à Pont-l’Abbé d’Arnoult ainsi qu’entre Saint-Sulpice d’Arnoult et Le Gua, la casse du loup à Corme-Royal, la maison du loup à Nieul-lès-Saintes, la motte au loup à Benon, le bois du loup etc.…  

    Moine : Ce toponyme est également le plus répandu avec loup. Son origine est claire. Il s’agit tout simplement de la transformation du mot gaulois meune désignant une pierre. Au fil du temps ce mot devenu incompréhensible a été transformé en moine. On le retrouve dans de nombreux toponymes : gratte moine (quartier de Saint-Jean d’Angély où l’on peut voir un mégalithe retaillé comportant des traces de frottement sur les bas côtés), le bois du moine, la Ville aux moines (village près de Saint-Jean d’Angély), le Breuil au moine entre Cherves et Sonnac, l’île aux moines dans le Morbihan, le bois du moine à Rouillac, les moines à Beurlay etc.…

    Ce toponyme a parfois évolué en aumône. Saint-Ouen les meunes aurait pu devenir Saint-Ouen les moines mais est devenu Saint-Ouen l’aumône. A Asnières, en banlieue parisienne, une fosse aux meunes (fosse aux loups) a été transformée en fossé à l’aumône. On trouve l’aumônerie à Loulay ainsi qu’à Verdille, la grande aumônerie à Saint-Georges de longue pierre, le fief de l’aumônerie à Saint-Jean d’Angély ainsi qu’à Chizé.

    Cette racine a donné les adjectifs  menaud, menard  et peut-être menu qui ont donné quelques toponymes comme le parmeneau à Saint-Georges de longue pierre (pare en patois signifie un parc) et Fond mesnard près de Crazannes, les mesnards à Salles d’Angles, le bois menus à Puyrolland.

    Chat : Ce toponyme est aussi assez répandu. On trouve la combe aux chats à Saint-Jean d’Angély, Paizay le chapt de l’autre côté de la forêt d’Aulnay, chat gras à Javrezac. Ce mot est l’un des très rares mots connus de la langue des mégalithiques. Cette langue monosyllabique non indo-européenne a été baptisée préceltique et on n’en connait que trois ou quatre mots (cu qui désigne une colline qui a donné le village Le cuq de l’autre côté de la forêt d’Aulnay au sein duquel s’élève effectivement une belle petite colline, suc qui désigne une montagne, dra qui désigne une rivière). Cha signifie simplement une pierre en préceltique. Ce mot a engendré le mot chail en patois saintongeais qui signifie également une pierre et que l’on retrouve dans certains toponymes. Le chail est le nom d’un hameau entre Cherbonnières et Loiré sur Nie, les chails à côté d’Ecurat et plusieurs Bois du chail entre Ecurat et Port d’Envaux. Prissé la charrière est aussi l’héritière de cette racine ancienne. Charrière a donné ensuite carrière.

    Il semble également que ce mot a donné les adjectifs chaillau et chaillou (le pas chaillot entre Mons et Mesnac, le chaillot à Sonnac, le bois chaillot à Germignac).

    A Saint-Martin de Juillers existe La fosse aux chiens. Ce toponyme est curieux, hérité d’une fosse aux loups changée en fosse aux chas puis en fosse aux chiens car les habitants comprenaient mal l’existence d’une fosse aux chats et préféraient une fosse aux chiens. C’est la transformation classique d’un toponyme peu glorieux par un autre plus valorisant, ainsi des Bois l’abbé ont été transformés en Bois l’évêque.

    Curieusement on trouve un gratte chien à Gourvilette, aboutissement d’un gratte cha.

    Garne : Cette racine préceltique n’est pas très claire mais semble bien liée aux mégalithes. On la trouve parfois sous la forme carne. Elle semble être à l’origine du nom de la tribu gauloise des Carnutes qui a donné le toponyme Chartres. Elle a donné l’adjectif garnaud que l’on retrouve dans Poursay Garnaud (village près de Saint-Jean d’Angély) et dans le bois garnaud à Saint-Georges de longue pierre dans lequel on trouve effectivement des mégalithes. Il y a un autre bois garnaud à Fenioux. Il existe aussi un bois de la garnaude près de Bernay-Saint-Martin.

    Quand je cherchais le grand menhir d’Avrillé en Vendée je tournais en rond n’ayant aucune idée de son emplacement quand je suis tombé sur un lieu-dit appelé la garnerie. J’ai  immédiatement pensé que j’étais tombé au bon endroit et effectivement le menhir était là juste à côté. Il n’y a donc aucun doute pour lier cette racine garne aux mégalithes. Notons qu’il existe aussi un hameau la garnerie près de Cherves-Richemont.

    Le mot cairn, désignant un petit amas de pierres, provient certainement  de cette racine mégalithique celtisée par les Gaulois.

    Borne :  De nombreux mégalithes ont été assimilés à des bornes. Ainsi de nombreux toponymes la borne sont directement liés à la présence d’un mégalithe. Dans le bois d’Essouvert à Loulay se trouve les trois bornes et en bordure du même bois la borne. Il y a aussi un Fief de la borne près de Matha, un bois de la grande borne aux Nouillers ainsi qu’à Rouillac.

    Pali :  Ce mot semble désigner un menhir. On trouve ainsi le menhir le paly près de Fontainebleau et la commune Trois palis près d’Angoulême. Curieusement il s’agit encore de trois mégalithes peut-être placés pour constituer un triangle de Pythagore ?

    Près de Fragne un bois se nomme les grands palis, sans aucun doute des menhirs imposants aujourd’hui disparus comme 99% des mégalithes qui devaient être si nombreux si l’on se réfère aux centaines de toponymes qui s’y rapportent..

    Roche, roc : Les toponymes avec roche sont nombreux il peut évidemment s’agir parfois de rocher naturel mais aussi d’un mégalithe. Notons toutefois qu’en général les rochers naturels sont l’émergence d’une roche profondément insérée dans le sol et ne disparaissent pas ce qui n’est pas le cas des mégalithes qui ont été presque toujours débités pour construire des bâtiments.

    A Saint-Pierre de Juillers la mère au roc est un toponyme bien mystérieux.

    Pierre : Il existe quelques toponymes avec le mot pierre souvent liés à un mégalithe comme la grosse pierre à Réparsac et à Chambon, le bois de la grosse pierre à Beurlay ou la pierre percée à Chadon mais surtout des toponymes Saint-Pierre qui, eux, sont quasiment toujours liés à un mégalithe qui était encore vénéré au moyen-âge (plusieurs conciles ont été consacrés à la lutte contre ces anciennes traditions d’honorer des pierres). Le magnifique menhir de Pincenelle (près d’Aulnay de Saintonge) se situe précisément sur le chemin de Saint-Pierre. Il y a même un Saint-Pierre en plein milieu des champs à Juillac le Coq.

    Les toponymes pierrefite, pierre levée, pierrefiche etc. sont évidemment liés à un menhir.

    Clou : Clou semble être aussi un mot pour désigner une pierre levée. Saint-Cloud en est très certainement un bon exemple. On trouve les cloux  à Saint-Julien de l’Escap, le grand clou et le petit clou entre Saint-Pierre de Juillers et Courgeon, le clou à Gensac la Pallue, le champ du clou à Flamencherie.

    Il existe un toponyme avec clône très mystérieux. On trouve à la fois des clône du loup et les trois clônes. Or ces trois clônes me font penser aux trois bornes et à Trois palis. Clône est-il un dérivé de clou ? Peut-être.

    Bernard : Ce toponyme n’est pas forcément lié aux mégalithes mais je profite de l’occasion pour le signaler car il s’agit d’un adjectif au sens non encore élucidé. Un important dolmen vendéen s’appelle la roche Bernard mais il y a pas mal d’autres toponymes avec cet adjectif (la croix Bernard à Siecq, Chateaubernard, etc.…). En charentais la berne est la bordure d’un chemin et j’avoue ne pas avoir réussi à trouver un lien entre la berne charentaise et Bernard.

    Il y a un toponyme les bernardes à Verdille.

    Enfin j’en profite aussi pour rappeler l’adjectif labé (toponyme l’abbé) sur lequel je me penche depuis quelques années et toujours non expliqué (un mégalithe dans le bois de La Villedieu s’appelle la pierre l’abbé). Il y a donc encore des énigmes à élucider dans la recherche sur les toponymes.

    On constate donc que les toponymes issus de la présence d’un mégalithe sont extrêmement nombreux mais quasiment toujours ignorés. J’espère que ce petit compte rendu vous aura permis d’y voir un peu plus clair.

    JM Hermans

    Septembre 2009

    Le blog de Jean-Michel Hermans

    Photos Florence Nalin

    (La Vallée, Carnac, Locmariaquer)


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