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"éo" : les néo-mots à la mode
"éo" : les néo-mots à la mode
1. Les néo-produits
Avez-vous remarqué tous ces mots qui se terminent en "éo" ? Les publicitaires auraient-ils étudié le latin avec l'envie d'en instiller quelques gouttes dans les oreilles des consommateurs lettrés — pour leur faire plaisir, ou ignares — pour leur faire la nique ?
Cela avait commencé, il y a bien longtemps, avec le grec "stéréo" (= solide ; 1560 dans stéréométrie ; 1949 dans stéréophonie), avant de passer au latin avec "vidéo" (= je vois ; 1964), suivi plus tard par le modèle de voiture "Mondéo" (1993, de Fordéo...) en latin revisité. Puis sont apparus "Monéo", "Senséo", "Kazéo", et bien d'autres, en vrai ou faux latin !
Quel est l'effet produit par ce couple de voyelles sur les consommateurs ? Est-ce un effet visuel dû aux courbes moelleuses du "e" et du "o" ? Est-ce plutôt un effet auditif inspiré par les sons "hé-ho !" qui interpellent et titillent la curiosité ? Ou bien est-ce un écho culturel qui évoquerait la nouveauté à partir du préfixe "néo" dont le "n" ne serait plus perçu comme porteur de sens et serait devenu caduc ? Ce sont de vraies questions que je me pose sur les déclencheurs de communication.
2. Les paléo-prénoms et les néo-prénoms
Et puis la mode est aux néo-prénoms (ces prénoms fabriqués-maison par des parents en mal d'originalité pour leur petite merveille). Mais là c'est plus ennuyeux. Il y a bien eu Roméo (qui vient de Romolo/Romulus, le fondateur de Rome, la super capitale). Rien de nouveau sous le soleil, concernant l'emphase des titres, quand on pense aux prénoms classiques qui ne faisaient pas dans la demi-mesure :
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Maxime = le plus grand
- Auguste = qui inspire une crainte respectueuse
- Basile = royal
- Ambroise = divin
- Albert = noble et brillant
- Hercule = le glorieux don d'Héra
- Mathieu = don de Dieu
Etc. Vous remarquerez que ce sont des prénoms masculins ; les prénoms féminins ont très souvent des sens plus modestes...
Les paléo-prénoms prétentieux ont été remplacés par des nouveaux, tout autant prétentieux, mais en "éo". (Matéo, plus exotique, reste Don de Dieu à la sauce "éo" !)
Un bel exemple est Théo (= Dieu, en grec !) Pourquoi pas Théodore (= don de Dieu), Théophile (= aimé de Dieu), Timothée (= qui honore Dieu) ? Dans ces cas-là, l'humain, qui s'y croit, reste quand même à sa place d'humain, alors qu'avec l'abréviation "Théo" il devient la divinité même, catalyseur ou prétexte universel des guerres.
Timothée peut devenir Tim, c'est un joli diminutif. Mais "Timéo" ! Cela a déclenché mon hilarité quand je l'ai vu dans la liste des naissances de la ville natale de Pierre Loti ! Pierre n'avait pas volé son prénom puisque né dans la ville du Rocher Fortifié (Rochefort). Mais Timéo ! (= je crains en latin...) Je suggèrerais plutôt "Non Timeo" = je ne crains pas, ce qui est sans doute téméraire mais au moins positif ! L'excuse serait-elle d'avoir mal lu les aventures d'Astérix le Gaulois et trop flashé sur les propos de Triple Patte, ce pirate malchanceux mais philosophe, ou bien sur ceux de Cédupeuojus, le légionnaire lettré : "Timeo Danaos et dona ferentes"... ? (= je crains les Grecs malgré les cadeaux qu'ils apportent ; allusion au cheval de bois emmené sous les remparts de la ville de Troie).
3. Et si donnait des néo-prénoms adaptés à la famille du bébé ?
On pourrait sans doute éviter :
- "Liceo" = je suis à vendre
- "Debeo" = je suis redevable
- "Pareo" = je me soumets
- "Pereo" = je péris...
Mais on pourrait aussi se lancer :
Avec des autistes
Siléo
Je garde le silence
Chez un torréfacteur
Torréo
Je grille
Avec des parents tristes
Fléo
Je pleure
Dans une fabrique de vêtements
Néo
Je tisse, je file
Pour des parents ambitieux
Eminéo
Je m'élève au-dessus (des autres !)
Chez des spirites
Transéo
Je passe de l'autre côté
Dans une famille qui se déchire
Stridéo
Je pousse un cri perçant
Dans une famille de nantis
Habéo
Je possède
Avec des parents qui font la plonge
Balnéo
Je me baigne
Dans une poissonnerie/parfumerie
Oléo
J'exhale une odeur...
Si on oublie le latin, tout en restant "tendance", on peut suggérer "Kevinéo", "Ahmedéo"... et pour les marins bretons ou autres "Isséo" !
AlCaribou
Tags : éo, prénoms, mode
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Maxime = le plus grand