• L'Acadie, de sa découverte au Grand Dérangement - Partie II : les Acadiens

    L'Acadie, deuxième partie :

    LES ACADIENS

     

    I - Les origines

    Des 120 premiers engagés par Pierre de Guast, 23 resteront jusqu'en 1610 moins encore jusqu'en 1632.

    Des 300 hommes de Razilly, peu demeurèrent : les 15 mariés : Martin, Trahan, Landry, Gaudet, Dugast et Aucouin.

    Aulnay, au cours de ses trois voyages emmena une vingtaine de familles françaises dont les Doucet, Bourgeois, Petipas et Boudrot.

    En 1635, Aulnay assimila cinq familles écossaises : Les Poselet, Quaisy, Pitre, Colson et Melanson.

    On estime en 1645 à une quarantaine de familles les souches de la population acadienne. Le premier recensement, effectué en 1671, donna 392 habitants pour 63 familles et 50 noms. En 1686 : 1 136 habitants, en 1714 : 2 540, en 1755 : 14 000 habitants dans la péninsule, soit une population multipliée par 1 000 en 110 ans !

    Les 50 familles venant de Saintonge, du Poitou, de Bretagne, Normandie et Pays Basque sont, outre les susnommées, les : Amirault, Arsenault, Belliveau, Brault, Bastarache, Bernard, Blanchard, Bourc, Brossard, Comeau, Cormier, Cyr, Daigre, Bamours, D'Eon, Doiron, Dupuis, Gauthenot, Guilbault, Girouard, Granger, Haché-Gallant, Hebert, Laurier, Lavergne, Leblanc, Léger, Leprince, Mignault, Mius d'Entremont, Obask, Poirier, Préjean, Richard, Robichaud, Roy, Saunier, Savoie, Surette, Terriault, Thibodeau, Vécot, Vigneau, et Vincent.

    II - Leur installation
     
    Dès leur arrivée en 1604 à Port Royal, puis avec Aulnay qui avait fait venir des saulniers habitués aux travaux d'assèchement (entrepris dans le marais poitevin par l'ingénieur rochelais Pierre Siette à la demande de Louis XIII) ils entreprennent de drainer les terres basses immergées de la Baie Française (actuellement Baie de Fundy) avec le système des Aboiteaux, plutôt que de défricher l'immense forêt vierge qui descendait des coteaux.
     
    Au fur et à mesure de l'accroissement de la colonie, ils s'installèrent le long de la baie en pratiquant de même. Ainsi en 1707 sur 1 800 habitants seuls 554 habitaient à Port Royal.
     

     

    La Technique des Aboiteaux

    1) On construit une digue de 2 mètres de hauteur, appelée levée, pour arrêter la marée montante

    2) On creuse dans le marais des canaux de drainage qui rejoignent un canal central

    3) A la jonction du canal central et de la levée on perce un tunnel dans la levée, celui-ci est fermé à la sortie par un clapet qui ne s'ouvre que dans un sens : de l'intérieur vers l'extérieur.

     

    III - L'économie Acadienne

    La majorité des Acadiens est avant tout d'origine rurale.
     
    Les Acadiens produisaient eux-mêmes leur nourriture, leurs vêtements, leurs habitations, les meubles et souvent leurs propres outils.

    La pêche, la chasse et le commerce étaient importants, mais on ne peut pas trop insister sur l'importance capitale des produits de la maison, des jardins et des fermes.

    Les porcs et les poules étaient aussi importants pour les Acadiens que les vaches et les brebis.

    Choux, betteraves, oignons, carottes, ciboulettes, échalotes, navets et toutes sortes de salades étaient des richesses presqu'égales à leurs champs de blé.

    Mais la colonie acadienne était aussi un pôle important du commerce international basé sur :

    - La pelleterie

    Dès le départ en 1638, elle rapportait 150 000 livres par an pour la seule région de la vallée de Saint-Jean.

    - La Pêche à la morue

    Principale richesse de l'Acadie qui rapportait en 1645, bon an mal an, plus d'un million d'or par an.

    Le Commerce du bois

     

    IV - Le statut légal des Acadiens

     

    Les Acadiens détenaient leur terre à titre censitaire, c'est-à-dire un sol par arpent et par an. Bien sûr, ils y avaient les différents droits mais ils s'élevaient à peu de chose si on les compare aux lourdes charges qui pesaient sur les paysans de la métropole.

    En 1674, Colbert proclame le pays « Domaine du Roy » ce qui transfère sa propriété à la couronne mais les droits n'en furent pas accrus ; bien au contraire, il interdit d'augmenter les dîmes et redevances.

    En fait, ils furent nullement gouvernés et abandonnés à eux-mêmes et sans soldat pour les défendre, ce qui explique le nombre de changements de nationalité : plus de dix fois durant le 17ème siècle.

     

    V - Leurs relations avec les indigènes

    Les Micmacs et l'ensemble des indigènes firent bon accueil aux Français ; Champlain signa même un traité avec le grand chef Monbertou et autres Sagamos qu'il invitait fréquemment à sa table eu égard à leur rang.

    Entre les Français d'Acadie et les Micmacs, il n'y eu jamais de querelle mais toujours entente cordiale et entraide

    Dès 1610, 21 Micmacs, dont le Sagamo, se convertirent au Catholicisme

     

    VI - L'importance du Clergé

    Dès 1603, des prêtres accompagnèrent les premiers colons mais ils ne restèrent pas.

    En 1619, sur l'initiative de Champlain, 6 Récollets de la province d'Aquitaine vinrent aux frais de la Société d'Acadie organisée à Bordeaux

    En 1632, Richelieu leur substitua les Capucins qui ouvrirent un séminaire à Port Royal. C'est entre 1671 et 1713 que la religion catholique est devenue la religion communautaire ; la religion catholique devenait pour les Acadiens quelque chose d'aussi simple, d'aussi nécessaire et d'aussi peu compliqué que leur pain.

    Leur rôle dans la société, à l'époque, n'était pas prépondérant ; les Acadiens ont même écrit à Louis XIV en lui disant que « si c'était lui, le Roy, qui payait les octrois pour le prêtre, aussi bien épargner son argent, ou envoyer quelqu'un qui aurait pour but principal la religion catholique pour les Acadiens »

    Toutefois, on doit noter que le travail social de ces prêtres qui créèrent les premières écoles et furent les arbitres des conflits d'intérêts ou contestations familiales bien qu'il y eu des notaires en Acadie.


    VII - Une vie patriarcale et communautaire

     

    Sur les vastes concessions délimitées par la rivière ou le bassin et par les hautes terres, vivaient dans une simple maison de bois à haut toit de chaume ou de bardeaux, le patriarche, l'ancêtre souvent fort vieux, entouré de deux ou trois générations.

    Lorsqu'une fille savait tisser une paire de draps, et un garçon fabriquer une paire de roues, on les estimait capables d'entrer en ménage.

    Au garçon, on donnait un lopin de terre, et à la fille 25 livres de denrées et parfois un beau lit de plume. On ne faisait de contrat qu'après le mariage et tout le village s'employait à établir les nouveaux mariés en la maison de bois neuve qu'on bâtissait sur la ferme nouvellement endiguée et défrichée. On leur accordait ou avançait bétail, porc, volaille et semences.

    Si le chef de famille venait à disparaître prématurément, les voisins s'entendaient pour cultiver le champ de la veuve, lui récolter sa moisson, lui couper son bois. Les orphelins de père ou de mère étaient reçus chez des parents ou des amis qui les traitaient comme leurs propres enfants et, quant aux pauvres, il n'y en avait pas.

    Lorsque les parents devenaient vieux, ils cédaient tout l'héritage au plus apte et non pas toujours à l'aîné, à condition qu'il les prenne à charge, et qu'une compensation soit accordée aux frères et sœurs.

    N'ayant guère d'argent, ils n'échangeaient entre eux que produits et corvées agricoles. Cette simplicité de vie, fit, qu'entre eux, il n'y eu que vie harmonieuses « les annales acadiennes, dit un mémoire, ne contiennent pas de crime, vol débauche ou de naissance illégitime ».

     

    VIII - Une vie sociale et culturelle développées

    Dès 1606, Samuel Champlain créé « l'Ordre du Bon Temps » dans le double but de maintenir le moral de ses compagnons et de veiller à ce que « la Chair soit bonne et variée ». Ce fut, en quelque sorte le premier club social du Canada et d'Amérique du Nord (Il existe toujours, et sert à honorer les étrangers ayant participé au renom de la Nouvelle-Ecosse, son Grand Maître actuel étant le Premier Ministre de cette Province)

    Si cette notion de sociabilité et de bonne humeur berça la création de la colonie, elle en devint l'un des principaux traits de caractère. Une gaieté spontanée, avide de réjouissances, tempérait ce qu'il pouvait y avoir de rude en leurs labeurs et de rustres en leur manière.

    Pendant la belle saison, travaux des champs et parties de chasse ou de pêches se faisaient en commun. En hiver, pendant les longues veillées de ces pays froids, devant les flambées de bouleau et de pins, on se réunissait entre amis et voisins, on se racontait ou écoutait les histoires du vieux pays qu'avaient vus les ancêtres, on chantait les vieux refrains en chœur et on dansait.

    Le travail d'Onésiphore Turgeon, parmi d'autres, nous montre que les Acadiens n'étaient pas, avant la déportation, un type de paysan ignorant, et il faut affirmer immédiatement que la déportation n'a pas créé les Acadiens : en 1755, la population acadienne possédait 150 ans de sa propre histoire avec sa propre culture.

    Un assez grand nombre savait lire et possédait des livres (se rappeler le rôle des prêtres) et déjà certains étaient bilingues. En effet, une des choses les plus importantes pour les relations extérieures des Acadiens étaient leur communication avec les autorités anglaises d'Annapolis Royal, surtout à partir de 1713.
    Par la voix du Chef Député du village, les Acadiens ont su garder en leurs propres mains (jusqu'en 1755) leur vie pour presque toutes les questions et pendant presque toutes les années du régime anglais. Ils ont été capables de créer l'idée de neutralité et ce notamment durant les guerres de 1740.

    Non seulement, ils furent de fins politiques, mais ils commencèrent aussi à créer leur propre littérature avec les auteurs tels :

    • Marc Lescarbot qui écrit en 1606, la première pièce de théâtre en Amérique du Nord « Le théâtre de Neptune » (disponible à La Rochelle), il fut même reconnu comme le premier poète d'Amérique du Nord avec son recueil intitulé : « les muses de la Nouvelle France »

    • Nicolas Denys qui laisse de nombreux textes précis sur la description du pays et de ces problèmes,

    • Le Sieur de Dierville avec sa remarquable « Relation du voyage de Port-Royal de l'Acadie ou de Nouvelle-France » qui décrit particulièrement bien la vie des Indiens Micmacs.

    En fait, on peut retenir une dizaine de nom d'écrivains acadiens entre 1604 et 1755.

    C'est donc à une culture entière que la déportation de 1755 mis fin. L'histoire qui suivit en fut une autre avec de nouveaux mythes dont celui d'Évangeline.....

    FIN

    Bibliographie

    Plusieurs ouvrages m'ont permis de vous présenter ce bref exposé, et je tiens à remercier Georges Arsenault, feu le Père Comeau, ancien Président de la S.N.A et de l'Université Sainte Anne (N.E) et Jean Marie Nadeau ancien Secrétaire Général de la S.N.A, qui m'ont offert une partie d'entre eux. Pour plus d'approfondissements sur cette période, je vous conseille donc la lecture des œuvres suivantes :

    -        L'Acadie par Emile Lauvrière (Librairie Plon 1929)

    -        Les Acadiens  (Conseil de la Vie française 1987)

    avec plus précisément les articles de :

    o      Naomi Griffiths

    o      Jean Tarrade de l'Université de Poitiers -Centre d'Etude Acadienne

    o      Melvin Gallant

    o      André Berubé

    -      La vie acadienne en Nouvelle Ecosse - Tome 1 « Le passé »  Centre Provincial de Ressources Pédagogiques de l'Université Sainte Anne (N.E) 1984

    -      Les Acadiens de l'Ile de Georges Arsenault - Edition d'Acadie 1987

    -    Histoire des Acadiens de l'Ile du Prince Edouard - 1927, rééditée par la S.S.T.A.  (I.P.E)   de J.H. Blanchard              

    -    La Religion et les Acadiens à l'I.P.E 1720-1980 - S.S.T.A. Summerside 1983  de Georges Arsenault

    Cyrille Grandcamp

    Mise en page et illustration Flonigogne


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