• Le bestiaire dans l’art roman

    Christian GensbeitelD’après la conférence de
    Christian Gensbeitel,

    A l’Eldorado de Saint-Pierre d’Oléron,
    dans le cadre de l’Université du Temps Libre de Marennes-Oléron

    le lundi 9 janvier 2012

    La pierre sculptée d’images est une des caractéristiques des églises romanes. Les maçons ont monté les murs ; les charpentiers ont assemblé les toitures ; les sculpteurs ont la mission d’évoquer des thèmes et de raconter des histoires, grâce aux images de pierre.

    Ces images ne venaient pas de la seule imagination du sculpteur. Elles étaient principalement inspirées d’œuvres écrites gréco-latines, on les trouvait dans des ouvrages copiés, recopiés, transcrits, et souvent (mais pas toujours) enluminés.

    Nous allons reprendre les grandes lignes de la conférence de Christian Gensbeitel, avec quelques illustrations.

    Christian Gensbeitel nous précise que, pour les bestiaires, l'ouvrage de base est :

    • « Physiologus » (= étude de la nature), qui est un recueil de contes animaliers - avec une morale chrétienne - apparemment rédigés en grec à Alexandrie au IIème, IIIème ou IVème siècle de notre ère. Une version célèbre est le Physiologus de Berne, rédigé au IXème siècle pendant le règne de Louis Ier le Pieux.

    D’autres ouvrages importants :

    • « Etymologiae » d’Isidore de Séville (au VIIème siècle). Œuvre divisée en 20 livres, citant 154 auteurs, aussi bien païens que chrétiens.

    • « De Rerum Naturis » (aussi connu sous le nom de « De Universo ») de Raban Maur (fin IXème siècle). Encyclopédie de 22 livres, en partie inspirée des Etymologies.

    • « Liber monstrorum de diversis generibus » (anonyme du VIIIème siècle). C’est un inventaire des excès.

    Fallait-il sculpter les pierres ? Bernard de Clairvaux vitupère contre ce qu’il voit dans les églises à cause du IIème commandement : «  Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. »

    Quoi qu’il en soit, les sculpteurs s’en sont donné à cœur joie pendant moult siècles !

     

    Les animaux

    LE LION

    Saint-Pierre d'Aulnay

    Son rôle symbolique est ambigu et interchangeable. (C’est la bête le plus souvent représentée, de pair avec l’oiseau.) Son sens est positif ou négatif : c’est le Christ ou le Malin. Nous n’avons jamais le mode d’emploi pour être sûr de l’interprétation à donner. Exemples :

    • Saint-Sernin à ToulouseLion, cathédrale de Bâle
    • Sainte-Radegonde à Poitiers
    • Saint-Sulpice à Marignac (près de Pons)
    • Sainte-Richarde à Andlau (Bas-Rhin)

    « Daniel dans la fosse aux lions » préfigure le Christ. Exemples :

    • Saint-Pierre à Aulnay
    • Cathédrale Saint-Pierre à Angoulême

    Le lion peut représenter le Mal :

    • A la Sauve-Majeure : les hommes sont à l’envers, croqués par deux lions.
    • Abbatiale Notre-Dame à Saintes

    En revanche Saint-Marc est représenté sous l’aspect d’un lion : auréole, ailes emplumées et livre.

    • Cathédrale de Jaca en Aragon.

     

    L'Ours d'AndlauL’OURS

    La connotation était très positive jusqu’à l’ère chrétienne, négative ensuite.

    • Sainte-Richarde à Andlau

     

     

     

    LES OISEAUXOiseaux buvant dans la coupe à Aulnay

    Leur valeur est positive.

    • Corme-Ecluse : oiseaux qui se font face en buvant dans une coupe. Ce sont les âmes pures qui viennent s’abreuver au sang du Christ (le roi du ciel).

    Races d’oiseaux :

    • L’aigle à Haimps

    • Le phénix à Notre-Dame de Saintes (on se réfère à la tradition littéraire)

    • Le pélican

    • La chouette à Saint-Thomas de Conac ; à Saint-Andèche (Saulieu, Côte-d’Or). La connotation est négative, à l’inverse de la connotation antique.

    • Etres à corps d’oiseaux à Saintes

    Eléphants à Surgères

    LES ELEPHANTS

    C’est la force tranquille !

    • Saint-Pierre d’Aulnay. (Ils sont un peu bizarres des fois, avec leurs petites oreilles et leurs pattes crochues !)

    LE CHAMEAU

    La sobriété : c’est positif !

    • Andlau
    • Saint-Gilles du Gard


     

    Gorille à Rétaud

     

     

    LE SERPENT

    C’est le Mal rampant

    • Saint-Mandé sur Bridoire (Chte-Maritime). Avec la prostituée, reconnaissable à sa longue chevelure et aux rayures de son vêtement.
    Dromadaire à Surgères

    LE SINGE

    Donne une image négative : les excès de l’homme

     

     

    Serpent à Melle, Saint-Hilaire

    Il y a aussi les relations complexes entre les espèces :

    • A Saint-Eutrope : hommes + lions + oiseaux

     

    Les monstres hybrides

    Saint-Augustin distinguait les êtres « rationalia et mortalia », proches des hommes, et les « magis besta quam homines », plus proches des bêtes. Il était alors nécessaire de discuter de l’existence de l’âme chez ces êtres-là.

    Corme-Ecluse
    Bords
    Sainte-Gemme

    Démon antropomorphe ? Aulnay-de-Saintonge

    LES DEMONS

    [Rappel : symbolon = ce qui rassemble / diabolon = ce qui divise]

    Le poil est l’attribut du diable !

    LES MONSTRES ANTHROPOMORPHES.

    • Notre-Dame de Souillac
    • Sainte-Foy à Conques
    • Saint-Eutrope à Saintes

    LES MONSTRES PAR DEVIANCE

    Ane musicien et compagnie, Aulnay-de-Saintonge

    Les animaux musiciens (on se moque un peu des clercs !...) :

    • A Cantorbéry
    • A Nantes
    • A AulnayCorme-Ecluse

     

    LES MONSTRES PAR DEFORMATION OU MALFORMATION

    (Ils font partie de peuples qui viennent de contrées lointaines.)

    Exemples (notamment à Vézelay) :

    • les Ethiopiens avec de grands nez.
    • Les Panotii (les Panotéens) aux grandes oreilles.
    • Les pygmées.

    (Ce sont des Humains mais pas tout à fait des Humains. Cela entretient des controverses...)

     

     

     

    LES MONSTRES HYBRIDES A COMPOSANTE HUMAINE

    Monstre hybride et Cie, Aulnay-de-Saintonge

    Corme-RoyalLes sirènes ailées et les harpies :

    • Notre-Dame de… (Indre-et-Loire)
    • Saint-Pierre à Aulnay
    • Saint-Pierre à Haimps
    • Matha

    Les sirènes poissons :

    • Saint-Eutrope à Saintes
    • Brioude (Lot-et-Garonne)
    • Saint-Pierre à Aulnay

    Sirène poisson à Surgères

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les centaures :Archer centaure à Corme-Ecluse

    • Mozac (Puy-de-Dôme
    • Saint-Pierre d’Aulnay. Archer centaure.

    Sphynx ou sphynge :

    • Chauvigny

    Les cynocéphales :

    • A Vézelay
    • A Aulnay

     

    Corme-Ecluse
     

    LES HYBRIDES EN ASSEMBLAGE

    Mareuil-sur-Lay

    Le basilic : tête de coq et queue de serpent.

    Le dragon et ses variantes :

    • Aulnay
    • La Sauve-Majeure
    • Saint-Hilaire à Melle
    • Varaize
    • Chauvigny

    Les griffons :

    • Aulnay
    • Parthenay-le-Vieux

    Etc… !

    Griffon à Melle, église Saint-Hilaire
    Dragons à Chermignac
    Griffons à Aulnay-de-Saintonge, église Saint-Pierre

    Sur la voussure supérieure du portail sud de Saint-Pierre d’Aulnay, on peut voir toutes les catégories de péché. Exemples : l’âne qui joue de la lyre, le cyclope, la chouette, l’archer centaure, un personnage à trois pieds, des sirènes oiseaux, des sirènes poissons.

    Saint-Pierre d'Aulnay

    QUESTIONS

    Et les tortues ?Tortue, église de Champagne

    Il n’y a pas de tortues. [Heu... à Champagne ?...] Tout ce qu’on voit n’est pas forcément roman. Le XIXème siècle a eu quelques rêveries et il est allé chercher bien loin ses références, alors que l’héritage est avant tout grec, romain ou au plus loin autour des rives de la Méditerranée.
     
    La liberté dans la création ?

    Il y a un toujours un commanditaire pour un projet précis. Ensuite le sculpteur interprète et adapte au volume qu'il a à sculpter.

    Messages ?

    Ce n’est pas vraiment un livre d’images pour tout le monde. Les images s’adressent d’abord aux lettrés.

    Alors les images ?

    Le côté didactique est très important.
    Il faut se méfier des images mais elle peuvent être utiles à l’éducation. (Voir les libri carolini)

    Le clergé ?

    A la fin du XIème siècle, le clergé se pose comme intermédiaire entre Dieu et les hommes et c’est l’Eglise qui est le lieu où cela se passe.

    Les marges ?

    La notion de marges : les parties de l'église moins accessibles. Les illustrations qu'on y trouve sont aussi codifiées : on peut installer ici des sculptures qu'on ne peut pas installer ailleurs (mais ce n'est pas à l'insu du commanditaire).

    Le sens ?

    Les images peuvent changer de sens. C’est le contexte qui renseigne.

    Quel sens ?

    D'autres images et des liens viendront s'ajouter à cet article.

    AlCaribou


  • UN ASCENSEUR SUR LE PONT DE MARTROU

    Le pont de Martrou est le dernier pont transbordeur français, Il fait de la résistance à Rochefort. Martrou signifie « trou de mer », bien que ce géant d’acier enjambe du haut de ses 50 mètres un fleuve, la Charente. 50 mètres de haut pour laisser passer les mâts des bateaux.

    Ferdinand Arnodin est né en 1845 à Sainte-Foy-lès Lyon, dans le Rhône. Son père, spécialiste des ponts métalliques, était chef de chantier dans la compagnie Seguin. Enfant, le jeune Ferdinand observe la nature et les chantiers dans lesquels son père travaille. Il deviendra ensuite inspecteur des ouvrages de la Société Générale des Ponts à Péage (ex compagnie Seguin frères) avant de monter sa propre entreprise de constructions métalliques. S'inspirant des cordages des mariniers, il invente un câble plus résistant à torsion alternative, et la poutre dite « Arnodin ».

     

    On est en pleine révolution industrielle. Le métal est à la mode. Gustave Eiffel vient d’ériger sa célèbre tour pour l’exposition universelle de Paris.

    Arnodin sera le concepteur de nombreux ponts métalliques, et on le considère comme l’inventeur des ponts à transbordeur dès 1888. On lui attribue celui de Bilbao en 1893, construit en collaboration avec l’ingénieur espagnol Alberto de Palacio (les deux hommes, sans doute complices, ont d’ailleurs déposé leur brevet le même jour à la même heure chacun dans son pays)...

    ... puis les ponts de : Bizerte (Tunisie, 1898) qui sera d’ailleurs démonté puis remonté à Brest...

    Rouen (1899)...

    Rochefort-Martrou (1900)...

    Nantes (1903)...

    Marseille (1905)...

    Newport (Pays de Galles, 1906) qui ressemble étrangement à celui de Rochefort...

    Bordeaux (inachevé, 1910). Il en reste toujours les piles, témoins d'un projet inachevé :

    Le principe du pont transbordeur.

    On devrait plutôt dire à transbordeur. « Le principe du pont transbordeur consiste à faire croiser une voie fluviale fréquentée par des navires à fort tirant d'air (voiliers notamment) par une voie terrestre fréquentée par des véhicules, et ceci dans une région où le relief plat ne facilite pas l'implantation d'un viaduc classique. La nacelle du pont transbordeur est en fait une sorte de bac suspendu en l'air, au-dessus de la rivière, par des haubans qui le relient à un chariot mobile sur un tablier placé très haut ».

    (Source : http://fr.structurae.de/structures/data/index.cfm?ID=s0000109)

    La notion de  « transbordeur » s’applique dès lors qu’il y a transfert, par des moyens mécaniques - bateau, téléphérique etc., de marchandises ou de passagers,  d’une rive d’un cours d'eau ou d'un fleuve vers l'autre bord. Les ponts à transbordeur, conçus à la fin du XIXème siècle répondirent à plusieurs impératifs, là où d’autres moyens de communication (ponts traditionnels, tunnels, etc.) avaient rapidement trouvé  leurs limites :

    • permettre la traversée d’estuaires ou de passes maritimes soumis à des conditions climatiques difficiles.
    • Autoriser le passage de bateaux de grande taille  dont les mâts pouvaient dépasser plusieurs dizaines de mètres.

    Un pont transbordeur est un pont enjambant un port, un canal ou un fleuve, pour faire passer les véhicules et les personnes d'une rive à l'autre dans une nacelle suspendue à un chariot roulant sous le tablier. La traction, par câble commandé depuis la rive, fut d'abord assurée par une machine à vapeur puis, très vite, par un moteur électrique. Le tout est monté et reste démontable, à la façon d’un immense Meccano.

    Enclavée dans l'un des méandres de la Charente, la ville de Rochefort ne s'ouvrait sur la région sud de Marennes et de l'île d'Oléron que par la passe de Soubise.

    A Rochefort, le bac qui relie Rochefort au village de Martrou, du côté d’Échillais, ne suffit plus. Il reste encore des traces des cales de ce bac :

    Côté Rochefort…

    Vu d'en haut...

    Côté Échillais…

    Et vu d'en haut...

    Rochefort est un arsenal maritime ; il faudra donc gérer à la fois le flux routier, de plus en plus dense, et la navigation maritime. Un concours avait été organisé pour résoudre le problème du franchissement de la Charente assez large à cet endroit. Ferdinand Arnodin obtenu le premier prix Des projets divers de ponts suspendus ou tournants avaient alors été évoqués. On a même envisagé un tunnel sous la Charente. Quand on sait qu’à cet endroit la vase s’enfonce jusqu’à 50 mètres de profondeur, on imagine la difficulté que cela aurait représenté, sans parler du coût de l’opération : de six millions de francs de l’époque contre 586.500 francs pour le Pont Transbordeur qui a finalement été réalisé.

    C’est finalement le projet de Ferdinand Arnodin qui est retenu en 1887. Il s’agit d’un pont à transbordeur, le transbordeur étant la nacelle. Les pylônes culminent à 60 mètres de haut, le tablier à 50 mètres des plus hautes eaux (enfin, quand une tempête comme Xynthia ne s’en mêle pas…).

    La nacelle mesure 11 mètres sur 14 mètres. Elle peut accueillir :


    • 150 piétons
    • ou 9 voitures attelées
    • ou 12 voitures automobiles
    • ou 2 autobus

    La traversée dure 4 minutes, contre 75 secondes à l’époque (mais l’embarquement était plus long). Le prix de la traversée est de 1 € 30 pour l’aller simple, 2 € 20 pour l’aller-retour.

    HISTORIQUE DU PONT DE MARTROU

    • 1887 : Dépôt du brevet de pont transbordeur par Ferdinand Arnodin.
    • 1898 : Début des travaux de construction du pont pour remplacer le bac devenu insuffisant pour assurer le trafic (à noter qu’il y avait un bac entre Port-Neuf à Rochefort et Échillais, un autre entre Rochefort et Soubise, plus en aval)
    • 1900 : Mise en service du pont transbordeur le 29 juillet
    • 1900 : 27 mois après le début des travaux, inauguration du pont.
    • 1912 : L'aviateur Lucien Deneau passe sous le tablier avec son avion.
    • 1927 : Électrification de la nacelle, qui fonctionnait jusque-là à la vapeur.
    • 1933 : la traversée, gratuite jusque-là, devient payante.
    • 1933 - 1934 : Les poutres du tablier et la suspension sont remplacées et modifiées.
    • 1960 : le câblage est refait (câbles porteurs et câbles de retenue)
    • 1966 : Le pont sert de décor au film de Jacques Demy «les demoiselles de Rochefort". Jacques Demy, Nantais, avait connu de transbordeur de Nantes, parti à la ferraille en 1938. Le réalisateur aurait voulu que le pont soit repeint en rose, ce qui lui fut refusé.
    • 1967 : Fin de service. Le pont transbordeur est abandonné au profit d'un pont à tablier levant inauguré le 30 avril
    • 1976 : Le pont est classé Monument historique 30 avril
    • 1990 - 1994 Travaux de réhabilitation du pont transbordeur.
    • 1991 : Mise en service du viaduc de la Charente et destruction du pont à travée levante. Un projet de restaurant panoramique est abandonné parce que jugé trop onéreux (et peut-être trop exposé à Éole qui s’en donne à cœur joie à cet endroit-là). Le pont à travée levante est démonté en juillet 1991. Ce qu’il en reste côté Échillais a été réaménagé en belvédère.
    • 1994 : Fin de la réhabilitation du pont transbordeur et réouverture uniquement aux piétons et aux cycles (ou exceptionnellement à des voitures anciennes ou hippomobiles).
    • 2000 : Le pont fête ses 100 ans. Une fête grandiose va illuminer le transbordeur de mille feux.
    • 2009 : début de la restauration des têtes de pylône et des selles de câbles.

    En 1931, on a recensé le passage de :

    • 19 000 piétons
    • 300 000 cyclistes (hommes + vélo)
    • 8 000 bêtes
    • 23 000 motos
    • 6 000 camions
    • 85 160 voitures automobiles
    • 18 000 camions
    • 5 000 autobus

    Le pont transbordeur fut en activité jusqu’en 1967. On dit que lorsqu’il était fermé, certains n’hésitaient pas à grimper jusqu’au tablier, le vélo sur l’épaule, afin de traverser la Charente.

    Le pont transbordeur fut remplacé en 1967 par un pont à travée levante, inauguré par Michel Debré. Ce pont était fermé à la circulation automobile pour laisser le passage à la navigation maritime durant vingt minutes chaque marée, ce qui entraînait des embouteillages parfois sur plusieurs kilomètres et durant plusieurs heures, surtout lorsque le tablier se coinçait, mémoire de cigogne ! Il fallait alors faire le tour par le pont de Saint-Clément sur la route de Saintes.

    En 1991, pendant trois mois, Rochefort s’est même vu doté de trois ponts…

    Le viaduc, construit dans la foulée du pont de l’Ile de Ré par la Société Bouygues, enjambe la Charente à 30 mètres au-dessus des plus hautes eaux. Il voit passer chaque jour 40 000 véhicules en basse saison, 44 000 en saison estivale (capacité maximale supportée). Ce viaduc, inauguré il y a moins de vingt ans, voit donc déjà ses limites…

    À sa fermeture en 1967, le pont transbordeur était promis à la ferraille. Sur le haut de celui de Marseille (que les Allemands avaient essayé de faire sauter en 1944 pour boucher le port, et qui s’écroula complètement en 1945 suite à sa mise à feu),  il y avait un restaurant de poissons où la bouillabaisse et les langoustes étaient au menu. Ceux de Nantes, Rouen, Bordeaux, Cherbourg avaient d’ores et déjà été démontés.

    En 1976, le pont de Martrou est classé monument historique. Il est restauré entre 1990 et 1994, date à laquelle il reprend du service, mais uniquement pour les piétons et cyclistes.

    Actuellement, trois nacelliers sont chargés de transborder les voyageurs. Récemment, Mallory Mathurin est arrivée, première et unique nacellière dans ce métier d’hommes.

    Le transbordeur est en cours de restauration. Il faut gravir 300 marches (comme la Tour de Pise, Big-Ben ou encore l’Arc de Triomphe pour avoir une idée), pour accéder au sommet du tablier.

    Un bel ascenseur rouge et blanc a donc été installé à gauche du pylône côté Échillais.

    Les travaux commencés en janvier étaient prévus pour environ six mois et se terminer en juillet afin de renforcer le tablier et les suspentes. Au départ, les haubans (verticaux) étaient obliques. Les têtes de pylône et les selles sur lesquelles les câbles reposent avaient besoin d’une sérieuse restauration. Elles supportent l’équilibre du pont et reposent sur neuf rouleaux qui subissent le vent, le sel, les différences de température. Ces rouleaux, de 68 mm de diamètre et d’un mètre de longueur, pèsent 60 kg.

    Ces pièces d’origine (110 ans) étaient attaquées par la corrosion et finissaient pas bloquer le système. On les nettoie à la brosse et ils seront protégés par un mortier de calage de haute performance pour les protéger d’une nouvelle corrosion. Ce nouveau mortier a la particularité de ne pas rétrécir en séchant et de résister à la corrosion. On le dit passivant. Il est capable de supporter 1 000 tonnes au cm².

    31 mars 2010 – 08h00 : un « coup de feu » retentit côté Rochefort, au massif d’ancrage. La nouvelle tombait dans la presse le 1er avril et on a pu croire à un super poisson d’Avril : Le pont de Martrou risquait de s’effondrer, et un câble capable de couper une maison en deux se balançait dans les airs. Mais ne n’était pas un poisson ! Une pièce de 15 kg (appelée « épingle » sans doute en raison de sa forme rappelant celle d’une épingle à nourrice), sous une tension de 22 tonnes, supportant le câble le plus haut, vient de se casser.

    La pièce cassée est propulsée dans l’air et s’enfonce profondément dans la terre un peu plus loin. Les six familles résidant sur place sont évacuées le temps de sécuriser la zone (sauf deux résidants qui devront signer une décharge). De gros étaux sont installés. Les treuils supportent 35 tonnes.

    Les 23 autres attaches sont donc en cours de contrôle, des deux côtés de la Charente. Seuls les riverains sont autorisés à approcher le secteur du chantier. Il faudra attendre au moins six semaines avant de pouvoir reprendre les travaux.

    On espère toutefois pouvoir rouvrir le transbordeur le 24 juin comme initialement prévu, au moins pour le temps de saison estivale.

    La Société Baudin-Châteauneuf spécialiste des ponts suspendus, mais aussi des éoliennes et de l’entretien des ascenseurs de la Tour Eiffel est chargée des travaux. La petite histoire veut que Basile Baudin, ingénieur travaillant pour Arnodin, ait racheté son entreprise. À la mort de Ferdinand Arnodin en 1924, Basile Baudin, fabriquant de charpentes métalliques (pylônes, grues…), reprend la construction des ponts.

    La nacelle d’origine a été dynamitée par les Allemands en 1945 et tombe dans l’eau. Elle est refaite en 1945, puis abandonnée en 1967 à la fermeture du transbordeur. Trop rouillée, elle sera démontée et refaite au moment de la restauration à l’identique de celle de 1900. Il s’agit donc de la troisième nacelle. Elle est empruntée à 95 % par les touristes, à 5 % par la population locale (échillaisiens voulant faire leurs courses sur Rochefort, collégiens souhaitant rentrer chez eux à vélo sans avoir à monter sur le viaduc).

    Le pont subit actuellement un traitement anticorrosion. En ce moment est menée une campagne de mise en peinture des entrecroisements.

    Le pont transbordeur appartient à l’État ; il est géré par la DRAC (direction régionale des affaires culturelles) qui en a donné la gestion à la Communauté du Pays Rochefortais. Les travaux sont payés par l’État et leur coût est équivalant à celui de construction d’un rond-point. L’entretien courant est fait par la ville de Rochefort, tous les lundis et jeudis matins. Les Bâtiments de France interviennent également.

    Sur chaque rive les anciennes cales du bac sont toujours visibles au pied du pont transbordeur. La Maison du Transbordeur, côté Échillais, était un dépôt de marchandises faisant face à un relais de poste, aujourd’hui racheté par un particulier.

    Quel avenir pour le pont transbordeur ?

    Dans un premier temps, les visites costumées devraient reprendre tous les jeudis à partir de juin (sous réserve de réouverture durant la saison estivale) avec départ de la Maison du Transbordeur à Échillais et arrivée à Rochefort à la guinguette du transbordeur.

     Classement au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO :

    Il reste 8 ponts transbordeurs de par le monde. Le pont de Bilbao est déjà classé depuis 2006 au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Un projet est de classer tous ces ponts transbordeurs. 

    Flonigogne

     

    PS : Un article pour le 20e anniversaire du viaduc dans l'Hebdo de Charente-Maritime :

    "Rochefort - Vingt ans et en pleine forme"


  • QUELS SONT LES TOPONYMES LIES AUX MEGALITHES ?

    De très nombreux toponymes sont dus à la présence d’anciens mégalithes aujourd’hui disparus mais la plupart d’entre eux passent inaperçus aux yeux du commun des mortels. Je vais essayer de répertorier ici la plupart de ces toponymes :

    Loup : Ce toponyme est très courant. On le trouve avant tout dans les deux toponymes fréquents  Chante loup (ou Canteloup ou Canteleu et même Chanteloube) et La fosse aux loups.

    On constate que Chanteloup est tout d’abord toujours situé au sommet d’une colline et qu’ensuite il est lié à la présence d’un cromlech. On en a un bel exemple à l’entrée de Cognac où les restes d’un ancien cromlech sont encore visibles. On peut expliquer l’étymologie du nom par le mot gaulois cantos qui désigne un cercle et lou qui semble être le nom d’une pierre levée en préceltique. Canteloup signifierait donc simplement cercle de pierres. Comme toujours la racine cante incompréhensible en français est devenue chante. Au passage je me permets de proposer une étymologie aux mots dérivés d’enchanter (enchanteur, enchantement, incantation et l’espagnol incanto) liés à ce fameux « cercle magique » utilisé dans les pratiques de magie.

    Il faut néanmoins noter que chanteloup ne se retrouve pas lié aux cromlechs situés en plaine. Il y a quelques années un chercheur avait proposé une supposée racine cante signifiant colline. Effectivement ces toponymes sont situés en haut d’une colline mais la racine gauloise cantos s’adapte aussi parfaitement à un cromlech. Alors il y a là encore un mystère à élucider…

    A l’inverse les Fosses au loup sont apparemment toujours situées dans une dépression. On en a encore un exemple à Saint-Jean d’Angély ainsi qu’à Aulnay de Saintonge où effectivement il est situé dans la partie la plus basse de toute la commune. On n’y trouve jamais de mégalithes reliques et j’en conclue qu’on devait soit y trouver des mégalithes de petite taille, faciles à récupérer pour différents usages, soit qu’ils étaient effectivement placés au fond d’une fosse aujourd’hui comblée. Mais fosse signifie peut-être simplement la zone la plus basse de l’endroit ? Fosse au loup a évolué parfois en Fosse à l’eau.

    Cette racine lou semble une évolution logique de lu tout comme cante est devenu chante car tout mot incompréhensible a été remplacé par un mot commun compris de tous. On sait que le dieu des mégalithiques était le soleil, c'est-à-dire la lumière et on retrouve cette racine dans le lux latin et dans tous les dérivés comportant cette racine lu (lumière, lueur, luciole, allumer, élucider, illuminer etc.…).

    A côté de chanteloup et de fosse aux loups on trouve un autre toponyme assez commun : gratteloup. Il y a un gratteloup près de Saint-Jean d’Angély. Ce toponyme ainsi que son pendant grattemoine rappelle l’emplacement d’un menhir aujourd’hui le plus souvent disparu contre lequel les femmes en mal d’enfant venaient se frotter le bas-ventre. La croyance populaire prêtait à ces menhirs la vertu d’engrosser une femme qui simulait un accouplement avec lui. Je suppose que la célèbre expression patoise saintongeaise fi de lou serait l’héritière de cette tradition qui a sans doute perduré jusqu’au haut moyen-âge. Je précise qu’en saintongeais le loup se prononce louc, avec un c final et non pas lou.

    Par ailleurs on peut trouver des toponymes très divers avec cette racine lou : le chemin du loup à Echarbot (canton d’Aulnay), les grattis du loup à Rouillac, le pas du loup à Sainte-Radegonde, le clône du loup à Pont-l’Abbé d’Arnoult ainsi qu’entre Saint-Sulpice d’Arnoult et Le Gua, la casse du loup à Corme-Royal, la maison du loup à Nieul-lès-Saintes, la motte au loup à Benon, le bois du loup etc.…  

    Moine : Ce toponyme est également le plus répandu avec loup. Son origine est claire. Il s’agit tout simplement de la transformation du mot gaulois meune désignant une pierre. Au fil du temps ce mot devenu incompréhensible a été transformé en moine. On le retrouve dans de nombreux toponymes : gratte moine (quartier de Saint-Jean d’Angély où l’on peut voir un mégalithe retaillé comportant des traces de frottement sur les bas côtés), le bois du moine, la Ville aux moines (village près de Saint-Jean d’Angély), le Breuil au moine entre Cherves et Sonnac, l’île aux moines dans le Morbihan, le bois du moine à Rouillac, les moines à Beurlay etc.…

    Ce toponyme a parfois évolué en aumône. Saint-Ouen les meunes aurait pu devenir Saint-Ouen les moines mais est devenu Saint-Ouen l’aumône. A Asnières, en banlieue parisienne, une fosse aux meunes (fosse aux loups) a été transformée en fossé à l’aumône. On trouve l’aumônerie à Loulay ainsi qu’à Verdille, la grande aumônerie à Saint-Georges de longue pierre, le fief de l’aumônerie à Saint-Jean d’Angély ainsi qu’à Chizé.

    Cette racine a donné les adjectifs  menaud, menard  et peut-être menu qui ont donné quelques toponymes comme le parmeneau à Saint-Georges de longue pierre (pare en patois signifie un parc) et Fond mesnard près de Crazannes, les mesnards à Salles d’Angles, le bois menus à Puyrolland.

    Chat : Ce toponyme est aussi assez répandu. On trouve la combe aux chats à Saint-Jean d’Angély, Paizay le chapt de l’autre côté de la forêt d’Aulnay, chat gras à Javrezac. Ce mot est l’un des très rares mots connus de la langue des mégalithiques. Cette langue monosyllabique non indo-européenne a été baptisée préceltique et on n’en connait que trois ou quatre mots (cu qui désigne une colline qui a donné le village Le cuq de l’autre côté de la forêt d’Aulnay au sein duquel s’élève effectivement une belle petite colline, suc qui désigne une montagne, dra qui désigne une rivière). Cha signifie simplement une pierre en préceltique. Ce mot a engendré le mot chail en patois saintongeais qui signifie également une pierre et que l’on retrouve dans certains toponymes. Le chail est le nom d’un hameau entre Cherbonnières et Loiré sur Nie, les chails à côté d’Ecurat et plusieurs Bois du chail entre Ecurat et Port d’Envaux. Prissé la charrière est aussi l’héritière de cette racine ancienne. Charrière a donné ensuite carrière.

    Il semble également que ce mot a donné les adjectifs chaillau et chaillou (le pas chaillot entre Mons et Mesnac, le chaillot à Sonnac, le bois chaillot à Germignac).

    A Saint-Martin de Juillers existe La fosse aux chiens. Ce toponyme est curieux, hérité d’une fosse aux loups changée en fosse aux chas puis en fosse aux chiens car les habitants comprenaient mal l’existence d’une fosse aux chats et préféraient une fosse aux chiens. C’est la transformation classique d’un toponyme peu glorieux par un autre plus valorisant, ainsi des Bois l’abbé ont été transformés en Bois l’évêque.

    Curieusement on trouve un gratte chien à Gourvilette, aboutissement d’un gratte cha.

    Garne : Cette racine préceltique n’est pas très claire mais semble bien liée aux mégalithes. On la trouve parfois sous la forme carne. Elle semble être à l’origine du nom de la tribu gauloise des Carnutes qui a donné le toponyme Chartres. Elle a donné l’adjectif garnaud que l’on retrouve dans Poursay Garnaud (village près de Saint-Jean d’Angély) et dans le bois garnaud à Saint-Georges de longue pierre dans lequel on trouve effectivement des mégalithes. Il y a un autre bois garnaud à Fenioux. Il existe aussi un bois de la garnaude près de Bernay-Saint-Martin.

    Quand je cherchais le grand menhir d’Avrillé en Vendée je tournais en rond n’ayant aucune idée de son emplacement quand je suis tombé sur un lieu-dit appelé la garnerie. J’ai  immédiatement pensé que j’étais tombé au bon endroit et effectivement le menhir était là juste à côté. Il n’y a donc aucun doute pour lier cette racine garne aux mégalithes. Notons qu’il existe aussi un hameau la garnerie près de Cherves-Richemont.

    Le mot cairn, désignant un petit amas de pierres, provient certainement  de cette racine mégalithique celtisée par les Gaulois.

    Borne :  De nombreux mégalithes ont été assimilés à des bornes. Ainsi de nombreux toponymes la borne sont directement liés à la présence d’un mégalithe. Dans le bois d’Essouvert à Loulay se trouve les trois bornes et en bordure du même bois la borne. Il y a aussi un Fief de la borne près de Matha, un bois de la grande borne aux Nouillers ainsi qu’à Rouillac.

    Pali :  Ce mot semble désigner un menhir. On trouve ainsi le menhir le paly près de Fontainebleau et la commune Trois palis près d’Angoulême. Curieusement il s’agit encore de trois mégalithes peut-être placés pour constituer un triangle de Pythagore ?

    Près de Fragne un bois se nomme les grands palis, sans aucun doute des menhirs imposants aujourd’hui disparus comme 99% des mégalithes qui devaient être si nombreux si l’on se réfère aux centaines de toponymes qui s’y rapportent..

    Roche, roc : Les toponymes avec roche sont nombreux il peut évidemment s’agir parfois de rocher naturel mais aussi d’un mégalithe. Notons toutefois qu’en général les rochers naturels sont l’émergence d’une roche profondément insérée dans le sol et ne disparaissent pas ce qui n’est pas le cas des mégalithes qui ont été presque toujours débités pour construire des bâtiments.

    A Saint-Pierre de Juillers la mère au roc est un toponyme bien mystérieux.

    Pierre : Il existe quelques toponymes avec le mot pierre souvent liés à un mégalithe comme la grosse pierre à Réparsac et à Chambon, le bois de la grosse pierre à Beurlay ou la pierre percée à Chadon mais surtout des toponymes Saint-Pierre qui, eux, sont quasiment toujours liés à un mégalithe qui était encore vénéré au moyen-âge (plusieurs conciles ont été consacrés à la lutte contre ces anciennes traditions d’honorer des pierres). Le magnifique menhir de Pincenelle (près d’Aulnay de Saintonge) se situe précisément sur le chemin de Saint-Pierre. Il y a même un Saint-Pierre en plein milieu des champs à Juillac le Coq.

    Les toponymes pierrefite, pierre levée, pierrefiche etc. sont évidemment liés à un menhir.

    Clou : Clou semble être aussi un mot pour désigner une pierre levée. Saint-Cloud en est très certainement un bon exemple. On trouve les cloux  à Saint-Julien de l’Escap, le grand clou et le petit clou entre Saint-Pierre de Juillers et Courgeon, le clou à Gensac la Pallue, le champ du clou à Flamencherie.

    Il existe un toponyme avec clône très mystérieux. On trouve à la fois des clône du loup et les trois clônes. Or ces trois clônes me font penser aux trois bornes et à Trois palis. Clône est-il un dérivé de clou ? Peut-être.

    Bernard : Ce toponyme n’est pas forcément lié aux mégalithes mais je profite de l’occasion pour le signaler car il s’agit d’un adjectif au sens non encore élucidé. Un important dolmen vendéen s’appelle la roche Bernard mais il y a pas mal d’autres toponymes avec cet adjectif (la croix Bernard à Siecq, Chateaubernard, etc.…). En charentais la berne est la bordure d’un chemin et j’avoue ne pas avoir réussi à trouver un lien entre la berne charentaise et Bernard.

    Il y a un toponyme les bernardes à Verdille.

    Enfin j’en profite aussi pour rappeler l’adjectif labé (toponyme l’abbé) sur lequel je me penche depuis quelques années et toujours non expliqué (un mégalithe dans le bois de La Villedieu s’appelle la pierre l’abbé). Il y a donc encore des énigmes à élucider dans la recherche sur les toponymes.

    On constate donc que les toponymes issus de la présence d’un mégalithe sont extrêmement nombreux mais quasiment toujours ignorés. J’espère que ce petit compte rendu vous aura permis d’y voir un peu plus clair.

    JM Hermans

    Septembre 2009

    Le blog de Jean-Michel Hermans

    Photos Florence Nalin

    (La Vallée, Carnac, Locmariaquer)


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    André Brisson détient des cartes postales de gloriettes aujourd'hui disparues. (photo alban boigeol)

    Connaissez-vous les gloriettes ? Ce type de construction agrémentait la plupart des maisons bourgeoises et hôtels particuliers au XIXe siècle. « Les familles aisées venaient y chercher du repos, de la fraîcheur, l'occasion de bavarder et de prendre une tasse de thé », explique André Brisson, féru d'histoire locale, qui conserve des cartes postales où ces petits pavillons de jardins surélevés sont photographiés comme autant de curiosités locales. « En voici une qui rehausse le mur d'enceinte de l'ancienne maison Régnault, devenue la nouvelle poste et qui se situait boulevard des Jacobins, avant qu'il ne soit rebaptisé boulevard Lair », détaille notre érudit.

    Rue Coybo

    « Voyez ici celle qui surplombait le canal de la chaussée de l'Éperon, dans le bas du parc de l'ancienne école supérieure des jeunes filles. Elle aussi a été détruite ». D'anciens Angériens racontent que les élèves, les plus méritantes ou les plus douées, avaient le privilège de s'y détendre quelques heures. Et André Brisson de nous apprendre la fonction sociale de ces édifices : « On pouvait ainsi suivre les allées et venues des fiacres, en particulier des riches familles qui revenaient de leur maison de campagne vers leur hôtel particulier en centre-ville. Ces fiacres, souvent découverts, laissaient entrevoir les jolies toilettes des femmes, qui rivalisaient d'élégance en arborant chapeaux et voilettes ».

    La plupart des gloriettes étaient construites en bois sur Saint-Jean-d'Angély, mais pouvaient être aussi en fer forgé. « Celle de la chaussée de l'Éperon comprenait un coquet petit pavillon en pierre à sa base : un rez-de-chaussée qui permettait de s'abriter (voir d'y prendre quelques leçons de piano sans déranger les voisins). Une cheminée et un potager (un ancien poêle) agrémentaient le confort et aux beaux jours, les familles montaient dans leurs gloriettes, pour voir et être vus par les passagers des fiacres et bientôt, des premières automobiles ».

    Mais André Brisson s'inquiète : « La maison dont dépend cette gloriette est à vendre. J'ai bien peur que si cet édifice n'est pas classé, il soit un jour détruit ». Car la gloriette de la rue Coybo semble le dernier témoignage de ce type de construction visible depuis la rue. « Je connais des kiosques de jardin d'un style apparenté mais dans des jardins privés invisibles depuis la rue » continue notre interlocuteur.

    Achevons de le rassurer en réconfortant également tout amateur de patrimoine original : renseignements pris auprès du Service départemental de l'architecture et du patrimoine à La Rochelle, cette gloriette s'avère située dans le secteur ZPPAUP (1) qui délimite l'espace protégé dans la commune. Pour tout projet dans cet espace, l'architecte des Bâtiments de France doit être consulté. Gageons qu'il saura reconnaître à sa juste valeur l'intérêt de cette gloriette, dont le nom provient du mot « gloire ». Une gloire déchue certes, mais dont le seul et bel exemplaire qui subsiste ne mérite pas d'être à tout jamais perdu.

    (1) - Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager

    Auteur : Alban Boigeol


    Tags : Saintonge Société Logement saint-jean-d'angély la rochelle Loisirs & Culture

    SUD OUEST | Vendredi 27 Février 2009<o:p> </o:p>





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