• Ces filles qui ont vaincu l'Atlantique

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    Samedi 29 Aout 2009


    EXPLOIT. Après 5 000 km de haute mer à la seule force des bras, les trois Landaises, parties le 5 juillet du Sud-Canada, sont arrivées hier à Capbreton devant 5 000 personnes

    Ces filles qui ont vaincu l'Atlantique

    Il flottait hier, à Capbreton, un léger parfum des Sables-d'Olonne un jour d'arrivée de Vendée Globe, toutes proportions gardées bien sûr. Pourtant, la seule station balnéaire du littoral landais à disposer d'un port n'a pas accueilli, hier, un concurrent solitaire aux deux hémisphères dans les jambes, mais trois jeunes femmes : Stéphanie Barneix, Alexandra Lux et Flora Manciet.

    Trois Landaises qui, aux alentours de 14 h 30, ont mis un point final à une aventure entamée il y a un peu moins de deux mois : la traversée de l'Atlantique Nord en paddleboard, autrement dit à la seule force des bras et juchées sur une simple planche de sauvetage côtier.

    Soit un périple de 5 000 kilomètres de haute mer qui les aura vues rallier, avec succès donc, l'île du Cap-Breton au sud du Canada, d'où elles sont parties le 5 juillet dernier, à Capbreton, leur port d'attache, en très exactement cinquante-quatre jours.

    Tapis rouge

    Un authentique exploit qu'elles ont bouclé sous une pluie fine presque main dans la main. En franchissant la ligne d'arrivée non pas chacune sur une planche comme cela était prévu, mais toutes les trois sur la même. C'est ainsi, en partageant les derniers efforts, qu'elles sont entrées dans le chenal de Capbreton, où près de 5 000 personnes les attendaient pour les saluer.

    Avec au bout de ces 400 derniers mètres leur objectif depuis le départ : la terre ferme et la délivrance d'un ponton recouvert d'un tapis rouge où patientaient leurs familles et les journalistes. Un ponton que les trois jeunes femmes ont pris le temps d'embrasser avant de rejoindre leur proche et de répondre aux questions.

    Interview en haute mer

    Un bain de foule et des sollicitations qui avaient en réalité débuté une heure plus tôt. Vers 13 h 30, en effet, alors que le mât du bateau suiveur skippé par Yves Parlier restait encore invisible depuis la plage, une dizaine de bateaux était déjà partie à la rencontre des championnes au large de Capbreton.

    Là, à 10 miles de la côte, tout l'équipage du défi Ucar Cap Odyssée, déjà gagné par l'émotion, commençait à savourer l'arrivée entre larmes et congratulations. Et la surprise, après avoir été coupé du monde pendant près de deux mois, de reprendre ainsi contact avec la foule. Stéphanie Barneix livrant, elle, ses premières interviews depuis sa planche, en pleine mer. « On a vu la terre ce matin, tant que tu ne la vois pas, tu n'y crois pas, mais là ça y est, c'est concret. J'ai vu les dunes. Ça fait plus de cinquante jours qu'on attend ça. Moralement, nous sommes très fatiguées et très excitées à l'idée de voir tout le monde. Même si nous sommes aussi anxieuses, car notre petite bulle va exploser. »

    Une « bulle » qui, au final, s'est avérée être une formule gagnante marquée par l'empreinte d'Yves Parlier. Volontairement discret hier, il n'en reste pas moins l'un des rouages essentiels de ce succès. Et si le navigateur arcachonnais n'a accepté de skipper le bateau suiveur qu'à la dernière minute, c'est lui qui a réglé la traversée dans ses moindres détails. En particulier sur le volet sécurité des filles en mer. N'hésitant pas non plus à jouer les réveille-matin pour les changements de relais : « Cette nuit, sourit Stéphanie Barneix, je ne vais pas entendre à 4 h 30 : "Steph lève-toi." À un moment, comme je ne mangeais pas, il me réveillait à 3 heures pour me forcer à manger quelque chose. »

    Un mois de brouillard

    Un soutien de poids d'autant moins étranger à cette réussite que la météo est loin d'avoir été une alliée. « 54 jours, c'est bien, souligne Stéphanie Barneix, car le premier mois, on a vraiment galéré. On a eu du vent, de la houle, le froid. On a eu un mois de brouillard. » Dans ces conditions usantes, les filles ont-elles failli craquer ? « Non, car on a fait preuve d'une grande solidarité face à la difficulté. Parfois, on se croisait dans l'annexe pour les passages de relais sans se dire un mot, mais on savait ce que chacune vivait. Par exemple, j'ai eu le mal de mer, j'ai vomi sur la planche, j'ai été malade... Mais on a eu aussi des bons moments. » Comme les rencontres avec les dauphins ou avec les baleines.

    Reste qu'hier, bercée par l'Atlantique, Stéphanie Barneix a pu également regarder sous un autre angle un certain épisode de sa vie : celui de son cancer du sein. Un face-à-face qui lui a appris à ne pas baisser les bras : « Dans la vie, il y a des épreuves, comme la maladie ou le cancer, mais ce qui est important, c'est d'avoir des projets. La maladie, ce n'est pas une fin, c'est une étape, et il faut se battre. »

    Trois heures plus tard, elle embarquait à bord d'un cabriolet en compagnie de l'équipage. Direction l'esplanade de Capbreton. Les festivités pouvaient commencer. Face à la mer. Et à cet Atlantique qu'elles ont vaincu.

    Auteur : jefferson desport
    j.desport@sudouest.com

    SUD OUEST | Samedi 29 Aout 2009


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