• Georges Simenon et la Charente,

    • une conférence avec Michel Carly
    • et un film "Le Voyageur de la Toussaint"

    Une conférence sur Georges Simenon, faite par un spécialiste belge qui sait raconter, cela valait le déplacement.

    La Charente, c'est en réalité la Charente-Maritime [à l'époque Charente-Inférieure]. Les Belges viennent-ils en Charente-Maritime ? Ils y passent, comme le font les Hollandais et les Anglais. Certains s’y installent, par vagues. Georges Simenon s’y était installé, provisoirement, comme il le faisait partout, mais avec une délectation particulière pour La Rochelle. Cela l’avait inspiré : 34 de ses œuvres se situent dans la région Poitou-Charentes (essentiellement en Charente-Maritime, dont deux à La Rochelle-ville).

    Michel Carly nous rappelle que le lieu était primordial pour l’inspiration de Simenon-romancier. (1850 lieux différents dans le monde pour y mettre 9 à 10 000 personnages.) Le lieu n’était pas imaginaire : il fallait que Simenon y soit physiquement, le parcourt, s’en imprègne ; c’était sa « méthode déambulatoire » avant d’écrire.

    Il place alors un homme ou une femme dans ce lieu pour qu’il/elle aille au bout de son destin. Cependant Simenon a besoin d’une « décantation » avant d’écrire. (Par exemple 20 ans ont passé avant que Le Train ne soit écrit en 1960.) Simenon s’installe un, deux ou trois ans dans un endroit puis il s’en va. Entretemps il se comporte comme une véritable éponge : il emmagasine ce qu’il voit, ce qu’il sent. (Il a vécu par exemple sur l’île d’Aix avec Josephine Baker de 1926 à 1927.) Il est en location à Marsilly de 1932 à 1935 mais il ne pourra pas acheter la gentilhommière qu’il a remise en état. Plus tard il achètera une maison plus simple à Nieul-sur-Mer, et ce sera son premier achat de maison. (Sa femme, moins passionnée de Charente, ira accoucher en Belgique !)

    Il y a un changement dans le statut d’écrivain de Simenon : il quitte Fayard, plutôt catalogué dans le roman d’aventures, pour Gallimard qui publie les grands auteurs.

    Simenon a besoin de changer de lieu, jusqu’à être un véritable globe-trotter : l’Afrique en 1932, l’Amérique en 1934-1935, les pays de l’Est ensuite.

    Il se pose en 1938. Il suit la côte depuis la Hollande jusqu’à La Rochelle. Il découvre un autre « plat pays » ; il voit que le ciel pur de Hollande a son équivalent en Vendée et Charente-Maritime.

    Son regard sur la campagne charentaise lui fait réaliser que celle-ci est au même niveau que la mer ; et la mer c’est très important pour Simenon qui a une relation particulière avec elle.

    Son regard sur la ville est un autre regard. Il est un « voyeur à cheval » dans La Rochelle » où le fait d’être à cheval lui permet de déambuler au niveau du premier étage des maisons et de voir « la vraie intimité des gens ».

    A La Rochelle, il a fréquenté toutes sortes de gens, de toutes classes sociales. Il a connu les grands armateurs aussi bien que les épiciers. C’est ce qui fait fonctionner les gens qui l’intéresse et comment ils fonctionnent : quand il joue aux cartes il guette surtout les réactions des gens.

    Pour lui le port était obsessionnel, avec ses odeurs ; le port, le canal, la gare. Et le café. C’est au Café de la Paix à La Rochelle que Simenon apprend la déclaration de guerre en 1939. Il va à l’ambassade de Belgique à Paris pour proposer ses services à l’armée belge. On l’en dissuade et on lui suggère de retourner à La Rochelle pour accueillir les réfugiés belges qui ne manqueront pas d’y affluer après avoir fui les Allemands. C’est ce qu’il va faire pendant deux mois.

    C’est pendant cette période (1940) qu’il rencontre une femme qui s’offre à lui (alors qu’il était toujours allé chercher toutes sortes de femmes). Elle va l’inspirer pour le personnage de Solange dans « Le Voyageur de la Toussaint » qu’il écrit en 1941. (Le film sortira en 1942, produit par la Continental, dans un décor de port de La Rochelle qu’on a du mal à reconnaître.)

    Avec de la « pâte humaine » Simenon crée des personnages. Il prend des éléments de différentes personnes pour en faire un seul personnage. Par exemple Bob, le fils de la tante Gérardine, fait les 400 coups comme Christian, le frère de Simenon, et comme le fils de Mlle Lecordier qui tenait un magasin pour marins, quai Vallin (où se trouvaient les bureaux Dahl). Autre phénomène : deux personnages peuvent provenir d’une seule personne. Exemple, d’une part, Oscar Dahl, grand armateur à La Rochelle, avait inspiré Oscar Donnadieu dans « Le Testament  Donnadieu » pour un personnage qui bâtit un empire dans la religion du labeur. (Mais Simenon va plutôt démolir la famille dans le roman, anticipant sur les futurs événements réels.) D’autre part, dans « Le Voyageur de la Toussaint » le jeune Gilles Mauvoisin arrivait de Norvège, comme Oscar Dahl l’avait fait avant de s’installer à La Rochelle.

    Et puis aussi les lieux, ces inspirateurs, peuvent avoir une identité modifiée : le Fort Bayard, c’est le Fort Boyard.

    Georges Simenon a écrit 192 romans plus des reportages. Il avait besoin de connaître intimement les gens pour les transformer en personnages. « Je ne peux pas écrire sur un bourgeois si  je n’ai pas pris un petit déjeuner  avec lui. » Seulement les modèles étaient interprétés et modifiés, ce qui plaisait ou déplaisait quand quelqu’un se reconnaissait.

    Pour Michel Carly,  Simenon était  « un passeur de conscience. » D’une personne à une autre, d’un personnage à un autre. « Les personnages, c’est nous » disait Simenon qui avait « une machine à écrire à hauteur du ventre. » L’homme se retrouve toujours seul devant son miroir. Se fuir, se retrouver. L’homme joue à se chercher. « Quand la vie me pose des problèmes insurmontables, je les donne à un de mes personnages et je regarde comment il s’en sort. »

    L’antisémitisme de Simenon ? Il avait grandi dans un milieu social peu fortuné, hyper catholique. L’antisémitisme faisait partie du quotidien des années 1920/1930 à Liège. Cependant le regard sur l’autre change avec l’expérience constate-t-il.

    Le colonialisme ? Dans « Le Coup de Lune », après avoir écrit des romans dans un autre esprit, Simenon n’est pas tendre dans sa description de la vie des colons au Gabon.

    Le collaborationnisme ? Il est arrivé que l’on confonde Georges Simenon avec son frère cadet Christian, colon en Afrique et proche des Allemands pendant la guerre.

    La relation avec sa mère ? Difficile. Elle lui reprochait tout. « Va voir tes sales femmes » disait-elle à Georges qui fréquentait, il est vrai, les prostituées depuis l’âge de douze ans… Mais elle pardonnait tout à son frère Christian. Dans l’œuvre de Simenon le personnage le plus présent, c’est la mère. Dans « L’Ombre chinoise » et « Le Chat » on a des chroniques de la haine ordinaire et cela correspond au deuxième mariage de la mère de Simenon. Dans « Pedigree » Simenon invente son double mais pas celui de son frère.

    Georges Simenon a-t-il participé aux adaptations de ses films ? Pas vraiment. Pierre Granier-Deferre est peut-être le meilleur réalisateur des films de ce Belge qui avait habité, un temps, en Charente-Maritime, et avait fini sa carrière en Suisse.

    AlCaribou, d'après la conférence de Michel Carly, à Marennes le 24 septembre 2011, dans le cadre du 2ème festival des cultures francophones.

    Michel Carly sur EVENE

    Simenon et les femmes

    A écouter (avec Michel Carly) :
    Simenon et les Femmes

     
    A visiter jusqu'au 26 février 2012 :
     
    Le dossier de presse sur l'expo à consulter :

  • Septembre 2011
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  • 29 septembre 1066 : Guillaume le Conquérant envahit l'Angleterre

    Les 650 navires de Guillaume duc de Normandie débarquent dans la baie de Penvensey en Angleterre. Après la victoire d'Hastings (le 14 octobre 1066), où l'armée du roi Harold II sera défaite, Guillaume le Conquérant deviendra roi d'Angleterre.

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    Broderie inspirée de la "tapisserie" de Bayeux au château de Bourdeilles (Périgord)
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

  • 21 septembre 2011 Site Internet

    La culture québécoise en France : suivez le guide !

    L’édition septembre-décembre 2011 du     guide Québec arts & spectacles est maintenant en ligne. Publié par le service des Affaires culturelles de la Délégation générale du Québec à Paris, ce guide propose le meilleur de l’actualité culturelle québécoise en France.

    En cette année du 50e anniversaire de création de la Délégation générale du Québec à Paris, cette édition s’annonce particulièrement riche.

    On notera tout d’abord en octobre, deux événements incontournables des célébrations entourant le 50e : le spécial Québec numérique au festival Némo #2, qui donne carte blanche à la création québécoise en arts numériques, et le colloque Création et Frontières à la Cité internationale des arts à Paris qui convie plusieurs intellectuels et artistes autour de la question de la résidence d’artiste.

    À souligner, la présence inédite de trois compagnies circassiennes du Québec. Les 7 doigts de la main, le Cirque du Soleil et le Cirque Éloize se produisent au même moment dans la capitale avec 4 spectacles.

    Sur le grand écran, la sortie nationale de Curling de Denis Côté le 26 octobre et, en novembre, la 15e édition de Cinéma du Québec au Forum des Images à Paris.


  • La bière : conférence et dégustation

    Au premier étage de la halle aux vivres de Brouage, et présenté par Alain Gardrat, président du comité de jumelage de Marennes, Robert Dutin, auteur de l'Annuaire des Brasseries françaises, nous raconte l'histoire de la bière, des hommes préhistoriques à nos jours.

    annuaire-2011

    Blé, orge, maïs, riz, sorgho, millet et banane peuvent servir à faire de la bière. Mésopotamie, Egypte, pour les premières recettes ; Allemagne, Belgique, France, Suisse, Canada, etc, de nos jours.

    Sucelius, le patron des tonneliers, acceptait aussi bien la bière que le vin ! Mais pourquoi diable, en 92, Domitien avait-il fait arracher, en Gaule, les vignes là où poussaient les céréales ? Déjà l'envie de monopole pour les vins italiens ! Les Gaulois se sont rabattus sur la cervoise et ils ont paru satisfaits ! La cervoise (la "cervisia" des Romains mais sans doute la potion magique de nos Irréductibles) a, en fait, précédé la bière (la "bier" des Germains), caractérisée par l'adjonction de houblon au VIIIème siècle.

    La première brasserie française date de 711. Charlemagne avait eu la bonne idée de décréter que chaque abbaye devait avoir sa brasserie pour fabriquer un "pain liquide" de qualité. (On retrouve la notion de monopole).

    En 947 Othon II accorde le droit de brasser à l'évêque de la ville de Liège : la bière belge prend forme avant que la Belgique n'existe !

    La bonne idée du houblon, remplaçant le gruyt pour aromatiser la bière, avait été appuyée par Hildegarde de Bingen qui avait trouvé quatre grande vertus dans le humulus lupulus, que nous nommerions antiseptique, apéritif, digestif, antidépresseur avec nos mots modernes.

    1268 : les cervoisiers de Paris obtiennent un statut.
    1397 : dans l'imagerie, on voit l'étoile des brasseurs au-dessus des cuves.
    1435 : sous Jean-sans-Peur, duc de Bourgogne, première apparition du mot "bière" en Bourgogne.
    1516 : loi de pureté pour la fabrication de la bière : de l'eau et du grain.

    1810 : un bond dans le temps pour saluer la première Oktober Fest à Munich !
    1815 : la science arrive avec Louis Joseph Gay-Lussac qui va analyser et décrire ce que contient la bière : de l'eau à +/-  90 %, de l'alcool à +/- 5 %, du gaz carbonique et plein d'autres choses (en petites quantités, mais c'est là que se font les différences avec d'autres breuvages !)

    1856 : première installation réfrigérée. Avant il y avait des puits de glace [des installations que l'on trouvait dans beaucoup de châteaux et d'abbayes].

    1859 : révolution : le train ! On pouvait dorénavant exporter la bière alsacienne. De 1859 à 1869, en 10 ans, le trafic fut multiplié par six.

    1867 : premier sous-bock.

    1870 : catastrophe : guerre avec l'Allemagne et annexion de l'Alsace. Résultat : nombre de brasseurs, qui ne pouvaient plus faire ce qu'ils voulaient, sont partis s'installer dans d'autres régions de France. Cela jusqu'en 1885.

    1876 : Louis Pasteur s'est intéressé de près à la bière en voulant en produire une meilleure que ce que buvait son boit-sans-soif de gendre !

    1891 : apparition du bouchon-couronne dans cette période faste pour la bière due à l'attaque du méchant puceron phylloxéra sur la vigne en 1866. Ce fut l'apothéose de la production de bière française en cette fin de XIXème siècle.

    Au début du XXème siècle, ce fut le début du déclin. Le nombre des brasseries diminua inexorablement :

    • 1903 : 3360
    • 1910 : 2666
    • 1926 : 1752
    • 1939 : 1000
    • 1947 : 670
    • 1980 : 22

    Entre 1950 et 1960 il y eut une concentration des brasseries, et ensuite une reconstruction des entreprises.

    Etonnant : la France est le premier exportateur de malt. (Rappelons que le malt, c'est du grain - ici de l'orge -  germé, séché au four et réduit en farine.)

    • 2011 : on est remonté à 390 brasseries. (On dépassera les 400 en 2012. Cependant une brasserie sur deux disparaît en cinq ans.)

    Info sur les bières spéciales :

    • la bière de Noël était à l'origine un cadeau traditionnel des brasseurs à leurs clients
    • la bère de mars est faite avec les dernières récoltes d'orge

    En bref, pour faire un litre de bière, il faut :

    • 200 grammes de malt
    • 2 grammes de houblon
    • 1 centilitre de levure
    • 5 à 10 litres d'eau

    Après la conférence, ce fut le moment de la dégustation grâce à Hedwig Beernaert, Belge d’Ostende, désormais installé à Rochefort pour produire la bière Fort Boyard. Ce lundi il y avait aussi une surprise avec une bière spéciale Brouage-Champlain au sirop d'érable ! Explications données à Jean-Marie Petit, maire de Hiers-Brouage et à Mickaël Vallet, maire de Marennes.

    brouage_conférence sur la bière 012 (copier)
       

    Après l'apéritif à la bière, un repas suivait avec... oui, oui des frites pour accompagner la carbonade flamande (une sorte de bœuf bourguignon à la bière), et finir par une gaufre. C'était une bonne mise en bouche pour la suite de la semaine des cultures francophones, version belge, à Marennes !

    AlCaribou






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